Sympathie nocturne

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La journée avait été incroyablement longue. Tout ce que j'avais fait, c'était de courir entre tout les bâtiments pour jouer au pigeon voyageur entre Price et Laswell. La était l'inconvénient de l'armée, lorsque nous n'étions pas en mission, certaines activités étaient pire qu'ennuyeuse mais obligatoire. Je pense que j'étais désormais capable de diriger n'importe qui dans le régiment, je le connaissais par cœur. Il m'arrivait de croiser le chemin de Gaz qui n'en menait pas large non plus. Contraint à devoir trier tous les dossiers de l'année dernière, ce n'était pas mince affaire. Ça me rassurait dans le fait de ne pas être la seule à avoir l'envie de me cacher pour échapper à ce genre de tâche. Sur les coups de dix-huit heures, Price décida d'enfin me libérer, ayant reçu le dernier papier qu'il devait avoir. Je ne cachais pas mon soulagement et fonçai directement en direction de mon dortoir.

Nous avions décidé avec Soap de faire chambre partagée, nous étions officiellement un couple maintenant. Deux armoires, plus de vêtements et deux lit simple rapprochés ensemble pour en former un double. Heureusement que les chambres dédiées à la 141 étaient spacieuse, autrement, il aurait été compliqué d'y faire passer deux personnes et un chien. Borka m'accueilli à la seconde où j'ouvris la porte. J'adorais lorsqu'elle me faisait une fête aussi joyeuse. Je n'avais pas pour habitude de la laisser seule ici, mais pour une journée comme celle-ci je n'avais pas trop le choix. Elle me faisait bien comprendre que je lui avais manqué, manquant presque de me faire tomber en me sautant dessus.

Y/N : doucement, pas la peine de me mettre un k.o

Je la gratifiais encore quelques secondes de papouilles avant de me redresser et d'aller la nourrir. Son appétit d'ogre étant plus puissant que son amour pour moi, elle détourna très vite son attention sur cette gamelle remplie de sa victuaille. Ayant enfin le champ libre, je décidais d'aller prendre une douche pour me rafraîchir. Passer sa journée en treillis en pleine été n'était pas chose facile à supporter. L'eau me fit le plus grand bien et puisque je n'avais plus aucune obligation jusqu'à demain matin, j'enfilais une tenue simple et légère pour mieux supporter la chaleur une fois finis de me décrasser. Soap m'avait prévenu qu'il rentrerait tard ce soir. Ça m'arrangeait, je pouvais aller faire ma petite escapade de soirée tranquillement. Je pris mon sac qui traînait sur le bord du lit, y enfournant un semblant de repas que j'avais pris avant de venir ici et une bouteille d'eau. Ma chienne comprit immédiatement mon intention et fit tourna en rond autour de moi. C'était une habitude qu'elle avait prise chaque fois que nous nous préparions à aller dehors. Étant donné que nous n'allions pas travailler, je n'allais pas la déranger en lui enfilant son harnais tactique, un simple collier suffisait.

Ça faisait déjà presque deux ans que j'avais rejoint la 141. Depuis quelques mois, j'avais réussi à obtenir la permission de pouvoir aller ou bon me semblais comme tout autres militaires normal ici. Après de nombreuses négociations dirigées par Price, le haut commandement avait finalement accepté à une seul condition : que je ne quitte pas le pays dans un cadre autre que militaire. N'en n'ayant pas vraiment l'intention la condition ne me dérangeait pas. Il fallait dire que cette demande était assez logique, aux yeux du monde, j'étais censée être morte. Une revenante ne pouvait pas se balader comme ça et de toute manière, j'avais un groupe de soviet l'ayant de travers aux fesses. Rester sur le territoire m'assurait la sécurité qu'ils ne viendraient pas directement me chercher.

Passant devant l'entrée du régiment, je saluais d'un signe de tête ceux de garde ce soir. Au départ, je devais toujours montrer ma carte d'identité avant de sortir, mais ils avaient pris tellement l'habitude de me voir qu'on ne me la demandait plus. Bien entendu, mon identité était totalement fausse, montée de toute pièce pour me cacher au mieux. Un nom des plus banal, Jade Milson, originaire de Washington DC ce qui camouflait plutôt bien mon accent peu commun.

Le régiment était reculé de la ville, sortir d'ici c'était se retrouver directement face à des étendus de champs à perte de vu. Borka connaissait le chemin, je n'avais plus besoin de la guider, et elle fonça toutes pattes en avant. L'endroit que je visais n'était pas très loin, il ne me fallait que dix minutes de marche pour y arriver et une fois fais, comme à chaque fois que je venais, je m'installais au pied du même arbre perdu parmi tant d'autres dans cette micro forêt. Mon amie a quatre pattes couraient autour de moi, reniflant absolument partout en secouant frénétiquement sa queue. Elle aussi aimait venir ici, c'était bien plus agréable que le bitume et les véhicules.

Je venais ici chaque vendredi soir pour m'y détendre, c'était mon petit coin de repos. Je l'avais trouvé par hasard un soir en promenant ma chienne. Depuis, je ne faisais que revenir. La forêt était petite, à peine une centaine d'arbres, quelques buissons ici et là. Mais c'était suffisant pour instaurer un calme apaisant et une bonne fraîcheur pour les nuits chaudes de l'été. Parfois, entendais-je hululer hibou ayant niché dans le creux d'un arbre mort à côté. Mais j'entendais surtout, comme chaque vendredi soir, les pas de Ghost craquant sur les branches et feuilles.

Je ne sais pas pourquoi il m'avait suivi un soir, curiosité ou simple précaution ? Aucune idée. En-tout-cas, depuis, nous nous rejoignions toujours ici. Il prenait lui aussi un repas et comme à chaque fois, nous mangions en silence en regardant la forêt se couvrir du manteau noir de l'obscurité. La pénombre apporta avec elle tous ses habitants, petits oiseaux nocturnes, chauve-souris, insectes... Tous travaillaient en concert dans un champ rythmé par leurs propres déplacements. Nous ne disions jamais rien jusqu'à finir nos repas, c'était toujours comme ça. Nous profitions à deux de ce changement de décor.

Y/N : pourquoi tu m'as suivi, la première fois ?

Ghost : je me demandais où tu allais à une heure pareille.

Y/N : et pourquoi tu reviens toujours ?

Ghost : c'est agréable.

Cette simple réponse, étrangement, me suffisait. Borka revint vers moi, se calant contre mes jambes pour s'y reposer après sa course folle dans la brousse. Je me mis à lui caresser la nuque tout en m'installant confortablement pour lever mon regard sur le ciel. On ne le voyait qu'un peu, les arbres environnants étaient si garnis de feuille que le bleu nuit cassé de quelques astres se cachait derrière. La température était largement redescendue rendant cela plus supportable qu'en pleine journée.

Y/N : je vais y aller, Soap doit m'attendre.

Ghost : il ne va pas s'envoler.

De la part du lieutenant, c'était une manière de me demander de rester. Un sourire brisa mon air neutre et je vis ses yeux me regarder d'un air mauvais. Une preuve qu'il appréciait ma compagnie et que ce grand bourru était capable d'amitié, il n'aimait pas ça. Je le vis sortir quelque chose de sa poche la plus grande, un petit carnet. Sans décrocher un mot, il l'ouvrit et se mit à dessiner ma chienne couchée entre nous. La lumière de la nuit était suffisante pour y voir quelque chose et puis j'étais certaine qu'il était capable de faire n'importe quoi même si la nuit avait été aussi noire que possible. Je savais qu'il dessinait, je l'avais déjà vu faire plus d'une fois. Il ne mit pas longtemps à faire apparaître la truffe de Borka sur son papier et quand il remarqua que j'observais les autres petits dessins à côté, il se mît à tourner les pages lentement, me laissant le temps d'observer les autres.

Même si au début, j'avais trouvé ça sordide de me suivre comme ici, j'avais finis par apprécier sa présence et à comprendre. Ghost ne demandait jamais rien à personne victime d'un clair manque de communication. Particulièrement lorsqu'il s'agissait de chose en rapport avec les liens humains. À sa manière, il avait essayé de tisser un lien entre nous. Plutôt que de le repousser et accentuer son manque de confiance en l'humain, j'avais décidé d'accepter ce qu'il était, même si parfois, c'était effrayant, et de le laisser à son rythme gravir les étapes d'une amitié naissante.

Notes : voilà le premier chapitre de la saison 2 de l'Hirondelle, l'envol de l'oiseau. Tout en douceur pour cette ouverture de bal.

L'Hirondelle / l'envol de l'oiseau Où les histoires vivent. Découvrez maintenant