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Malgré la pluie battante qui tombe sur le parc, le feu de cheminée fait régner une chaleur confortable dans la salle commune des Gryffondor. Sirius regarde ses flammes danser, la tête posée entre ses bras, l'esprit ailleurs.

— Padfoot !

James le regarde avec insistance et secoue sa plume sous son nez. Sirius sort de ses pensées comme d'un sommeil profond.

— Passe moi de l'encre. J'en ai plus.

Sirius lui tend son encrier en silence.

— T'es distrait depuis hier soir, fait remarquer James en se replongeant dans son parchemin.
— Hmm.
— Tu n'as pas voulu me raconter ton rencard avec Vance.
— Y a rien à dire.

James lui jette un regard suspicieux par dessus la monture de ses lunettes. Sirius évite ses yeux inquisiteurs, croisant ceux de Remus à la place, qui vient de s'assoir près d'eux, un livre de métamorphose dans les bras.

— Vous faites votre devoir ? Impressionnant, ironise-t-il en prenant une plume à son tour.

Sirius l'observe à la dérobée. Ses lèvres qui s'entrouvrent dans un sourire, amusé par une plaisanterie de James ; la lueur de malice qui brille dans ses yeux ambres ; la cicatrice qui s'étend d'un bout à l'autre de son visage ; les tâches de rousseurs presque imperceptibles qui parsèment son nez ; les boucles châtains qui se perdent sur son front.
Et quelque chose s'allume au fond de sa poitrine. Quelque chose qui ne s'est jamais allumé pour personne auparavant. Quelque chose qu'il a repoussé pendant si longtemps, mais qu'il ne peut plus ignorer à présent.

Il se redresse, effaré. Non. Pas lui. Pas Remus.

— Tout va bien, Pads ? S'enquiert ce dernier, penché vers lui.
— Oui.

Sirius baisse les yeux sur son devoir à peine entamé. Rester neutre. Agir normalement. Ignorer Remus comme il l'ignorait avant.
Il écoute James lui parler d'un nouveau tour, envoie un clin d'oeil à une ou deux filles, taquine Peter. Et pas une seule fois, il ne croise le regard de Remus.

— Tu ne peux pas faire léviter un professeur, James.

Remus marche en tête du groupe, suivit de près par le reste des maraudeurs. James le premier, luttant pour rester à son rythme. Peter le deuxième, courant presque. Et Sirius le dernier, évitant scrupuleusement un contact direct avec Remus.

— C'est juste une expérience, insiste James. Ça ne durera pas longtemps !
— C'est ridicule.
— Où est passé l'ancien Moony qui acceptait chacune de nos bêtises ?
— Il est devenu préfet, et il peut vous coller une retenue.

James pousse un long soupir désespéré. Sirius passe un bras par dessus ses épaules, son sourire goguenard habituel flanqué sur le visage.

— Depuis quand une colle t'arrête, Prongs ?
— Depuis que mon propre meilleur ami est celui qui m'en donne.
— Qu'il essaye un peu.

Remus s'arrête net et se tourne vers Sirius. Il s'approche de lui jusqu'à le tirer en avant par sa cravate défaite.

— Je t'en donne une à l'instant si tu doutes encore de moi, Pads, réplique-il d'un ton autoritaire.
— D'accord, d'accord.

Sirius déglutit, conscient du rouge qui lui monte aux joues, et recule avant de prendre la même couleur que sa cravate. Remus le laisse s'éloigner, satisfait, et reprend son chemin.
Ils arrivent en retard en cours de sortilèges, et seul Peter a le bon sens de s'excuser. Sirius et James prennent immédiatement les places de devant, au grand étonnement du professeur et à la grande suspicion de Remus.

Le cours se déroule dans une tranquilité inquiétante. Les élèves effectuent le sortilège appris avec concentration, et les maraudeurs sont plongés dans un silence inhabituel. Désireux de vérifier leur travail, le professeur Flitwick pose un pied en avant pour descendre du bureau mais n'atteint jamais son but ; au lieu de ça, il s'envole et monte dangereusement au plafond sous les yeux ébahis des élèves.

— Qu-Que se passe-t-il ? S'insurge le petit homme. Qui fait ça ?

Sirius éclate d'un grand rire sonore. James pouffe lui aussi, manipulant discrètement sa baguette sous son pupitre. Lily est catastrophée. Elle tente désespérément de faire descendre son professeur.

— Potter ! Le reprend-elle, offusquée.
— Pourquoi serais-je encore le fautif, Evans ? Riposte le concerné.

À côté de lui, Sirius rit tellement que des larmes perlent aux coins de ses yeux. James a du mal à se contenir devant Flitwick qui s'agite inutilement dans les airs. Avec peine, Remus tente lui aussi de camoufler un sourire

— On finira en retenue sitôt qu'il aura posé un pied au sol, chuchote James entre deux éclats de rire.
— Alors laisse-le là où il est, répond Sirius sur le même ton.
— Faites le descendre, les gars.

Remus s'est levé et se tient devant eux, accoudé à leur pupitre. Il jette un coup d'œil à Flitwick, qui flotte dans la classe comme un ballon de baudruche.

— On a bien rigolé, arrêtez maintenant, insiste-t-il sans pour autant durcir sa voix.
— Tu as rigolé ? Triomphe Sirius.
— Ce n'est pas la question.

Remus ne peut retenir un sourire. Sirius le lui rend. James soupire et agite sa baguette, laissant le professeur Flitwick toucher le sol en douceur. Ses lunettes se tournent immédiatement vers eux.

— Potter, Black, Lupin, Pettigrew : retenue tous les soirs de la semaine à partir de demain ! Annonce-t-il sans détour.
— Je n'ai rien fait ! S'offusque Peter depuis l'autre bout de la classe.
— Si l'un de vous est impliqué, les autres le sont forcément aussi. Le cours est terminé.

Les élèves quittent la classe dans une cacophonie de rires et de compliments amusés pour les maraudeurs. James se jette sur les épaules de Remus en ricanant.

— Tu n'as pas eu le temps de nous mettre ta retenue, Moony !
— Je ne l'aurais pas fait de toute manière, soupire Remus en secouant doucement la tête. Contentez vous de celle de Flitwick.
— J'y crois pas, geint Peter, pour une fois que je n'y étais pour rien.
— N'essaie même pas de te défiler, Wortmail.

James et Peter se chamaillent tout au long du trajet vers la grande salle. Malgré lui, Sirius est obligé de marcher aux côtés de Remus, à l'arrière. Ce dernier avance sans un mot, les mains enfoncées dans ses poches. Arrête ça, Sirius Black. Pense-t-il alors que Remus lui adresse un sourire effronté. Arrête de tomber pour lui.

moonlight loversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant