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Sirius est longtemps resté allongé sur son lit, les bras le long du corps, tentures tirées. Il n'a aucune idée de l'heure qu'il est. Tard dans la matinée, probablement, parce qu'il lui a semblé entendre ses camarades de chambrés se lever pour le petit déjeuner. Le dortoir est à présent silencieux.

Maintenant que son esprit est reposé, les événements de la veille lui reviennent avec clarté. Et Sirius ne peut pas y croire. Que lui est-il arrivé ? Il l'a presque fait. Il l'aurait fait. Si Marlène n'était pas passée par là..

Il passe une main sur son visage, effaré. Il ne peut plus vivre comme ça, rongé de l'intérieur par des sentiments qu'il peine à étouffer.
La nuit dernière, il a fait face à ce qui le tourmentait depuis trop longtemps. Il a enfin regardé la vérité en face. Je n'aime pas les filles. J'aime les garçons. Ce n'est pas une tare, même si le monde en est persuadé.

Avec vigueur, il se redresse. Le plan est simple, jusqu'à la fin de Poudlard, il sera Sirius. Sirius un peu frivole, papillonnant de filles en filles sans jamais se poser. Sirius dragueur, blagueur. Il n'a jamais eu de petite amie ? Normal, c'est son caractère !
Puis l'école sera terminée, il pourra être qui il voudra. Avec discrétion, peut-être, mais sans vivre dans la crainte d'être découvert. Il ne refoule plus ses sentiments, il les enfouit juste en attendant le bon moment.

C'est la seule solution, n'est-ce pas ?

La porte du dortoir s'ouvre à la volée. Sirius sursaute. Ses tentures s'ouvrent dans la minute qui suit.

— Ah ! T'es réveillé.

Remus sourit avec bonne humeur, il a les yeux qui brillent. Sirius ignore son cœur qui s'agite.

— Ouais.. pourquoi vous m'avez pas réveillé ?
— T'es rentré tard hier soir.. comme tu te levais pas on a voulu te laisser dormir.
— Oh.

Ils ont donc remarqué. Sirius s'agite, mal à l'aise. Ils lui demanderont probablement des explications.

— Je..
— Inutile de te justifier, coupe précipitamment Remus. On sait que tu étais avec une fille.

Sirius ouvre la bouche pour protester, mais s'abstient, hochant lentement la tête à la place.

— James et Peter ont parié, ajoute Remus, les yeux dans le vague. James pense que c'est Emmeline, Peter que c'est Marlène, parce qu'elle a demandé après toi ce matin.
— Marlène a demandé après moi ?

Sirius passe une main dans ses cheveux, inquiet. La pauvre jeune fille a du être affolée de ne pas le voir arriver pour le petit déjeuner. Qui sait ce qu'il aurait pu faire d'insensé après leur séparation. Remus pince les lèvres.

— Alors.. Peter a raison, conclut-il.
— Non ! Riposte vivement Sirius. Enfin, si mais.. c'est pas ce que tu crois ! On ne..
— Je m'en fiche, Sirius.

Le brun laisse tomber ses bras le long de son corps, démuni. Le visage de Remus a une dureté inhabituelle. Ça lui fait comme un coup au cœur.

— Bref, je.. je t'ai apporté des toasts.
— Merci. Fallait pas. 

Remus hausse les épaules et sort deux sandwichs emballés dans un mouchoir. Confiture et beurre de cacahouète. Sirius esquisse un sourire, Remus le connaît bien.

— Je vais rejoindre James et Peter à l'entraînement, annonce le châtain, alors..
— Ouais. Je sais où te trouver.

Remus lui sourit, la douceur de son visage est revenue. Il serre brièvement sa main dans la sienne avant de se lever. Sirius le regarde partir. L'attention de Remus à son égard, quelle que soit sa nature, réussit toujours à l'apaiser.

Au dîner, ce soir là, Sirius a retrouvé sa bonne humeur. Il rit plus fort que tout le monde, ensorcelle l'assiette de Peter pour qu'elle vole au dessus de sa tête – le pauvre garçon finira par se renverser de la purée de potirons sur le front dans une veine tentative de récupérer son repas, et adresse même un clin d'œil charmeur à Emmeline. La vie reprend son cours.

— Donc.. commence James alors qu'ils en sont au dessert. Qu'est-ce qui t'a retenu si tard hier soir ?
— Oh, ça. Sirius marque une brève hésitation, de la tarte au citron plein la bouche. Ne vous y méprenez pas, Marlène et moi ne faisions que discuter.

James soupire et fait tomber trois noises dans la paume tendue de Peter, les yeux plissés.

— Ouais, c'est ça, discuter.

Il mime un geste obscène avec son poing et sa bouche. Remus lui fiche un coup de pied sous la table. Sirius ricane.

— Parlons d'autre chose, intime le châtain, irrité.
— Est-ce que j'ai le droit de parler de Lily ?
— Achevez moi, gémit Sirius.
— Plantez moi une fourchette dans le cœur ce sera moins douloureux, ajoute Peter, se saisissant du couvert.

James ne semble pas entendre leurs plaintes parce qu'il se lance dans une explication élaborée du pourquoi le « dégage, Potter » de Lily semblait moins sincère aujourd'hui.

J'y ai beaucoup réfléchi et..
— Avec ton cerveau ou tes pieds ? Coupe Remus.
— Je me dis qu'elle fait peut-être de la psychologie inversée, continue James, inébranlable.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? Demande Peter.
— Elle veut que je fasse le contraire de ce qu'elle dit.

Il se penche en avant, comme un savant fou qui explique sa théorie la plus insensée.

— Quand elle dit « Non, Potter ne t'assois pas à côté de moi », ça veut dire « Oui, James, je mourrai d'envie que tu restes près de moi ».
— Hhm.

Peter fait la moue, septique, Remus roule des yeux et Sirius tape des mains.

— T'es sur la bonne voix, Prongs !
— Ne l'encourage pas ! S'exaspère Remus.
— Oh, et comment tu vas m'en empêcher, Moony ?

Remus hausse les sourcils, peu impressionné, et se penche par dessus la table. Sirius déglutit lorsque ses lèvres effleurent presque son oreille. Son souffle chaud chatouille le creux de son cou.

— Tu n'imagines même pas, chuchote Remus avant de se laisser tomber en arrière.

Sirius est rouge comme une tomate, ne pouvant empêcher les pensées salaces d'affluer dans son esprit. Peter fronce les sourcils et secoue son épaule.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Hein ?

James le fixe bizarrement, Sirius déglutit et détourne son regard. Il a tout compris, susurre la petite voix au fond de sa tête. Et il est bien décidé à la faire taire. Il scrute la salle qui se vide peu à peu alors que le repas se termine. Une fille, n'importe laquelle, pour brouiller les pistes. Par chance, Hilda, une Poufsouffle qui, il le sait, a des vues sur lui depuis un moment, passe devant lui à cet instant. Il se lève brusquement et la rattrape par le poignet.

Sous les yeux étonnés de ses amis, il lui murmure quelques paroles dont lui seul à le secret. Plus il parle, plus Hilda rougit. Quand il se recule légèrement, elle hoche la tête avec vigueur, sourire aux lèvres.

— Excusez-moi, les gars, je la cherchais depuis un moment, annonce-t-il alors que la jeune fille le traîne déjà à l'extérieur.

Il croise le regard rassuré de James et soupire de soulagement. La crise est passée. Mais jusqu'à quand ?

moonlight loversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant