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Je décide enfin de me lever. La tête me tourne. Les yeux se vrillent. Le flux sanguins gonfle ma carotide ce qui m'empêche aussi d'avaler ma salive. Les idées s'accélèrent. Je me sens partir à la renverse. Oups ! Je me retrouve assis sur mon lit, les jambes écartées, la tête enfournée entre mes genoux. Je n'ai fais que tenter de me lever et j'ai l'impression d'avoir couru un marathon. Je relève la tête avec difficulté. Comme dans les dessins-animés j'ai des étoiles qui tourbillonnent autour de ma tête.
J'ai enfin accepté de voir la vérité en face. Je suis forcé de reconnaître de je suis bel et bien dans un établissement psychiatrique. C'est bien la pire chose qui puisse m'arriver. Mais bon, j'ai eu une existence plutôt atypique, avec des expériences riches en rebondissements, et il me manquait de réaliser un séjour chez les fous. Comme cela c'est fait. Blague à part, je suis encore divisé car je ne vois pas bien ma place en ces lieux et d'un autre côté je dois reconnaître que cela me fera peut-être que le plus grand bien d'être ici.
J'ai le ventre creux, et l'haleine qui sent fort. Je n'ai pas particulièrement la faim mais j'ai un besoin irrémédiable de m'hydrater. Il me faut boire, vite. Je persévère alors de me lever. Je me cramponne aux barreaux du lit et arrive à me hisser lentement. Une fois debout, je glisse les pieds l'un devant l'autre pour rejoindre la porte de ma chambre. Je me déhanche tel un vieillard. J'entrouvre cette porte et découvre derrière un grand bonhomme au faciès radieux. Il me conseille vivement de me recoucher, et me dit qu'il va m'apporter de l'eau et quelque chose à déguster. Au son de sa voix douce et mélancolique je reconnais Bruno, l'infirmier.
J'obéis à ses demandes. Après tout, si j'en suis là c'est que je suis malade. Et je me persuade d'être malade. Je dois donc agir comme tel et aller dans le sens dicté par les infirmiers. Me laisser dorloter. Mais ce n'ai pas mon genre. En général, c'est moi qui m'occupe des autres et jamais l'inverse. Dans ce cas de figure, en l'occurrence, je dois me laisser aller car les forces me manque terriblement.
Quelques minutes plus tard, Bruno arrive avec un plateau. Se trouve dessus un verre d'eau plate, deux tartines de pain beurré et une clémentine. J'ingurgite tout ce que je peux sans dire le moindre mot. Ensuite, Bruno m'invite à le suivre à l'extérieur. A en voir son visage, si rayonnant, j'en déduis qu'il est satisfait que je me réhabilite enfin. Les quelques efforts que je viens de faire le mette en confiance.
Je le suis donc, quelques pas derrière son sillage.
Nous traversons la chambre, et nous engageons dans un long couloir. Bruno me prévient qu'il va me faire le tour des lieux afin que je me familiarise avec l'environnement et que je sache où aller, quand et avec qui. Aussi, il me fait visiter les deux longues coursives qui desservent les chambres des patients, il me conduits aux toilettes et aux douches. Nous nous promenons ensuite dans la salle de télévision, puis il m'emmène près du réfectoire.
Il a toujours trois ou quatre mètres d'avance sur moi. Je traîne les savates car ma démarche est encore timide et mal assurée. Je me cramponne dès que j'ai accès à une rambarde. Tandis que l'une de mes mains s'agrippe à une rambarde, l'autre main serre les doudous de mes filles. Cela fait maintenant plus de quatre jours que je suis hospitalisé et leurs doudous ne m'ont pas quitté. Je les avait prêt de moi durant tout ce périple, et une fois interné je les avais solidement contenu contre mon cœur. Je m'accroche à eux comme si ma vie en dépendait.
Dans mon dos j'entends « oh ! Qu'il est mignon le monsieur avec ses doudous ! ». J'apprendrais plus tard qu'il s'agit de Thérèse. Je ne sais toujours pas aujourd'hui comment expliquer cette affection, car je devais avoir l'air si bête, si pitoyable, mais j'avais tant besoin de ces doudous près de moi. Ces boules de tissus en forme de peluches constituaient mon unique rempart à la mort, pire encore ils traduisaient désormais ma seule survie. Ils étaient ma bouée de sauvetage dans un monde qu m'était alors totalement inconnu. C'est étrange car j'avais conscience du ridicule de la situation et pourtant je ne pouvais m'en défaire, comme si ces deux malheureuses peluches faisaient parties de moi. Nous ne faisions désormais plus qu'une seule et unique entité. Un être à l'emprise de la maladie.
Au retour de ma visite guidée, je fus stupéfait par une vision qui pourrait sembler anodin à autrui. Les chambres sont toutes numérotées. C'est étrange non, d'ainsi marquer les portes d'un numéro. Peut-être pour nous rappeler que nous ne sommes ici que de façon temporaire. L'on se croirait dans un hôtel. D'ailleurs j'apprendrais un peu plus tard que l'hôpital touche des subventions au nombre de nuitées occupées par les patients. En somme, plus il y a de patients et plus l'hôpital touche d'argent. Je comprendrais également que cette enceinte psychiatrique ne manquerait jamais d'argent, tant il y a de malades à traiter et dans le besoin de soins hospitaliers.
Chacun a donc son numéro de chambre fétiche.
J'arrive enfin devant la mienne et en découvre le chiffre.
Je suis logé CHAMBRE NUMERO SIX.
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CHAMBRE NUMERO SIX
General FictionSuite à une lourde dépression, Christophe Bellanger, marié et père de deux enfants décide d'attenter à ses jours. Seulement voilà, sa tentative s'avère un cruel échec. Interné dans un centre de psychiatrie pour adultes il découvre un monde où réside...