Chapitre I

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Ma peur a un nom : l'espoir. J'ai désormais peur d'espérer.Peur de perdre cette petite étincelle morcelée et infime qu'est l'espoir.

Mais qu'avais-je à espérer de la vie, aujourd'hui ? Artyom était mort. Sans doute quelques mois, une année, une décennie. J'avais perdu le compte du temps. Désormais, la vie ne m'apparaissais que comme une vaste blague. J'aurais dû être avec lui, ce jour-là. J'aurais dû mourir à ses côtés.


Mais cette saloperie le destin en avait décidé autrement.J'étais toujours là. Espérant que quelque chose ou quelqu'un vienne me tirer de cette torpeur sans fin.


J'avais perdu mon amour au sens propre et figuré du terme.


Il ne restait plus rien de notre petite maison au bout de cette allée. Ce long chemin bordé part des dizaines de rangées d'arbres aux feuilles couleurs lie de vin. Ce rouge si éclatant et immortel. L'automne était éternel sur Tardor. Un temps humide,parfois sec. La température était souvent douce et agréable. Les couleurs de cette île étaient enchanteresses. Et nous en étions tombés amoureux, Artyom et moi. C'était là, où ma famille m'emmenait, petite. Là que je voulais vivre. Loin de tout.


Artyom avait accepté, purement et simplement, sans poser de question.

Et pourtant, si j'avais su. S'il avait su. Sa décision aurait sans doute était tout autre. La mienne aussi.


Tout était tombé en cendres. Il n'y avait plus que les pierres noircies par le désastre, un souvenir constant de cette sombre journée. Je ne pouvais pas me résigner à partir. Ces murs de briques tenaient bon malgré le temps passé, et je vivais sous leur aile protectrice. Et le jour où ils s'écrouleront, ils m'emporteront avec eux dans leur chute.

Je priai chaque soir pour qu'ils s'effondrent.

Je priai pour qu'il n'y ait jamais de lendemain.


                                                    ***

Le bruissement des feuilles tira Héra de son sommeil. Plusieurs d'entre elles étaient tombées autour d'elle durant la nuit. Elle inspira profondément l'odeur de la rosée matinale. Doucement, elle se releva, époussetant ses jambes et épaules pour se débarrasser des feuilles mortes. Ses yeux s'irriguèrent vers les poutres noircies par les flammes. Les bras appuyés le long de ses cuisses, Héra ne bougeait pas, contemplant les ruines.

Encore un lendemain. Encore une journée sans lui.

Fermant les yeux, elle se leva, partant pour son soi-disant travail. Matin et soir, la jeune femme repartait vers le village ouvrir sa boutique. Tous les jours, sans faute, elle venait dès qu'elle en avait la possibilité. Elle n'était pas tenue par des horaires comme les autres commerçants. Son commerce attirait peu de personnes, puisqu'il y avait peu de voyageurs sur Tardor.

Héra était tatoueuse. Ce n'était généralement pas une profession vue d'un bon œil, trop souvent associée aux pirates et aux prisonniers. Même si les gens l'appréciaient, ils gardaient une certaines distances. Des formules de politesse par-ci, par-là, de temps en temps, ils lui demandaient comment elle allait. Elle faisait toujours en sorte de leur répondre, de leur rendre la pareille, même si cela lui demandait des efforts colossaux pour tenir une conversation. Qui plus est, les villageois semblaient à chaque fois avaler quelque chose de trop amer quand elle prenait la parole. Comme si la pilule avait du mal à passer. Sans parler des coups d'œil furtifs vers sa poitrine et l'intérieur de ses avants bras tatoués.

Destinée IncandescenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant