Chapitre 23 : Sur un air de mélancolie

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          Je ne sais pas ce à quoi je m'attendais lors de ma visite chez mes grands-parents mais je ne m'imaginais pas voir mon cher papi inerte dans son lit médicalisé. Ma grand-mère m'avait prévenue mais mon esprit d'adolescente ne voulait pas réellement l'assimiler et se faisait un malin plaisir de garder ses œillères.

          Se voiler la face est un système de défense très répandu au sein des Hommes et, même si je m'évertue à rester ancrer dans la réalité, je fais partie de ces personnes. Je ne suis pas à part. Je suis humaine.

          La pression exercée par les bras de ma grand-mère qui m'enserrent fait écho à celle que subit mon cœur. Mes yeux rivés sur mon grand-père, je peine à ravaler les larmes qui menacent d'affluer le long de mes joues.

— Comment va-t-il aujourd'hui ? demandé-je à ma mamie.

— Pas de changement mais je suis sûre que ta présence lui fera du bien.

          Je me dirige vers lui, non sans appréhension. J'hésite à lui prendre la main. Son teint est livide avec une légère teinte jaunâtre. Ses traits sont creusés comme s'il n'avait pas mangé durant des semaines. Ses ridules de joie ne sont que l'ombre d'elles-mêmes. Que ce soient ses blagues juvéniles, son espièglerie, son sourire réconfortant ou son regard compréhensif, tout semble avoir disparu, laissant place à un visage insipide. Ce n'est pas mon grand-père. Il est totalement méconnaissable.

          Je ne peux plus le regarder. Le voir dans cet état est complètement impensable et perturbateur et je fais la seule chose dont je suis capable : m'enfuir. Alors que je sors de la maison, les larmes tant retenues dévalent rapidement mes pommettes. Je cours sans réfléchir à où je vais mais le cadre mes ramène à mes souvenirs et je m'arrête ; le jardin de mes grands-parents. Plus précisément, là où les plantations de fruits rouges se trouvent, non loin du poulailler ; notre endroit.

          Je m'assois sur l'une des grosses pierres et regarde les poules. D'une étrange manière, elles m'apaisent, même avec leurs petits combats. La simplicité de leurs échanges m'éloigne de mes pensées et je ne vois pas le temps défiler.

          Je finis par ressentir une présence derrière moi. Je me retourne et l'homme ressemble à mon père. Son petit sourire montre qu'il est content de me voir malgré les circonstances.

— Ça fait longtemps, murmure-t-il.

— Tonton Patrick. Je suis vraiment contente de te voir.

          Je me lève et le prends dans mes bras. Cette étreinte n'a rien à voir avec celle de ma grand-mère. Elle est plus douce, réconfortante, sécurisante.

— Tu sais que mamie te cherche depuis deux heures ?

— Je n'ai pas vu le temps passer. J'avais besoin d'être seule.

— Je me suis souvenu qu'avec papi vous passiez votre temps ici.

— Mes meilleurs souvenirs. Il ne parlait pas beaucoup mais... acquiescé-je sans finir ma phrase.

— ... mais il était présent, termine-t-il. Comment ça se passe avec ton père ?

— Il fait des efforts, peut-être un peu trop mais quand même moins que sa femme.

          Il rit sachant sans doute mieux que moi comment elle est.

— Linda peut être un peu envahissante. Elle veut bien faire et s'intégrer à tout prix. Vous avez pu discuter ?

— Je... je ne suis pas prête.

— Tu n'es pas prête ou tu n'en as pas envie ?

— J'avoue que cette question reste en suspens. D'un côté, j'aimerais enfin avoir une relation avec mon père mais, d'un autre, je doute qu'on y arrive et surtout, j'ai peur. Peur d'espérer pour, finalement, être déçue et être abandonnée, une nouvelle fois.

Et si ... {1er jet}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant