MOUVEMENT N°4

65 11 28
                                    

𝐋𝐄𝐒𝐋𝐘𝐄


Je tombe des nues. Complétement.

Ma bouche reste ouverte et je peux presque entendre un moucheron qui gesticule dans ma gorge. Il me faut du temps pour être sûre que je ne rêve pas ou que ce n'est pas une vilaine blague. À côté de moi, Maely, ma meilleure amie, me sourit. S'il y a bien une fille qui est heureuse aujourd'hui, c'est elle. Elle a toujours rêvé de prendre des cours de hip-hop, mais n'en a jamais eu l'occasion à cause de ses nombreux stages qui lui prenaient toutes ses vacances. Cette possibilité que lui offrent Monsieur Mansart et Madame Perrin tombe à pic.

Alors que de mon côté, c'est tout autre chose. On m'a toujours dit que le hip-hop était seulement une passion et que perfection ne rimait pas avec hip-hop. C'est bien pour ça que mes grands-parents ne voulaient pas que je fasse une formation dans ce domaine. Ils ont toujours eu un grand impact dans mes choix et je pensais que ce qu'ils m'avaient empêché de faire, je n'allais pas le regretter. Aujourd'hui, je ne peux pas dire que c'est le cas, mais si j'avais pu avoir quelques bases, ça n'aurait pas été de refus. Histoire, de ne pas paraitre nulle à leurs côtés.

Car s'il y a bien une chose que je n'aime pas, c'est de ne pas savoir et ne pas sentir que j'ai les compétences dans ce domaine.

— Je n'aime pas du tout ça.

— Arrête de voir le mal partout, ça va être dément !

— Tu vas réussir à me donner ta bonne humeur, décale-toi, rigolais-je, en me décalant quand même.

Maely me prend par les épaules et approche son visage jusqu'à les coller l'un contre l'autre. Elle me sert trop, sans aucune raison, mais je ne dis rien. Ce n'est pas à mon habitude, et penser à ça me force à tout faire pour me décaler. En vain. Elle a plus de force que je ne le pensais.

— Tu nous imagines, avoir des compétences que d'autres n'ont peut-être pas, rêve-t-elle en illustrant ses pensées par ses mains qui naviguent devant nous. Pouvoir les narguer, je sais que tu aimes faire ça. Ne pas être supérieures car ce sera grâce à des bolos comme eux qu'on a ces bases, mais avoir l'occasion de danser comme personne d'autre.

— Tu ne m'auras pas avec ta naïveté digne d'une poule qui ne sait pas qu'elle va finir dans notre assiette.

— Leslye Corso, venez-vous d'oser me comparer à une poule ?

Je hoche la tête, fière qu'elle soit préoccupée par ça, assez en tout cas pour me libérer de son emprise. Je ne sais pas comment prendre le regard qu'elle me lance, alors je souris, comme si c'était la seule la chose que je sais faire. Ça ne semble pas la contrarier et je m'en vois réjouie.

Je la laisse donc avec les nombreuses images de poules qui doivent envahir son esprit, pour que le mien scanne les alentours, et particulièrement ceux qui le partagent. La moitié sont des personnes que je connais déjà, je me tourne donc directement vers le groupe de hip-hop. C'est là que je reconnais le gars qui, hier, faisait du skate, celui qui avait du mal à mettre une jambe devant l'autre mais qui faisait des trucs de fous sur sa planche. Je lui souris mais lui ne me rend qu'un regard bizarre. Pour une fois que je suis gentille avec un inconnu, il faut qu'il soit bête. Je reste un moment à le regarder, tout le temps qu'il faudra et qui nous sera donné, car je ne veux pas être la première à détourner le regard. S'il y a bien quelqu'un qui doit perdre à ce jeu, c'est lui. Aucun doute.

Nous sommes tous les deux têtus et j'aime ça. Un de ses amis lui tapote l'épaule, mais ses yeux, dont je n'arrive pas à voir le couleur de là où je suis, restent inexorablement vissés aux miens. Je sens l'œillade du garçon sur moi, sûrement se demande-t-il ce que nous fabriquons. Je ne le sais pas moi-même, si ça peut le rassurer.

À l'unissonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant