Cœur sauvage : Aube

Chapitre 3 : Ami et professeur

Afin que son état actuel ne lui parasite la vie plus longtemps, Victor devait apprendre à le contrôler et pour cela, un seul homme dans Install était suffisamment qualifié pour l'aider, le vieux Bernard. Après un très court petit déjeuner qui dû à son physique, l'éprouvait, il partit avec son père et Tille à la rencontre du professeur. Avant de sortir de la maison, pour éviter d'attirer l'attention une fois à l'extérieur, il avait été jugé bon de le couvrir d'un poncho suffisamment large doté d'une capuche afin de masquer la majeure partie de ces traits.

Connaissant les rues du village par cœur, Arnor, les faisaient passer le plus à l'extérieur du village possible pour éviter les rencontres. Et cela s'est avéré payant, car ils ne rencontrèrent presque personne dans cette ambiance pré-matinale et le peu qu'ils croisaient n'étaient pas du genre discret. Les éviter semblait ainsi une tâche relativement simple.

En gardant un silence de circonstance, plus facile à tenir pour Tille, ils arrivaient à quelques pâtés de maisons de la demeure de l'ancien. Mais au détour d'un croisement, ils tombèrent nez à nez avec une tête bien familière ; Pilou, reconnaissable d'un seul coup d'œil par ses cheveux blonds courts et bouclés, et ses lunettes rondes caractéristiques. Ce dernier reconnu au premier coup d'œil la fille et le meneur de village, mais son regard s'attardait sur la troisième silhouette encapuchonnée. Avant qu'il n'ait pu dire un mot, Tille lui intimait de se taire en posant un doigt sur sa bouche. Pilou, bien que surpris par la tournure des événements, faisait suffisamment confiance à son amie pour suivre son indication et se mettre à porter de chuchotements.

De par le mutisme de Tille et l'état actuel de son fils, Arnor se sentait légitime de s'exprimer le premier : "Ecoute Pilou, c'est Victor sous cette capuche", de sa voix grave qui s'accordait mal aux chuchotements. Le concerné appuyait ses paroles d'un petit geste de bonjour de la main.

Poursuivant, son père expliquait succinctement la situation : " Il a reçu son totem, et nous allons voir Bernard pour en savoir plus." Sentant que Pilou en savait assez, Victor retirait sa capuche, laissant entrevoir son visage pisciforme.

Haussant malgré lui le ton de sa voix, Pilou, ne retenait pas son excitation face à cette révélation : "Vic, c'est toi, je sais pas ce que c'est ton totem, mais ce n'est pas gracieux, on dirait un poisson pourri."

Victor lui rendit un regard faussement vexé en réaction à sa remarque, parce qu'au fond, il savait que ce n'était que la stricte vérité. Et que s'il avait été à sa place, il aurait réagi de la même façon et peut-être de manière encore plus malicieuse.

"C'est bon ne me regarde pas avec ces yeux de merlan frit." poursuivit son compagnon.

"Arrête de me vanner, tu veux et viens avec nous, maintenant que t'es au courant, autant que tu sois au premier rang pour voir le début de ma glorieuse destinée." dit-il en commençant leur poignée de main fétiche. Qui se ponctuait par un nouveau petit éclair sortant du dos de la main de Victor, pour rejoindre celle de Pilou ; provoquent un léger cri de douleur des deux compères puis un éclat de rire.

Le petit groupe, s'était ainsi garnit d'un nouveau membre, et se remettait sitôt en route. Une question vint à Victor au cours de la remise en marche, à destination du dernier venu : "Dit moi, pourquoi tu trainais dans les rues si tôt, d'habitude il faut presque te jeter hors du lit pour te réveiller ?"

"Je voulais m'entraîner avec ma nouvelle canne à pêche sans que tu le saches pour m'habituer, et te faire croire que je suis bien meilleur que ce que tu penses." Répondit-il en désignant de la main l'instrument qui avait jusque-là échappé à son ami.

"En même temps, si je suis débile et aveugle je vais pas m'en sortir. Et, d'où tu me caches des choses, comme ça, maintenant, là, hein." Lui rétorqua-t-il sur le ton de la boutade. Tille quant à elle commençait à lever les yeux au ciel au moment où elle comprit qu'une de leur énième bouffonnerie était sur le point de débuter. Tandis qu'Arnor tentait en vain de réfréner leur petite joute verbale.