XIII

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Nous sommes samedi, à deux jours de ma condamnation, j'avais officiellement pris perpétuité pour un crime dont j'étais la victime.
La nuit j'entendis un bruit sourd, quand soudain plus rien; le bruit du néant seulement qui était tellement fort qu'il m'empêchait de penser.
Ma curiosité m'obligea à sortir pour voir ce qu'il se passait. Je sortis et je marchais vers l'endroit d'où venait le bruit.
Par terre il y'avait un corps qui baignait dans son sang, c'était Illyes. J'étais tétanisée je voulais crier mais je n'arrivais même plus à respirer. Une ombre sortit de derrière un mur, dans le noir je ne voyais rien mais je distinguai une sorte de poignard dans sa main . La panique envahissait mon corps et je me mis à courir, j'étais essoufflée et mes jambes me faisait mal mais c'était la peur qui contrôlait mon corps. L'ombre me poursuivit et m'atteignit. Mes doutes étaient confirmés c'était bien un homme à mes trousses. Il m'attrapa et me porta en couvrant ma bouche avec sa main. J'essayais de me débattre de mieux que je pouvais mais c'était impossible, il était bien trop ferme dans son maintien.
Il me reposa par terre et me dit:
« C'est bon tu as fini de t'agiter? »
« Younès? »
« Oui c'est moi, parle moins fort »,
murmura-t-il
« Mais qu'est-ce qui t'a pris? Mon cœur a failli s'arrêter! »
« Arrête de crier. »
« Mais tu te rends compte qu'on a laissé Illyes pour mort et que en plus je suis témoin? Que vont dire les journaux nationaux? "Un crime passionnel dans les rues de la Casbah"? Et puis comment tu a pu le tuer? »
« Tu préférais l'épouser? Faire ta vie avec ce dégénéré? Enfermée toute ta vie chez toi? Devoir assouvir tous ses plaisirs charnels? C'est un aliéné tu comprends ça? »
La logique de ses propos m'avait comme muselé.
« Quand j'ai reçu ta lettre je n'ai pas dormi pendant plus de quatre jours. J'attendais des journées entières devant la librairie juste pour ressentir le plaisir du simple espoir de te revoir. Et tous les jours je refaisais le même chemin jusqu'à chez toi mais seul, on cru apercevoir un fou ou un fantôme qu'on aurait chassé du Paradis, condamné à errer sur Terre. La simple pensée de te voir avec un autre m'avait mis hors de moi. Je préférai passer ma vie en prison plutôt que d'avoir à subir ce spectacle. Ce matin en étant sur le chantier de la maison d'un ancien pied-noir un peu plus loin d'ici, j'aperçus dans le bureau un poignard. Sans aucune hésitation je le plaçai dans ma poche. Paradoxalement les idées dans mon esprit étaient très claires, je savais ce qu'il me restait à faire. »
Je me mis à pleurer.
Il me caressa les cheveux avec ses deux mains en essayant de me recoiffer tant bien que mal et me dit « Loubna ce que tu ne sais pas c'est que Illyes était recherché depuis bien trop longtemps par la police et par toutes les organisations de drogues du quartier et ça nous sommes beaucoup à le savoir. Si je ne l'avais pas tué quelqu'un d'autre l'aurait fait à ma place que ce soit ce soir, demain ou dans deux semaines, il était coincé. Dans tous les cas il était hors de question que je te laisse avec lui. Je t'aime Loubna, tu es la plus belle chose qui me soit arrivé. C'est comme si Dieu avait décidé de faire pousser une seule et unique rose sur un chemin de fange. Je m'étais promis de ne jamais commencer à vivre avant d'avoir trouvé un sens à ma vie et puis je t'ai trouvé.»
Avant même que je ne puisse lui dire un mot il sortit de sa poche un livre, Les Rêveries du Promeneur Solitaire, il l'ouvrit et révéla de cette silène un splendide collier. Il me le mît autour du cou et m'annonça: « nous allons attendre quelques temps que la nouvelle de la mort d'Illyes se tasse, ensuite je viendrai demander ta main. »
je me contentai d'acquiescer avec un signe de tête et il me raccompagna jusqu'à chez moi. Il attendit d'être sûr que je sois dans ma chambre et il disparut en s'éloignant dans la noirceur de la rue.

Là-bas on continuera d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant