Son plat préféré (Goro x V) (ongoing)

Diner imprévu

-[ ??? - ??:??]-

Le sang pulse à mes tempes, des courbatures m'enlacent le dos, une vague notion du poids de ma langue dans ma bouche, ainsi qu'un acouphène à l'oreille droite, le tout dans une symphonie de sensation désagréables, finissent par me réveiller.

Une désagréable sueur froide me traverse lorsque je me lève (non sans mal)... Je suis où, là? Je suis sur un lit, sans gueule de bois, habillée, donc pas de coup de désoss' ou de soirée alcoolisée... Mon regard se pose sur la pièce: une chambre, très sobre, bien nette, un petit style japonais dans la décoration. Comment je suis arrivée là...

Un bruit de ferraille me parvient d'une pièce voisine, suivi d'un bas mais agacé...

"Kuso...!"

La planque. Goro. L'ascenseur.

Je traverse mollement la chambre, et jette un coup d'œil dans la pièce voisine: un petit salon, relié à une encore plus petite cuisine et séparés par une sorte de petit bar, et derrière ce bar, me tournant le dos, la grande silhouette de l'homme m'ayant probablement portée jusqu'ici.

"Goro...?"

Il se retourne, mi-surpris, mi-peiné.

"Ah... Je t'ai réveillé. Pardonne-moi V, je suis plus discret, d'habitude."

Il semble affairé dans la cuisine, un si petit espace doit être bien peu pratique pour y manœuvrer quoi que ce soit.

"Y'a pas de mal, j'étais déjà levée... Heu... Comment on est arrivés là? Je me souviens avoir perdue connaissance et..." 

"Oui. Je ne pouvais pas te laisser sur le toit, ça aurait été dangereux. J'ai appelé ton amie Misty, qui m'a dit de te donner ça et de te laisser te reposer."

Il désigne ma boite de cachet, posée sur le bar. Ça explique le calme au réveil.

"J'espérais... Qu'elle s'occuperait de toi, mais il semblerait qu'une urgence de Viktor l'ai fait raccroché promptement..."

"Ah... Et donc...?"

"Chez moi. Enfin, pour l'instant. Tu as dormi quelques heures."

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-[ Appartement de Goro - 21:45]-

Je reprend calmement mes esprits, posée dans ce salon au petit goût d'interdit. L'appartement de Goro Takemura! J'explore du regard chaque étagère, chaque détail. Ça m'a l'air d'un appartement tout ce qu'il y a de plus banal qu'on peut trouver à Japantown, en plus propre. Après tout, c'est pas comme si il avait emménagé ici avec ses affaires... Il n'y a aucune décoration personnelle nulle part, et ce constat m'attriste soudainement. Goro a t'il déjà eu un appartement pour lui seul? Goro a t'il seulement jamais pu exprimer un goût personnel...?

Mon regard glisse de l'étude du salon, à l'étude de mon hôte. Affairé dans la cuisine, il a rangé sa grande veste noir, et expose sa chemise blanche, seule. Toujours élégant, mais pourtant cela me semble plus détendu. Il m'a interdit de venir le déranger pendant qu'il cuisine, et au vu de la taille de l'espace, je n'y voit rien à y redire. Je l'observe, concentré sur le maniement de son couteau, les manches relevées aux coudes. Ses mains saisissant les ingrédients avec dextérité et fermeté. Une mèche de cheveux rebelle tombée devant ses yeux... Mince c'est vrai qu'il est pas mal, vu comme ça! Peut-être que Johnny avait raison après tout, un mec qui fait la cuisine, c'est vrai que c'est sexy...

Je suis tirée de mes rêveries par un regard qu'il m'adresse, probablement qu'il aurait senti que je l'observais avec un peu trop d'insistance. Je fais mine d'être absorbée par le porte-encens en forme de dragon face à moi. Mince, un vrai comportement d'ado, c'est quoi mon problème? C'est pas comme si c'était grave qu'il me surprenne à le regarder! Bon... C'est peut-être grave si j'ai un air béat et du rose aux joues, mais on en est pas encore là! Je lui suis reconnaissante de m'avoir aidé, mais je vais pas m'emballer pour autant...
Sur ces pensées il s'approche de moi, deux grands bols à la main.

"Je ne pensais pas t'avoir à dîner aussi rapidement, j'espère que tu seras satisfaite."

"Oh, Goro, je t'assure que maintenant, n'importe quelle nourriture aurait grâce à mes yeux."

C'est tout à fait vrai, cette crise m'a épuisée, et l'idée même de manger est une délicieuse pensée. Cela dit l'odeur du plat est des plus alléchantes...

"Ça a l'air... Délicieux, et qu'est ce que ça sent bon!"

Le plat est simple, c'est un bol de ramen à la viande reconstituée et aux légumes réhydratés, et pourtant je vois la dextérité avec laquelle il a été préparé. Les nouilles sont cuites à la perfection, et le bouillon brun est légèrement sirupeux. La viande est grillée et légèrement caramélisée, tandis que les légumes sont croquants malgré leurs chairs gorgées de jus.
Je remarque ses yeux, fixés sur moi, curieux de ma réaction, sans doute à la recherche d'une quelconque remarque que je pourrais faire.

"Mmmmmh... Goro c'est délicieux..."

Ses yeux se plissent dans un sourire fier, qu'il contient en attaquant son propre plat. Ma remarque le touche, c'est évident. Je ne pensais pas qu'il prendrais autant de plaisir et de fierté à cuisiner, mais il apparaît ici comme beaucoup plus doux qu'à l'habitude. La cuisine... Ou les compliment sur sa cuisine, sont apparemment des portes ouvertes sur une partie plus sensible de lui.

"Tu avais dis que tu aurais de grandes attentes... Sont elles toutes comblées?"

"Mon cher Takemura, vous m'offrez un repas digne d'une reine!"

Je parade devant son air amusé.

"Je vous engage donc comme cuisinier officiel de la cour, à effet immédiat! Je prendrais du vin pour fêter ça."

"Si ce n'est que ça..."

Il passe une main sous la table basse pour en sortir deux bières.

"Ce n'est pas une boisson adaptée pour ce genre d'événement, mais c'est tout ce que j'ai."

"Goro, vous faite de moi une femme comblée!"

J'ouvre les deux bouteilles avant de lui en tendre une.

"C'est peut-être un dîner imprévu, mais tu sais recevoir!"

Nous trinquons joyeusement, et l'espace d'un instant, j'oublie pourquoi je suis ici. J'oublie l'entrepôt d'Arasaka, j'oublie les chars du défilé, j'oublie Hanako, j'oublie la Relic... A cet instant il n'y a que nous, deux bols de ramens et deux bières, une odeur de cuisine et d'encens dans l'air. Deux inconnus dans Nightcity, partageant un repas dans un appart' minable de Japantown.
Ses yeux plongés dans les miens, j'ai envie de tout lui dire. Mes peurs, mes incertitudes, tout. Mais je lui souris juste, la bouche pleine de nouilles, pour préserver la douceur de l'instant.