Là-bas on continuera d'aimer

I

Petite, à Paris, mon père n'a jamais cessé de me rappeler d'où nous venaient nos racines. Il me racontait en guise d'histoires avant de dormir ses aventures en Algérie.
Souvent quand  je marchais dans la rue en longeant les bars il m'arrivais d'écouter des conversations de pieds-noirs et ce que je remarquai c'est qu'ils en parlaient comme si ils y étaient encore la semaine dernière sans jamais citer son nom comme pour éviter de faire ressurgir des traumatismes enfouis.
Roger et Isabelle deux amis bon-vivants de mon père étaient originaires de Tlemcen et ils aimaient me le rappeler.
Un vendredi soir mon père m'emmena chez eux, je me souviens j'avais onze ans et je portait une de mes robes préférées.
Je pris une grenadine et Roger me lança comme à chaque fois « Loubna, tu sais nous aussi nous sommes de là-bas », je ne lui répondais qu'avec un sourire étant donné mon intérêt plus grand pour ma boisson.
« Là-bas » je savais de quoi il s'agissait mais je ne lui faisais jamais la réflexion par peur de le vexer.
Le jour de l'anniversaire de mes douze mon père m'emmena mes copines et moi au grand parc. Là bas nous nous racontions nos anecdotes et nos potins. Les filles parlaient souvent de garçons, moi n'ayant aucune expérience avec ces derniers, je me contentais de les écouter en silence. Isabelle nous disait que elle et son petit copain c'était fini pour de bon, Marie-Jane nous informait que Louis un des plus garçons de la classe voulait sortir avec elle et Annabelle nous montrait des photos d'elle et son nouveau petit ami qu'elle avait rencontré en colonie de vacances à Marseille. Je pouvais les écouter parler pendant des heures tant elles en savaient sur le sujet. Elles étaient des professionnelles en matière de garçons et elle me disaient toujours « Loubna quand tu auras ton premier petit-ami on t'aidera ne t'inquiète pas » je répondais toujours avec un grand sourire. En réalité il y avait bien un garçon qui s'intéressait à moi, Jonas, de la classe d'Isabelle mais ça je préférai le garder moi.