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La lumière filtre au travers les feuillages, et inonde mon visage. La chaleur du soleil me semble douce et voluptueuse, caressant mes joues avec la délicatesse d'une plume. Je ne suis déjà plus moi-même, mais une ombre qui quitte progressivement le côté obscur pour m'imprégner de cette clarté vivifiante. Je me détache doucement de cette vie pour ne répondre qu'à un seul et unique appel, celui du firmament, et de cette chaleur captivante.
Il s'agit des premières belles journées de l'année, qui se sont invitée avec l'arrivée du printemps. L'air est encore humide. Une petite brise vient me chatouiller les narines et me narguer, m'invitant à davantage d'évasion. Ma respiration, forte et rapide, soulève mon corps toujours un peu plus haut, comme si inconsciemment je me grandissais vers les cieux. Tout mon corps est de marbre, glacé et ferme. Seul mon visage s'imprègne d'un ensoleillement disparate. Je ne sens plus mes membres, comme si l'on m'avait ôté toutes fonctions motrices depuis la base du coup jusqu'à la pointe des orteils. La tétraplégie, l'immobilisme qui me fige. Mes muscles sont tendus et durs comme du barre de fer. J'ai une étrange sensation, d'avoir le crâne posé sur un billot. J'imagine brièvement ce que pouvait ressentir un condamné du moyen-âge dont la sentence s'expliquait par la dissociation de la tête et du corps, et pourtant... je me sens si bien. Comme s'il s'agissait d'une destinée inévitable.
Le destin. C'est ce en quoi je plonge toutes mes croyances et convictions. Le destin aura raison de moi. Non pas parce que j'en ai envie mais parce que c'est ainsi que cela doit se passer. C'est écrit.
« Beaucoup d'hommes ont voulu lutter contre leur destin et le changer. Mais c'est de la folie. Le destin est plus puissant qu'on ne peut l'imaginer. Vous ne pouvez dévier de la voie qui a été tracée pour vous ».
LEVEL 26 _ Dark Prophecy
Roman de Anthony E. Zuicker
Je profite de cet instant de plénitude et me ressasse qu'il y a bien longtemps que je ne me suis pas senti aussi serein. Pour la première fois depuis des mois, je suis heureux. Je ne me soucis de rien, et n'ai de pensée pour quoi que ce soit, et, qui que ce soit. Je suis seul au cœur de cette forêt et rien ne peut m'atteindre. Il n'y a que moi et la nature. Je ne sais encore pour quelle raison mais j'ai choisi cet endroit, loin de chez moi, calme et à l'écart du monde. Je ne peux me l'expliquer mais cet endroit s'est révélé comme une évidence. Peut-être parce qu'il est déserté de tout ce qui fait le monde que je connais, ce monde que je haïs.
J'y suis bien car je m'évade enfin de ma prison aux barreaux d'angoisses, de frayeurs, d'insatisfactions et d'incompréhensions. Justement, moi qui, durant toute ma vie ne me suis jamais senti attiré par la nature ou les animaux, ne trouvant tout cela que secondaire, je me sens revivre au contact de ces éléments les plus simples. Je me concentre sur mon ouïe et commence à percevoir les grouillements des insectes, le chant des oiseaux, les mouvements vifs et rapides des écureuils, le souffle en rafale qui s'engouffre dans le feuillage, les jeunes branches qui dansent. Le craquement des jeunes pousses, le gazouillis des volatiles et le son de cet environnement tout entier me frappe si fort les tympans que je ne peux qu'imaginer des souvenirs oubliés. Ces petites choses simplettes qui animent la vie, je les avais oubliées. Soudain, des flashs m'apparaissent en cascade. Les balades dans les champs avec mon grand-père à vérifier le troupeau de moutons, les promenades en vélo avec mon père durant ma période d'adolescence, les randonnées dans les Alpes Mancelles avec mon épouse, ou encore les balades dominicales dans la forêt de Belle-Branche avec mes filles.
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CHAMBRE NUMERO SIX
General FictionSuite à une lourde dépression, Christophe Bellanger, marié et père de deux enfants décide d'attenter à ses jours. Seulement voilà, sa tentative s'avère un cruel échec. Interné dans un centre de psychiatrie pour adultes il découvre un monde où réside...