Chapitre 7

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C'est le début d'après-midi. J'ai encore dormi toute la matinée. Je suis faible et fatigué. C'est un cercle vicieux, car plus je dors et plus je suis éreinté. Je n'arrive pas à me sortir de cette spirale, pourtant j'ai l'instinct d'avoir réellement besoin de sommeil. Bruno est là, il me rendre visite, une nouvelle fois. Cette fois, il est venu en force et est accompagné d'une infirmière.

Tout est blanc du sol au plafond, les meubles, les draps, les couvertures, les tenues des infirmiers. Je me demande si je ne suis pas dans l'un de ces vieux films d'horreur en noir et blanc. Je m'attends à ce que l'un d'entre eux veuille s'encanailler à m'introduire une longue aiguille dans le lobe frontal. Peut-être souhaitent-ils que lobotomiser ? Mais ils n'en font rien. Ils s'affairent à préparer plusieurs choses dans mon dos, sournoisement.

Des bruits de froissement me laissent entendre qu'il s'agit de tissus. S'ils comptent me déshabiller je leur souhaite bien du courage car je ne me sens pas suffisamment en forme pour me lever, et changer les vêtements d'un poids mort de 80 kgs ce n'est pas une mince affaire. Ils s'approchent lentement de moi, Bruno en face et l'infirmière derrière. Bruno appose sa main près de mon visage, saisi fermement le revers de mon drap et, d'un geste vif et précis, décalotte ma couverture. Mon corps se présente alors à eux, toujours recroquevillé, comme si la position fœtale me rassurait. En fait, pas du tout, mais c'est la seule position dans laquelle mon corps ne me fasse pas souffrir. Tous deux me tiraillent d'un côté, puis de l'autre. Je réalise alors qu'ils sont en train de changer mes draps. Bruno me parle. Il m'explique que si je reste trop longtemps allongé, sans bouger, je vais finir par avoir des escarres. Pendant qu'ils s'occupent de moi je me remémore la nuit passée aux urgences. Et je prends enfin conscience de mes péripéties. Même si j'ai encore du mal à y croire. Croire que je sois bel et bien là, dans un hôpital.


Peu de temps après avoir discuté avec Blanche j'ai reçu les visites successives de deux infirmiers psychiatres. L'un et l'autre ont tenté de percer les secrets et les failles de mon esprit malade. Je les ai baladé sur les chemins qui me plaisaient, parlant tantôt de mon mal-être, tantôt de mon passé torturé, tantôt de ma famille et parfois même de mes cauchemars qui ont effet de les angoisser. Je ne lâche que des brides d'informations qui ne leurs permettent pas de reconstituer le fil complet de ma vie, ainsi ils ne peuvent comprendre le cheminement qui m'a conduit jusque là, jusqu'au point de non-retour. Je me complet dans ces secrets. Les secrets ont toujours fait partie de moi, et aujourd'hui plus que jamais. Ils me nourrissent.

Une fois que j'en ai marre de me livrer, je me referme comme une huître. J'attends que le temps passe, que l'on me laisse un moment tranquille. Je ne veux plus parler. Je tiens à garder mes problèmes ancrés au plus profond de mon âme.

La porte de la salle est fermée. Je ne peux donc plus dialoguer avec Blanche, néanmoins je sais qu'il guette l'entrée. Assis sur sa chaise, je suis persuadé qu'il scrute la porte. Dommage, personne n'a apparemment perçus mon caractère malin et vicieux. De ce fait, je me dirige immédiatement vers la seconde porte, au fond de la pièce, dissimulée derrière un rideau. A l'aide de mon trousseau de clé j'arrive à déverrouiller l'enclenchement. Cette opération ne m'est pas très difficile. Dans une vie antérieure, j'ai appris à ne pas être entraver, à toujours réfléchir aux solutions pouvant se présenter pour m'extraire de positions délicates. Personne ne peut me contenir enfermé dans une prison, et ce n'est pas de la prétention, c'est juste que tôt ou tard je trouverais le moyen de m'échapper. Et, sans vouloir être méchant, dans les établissements hospitaliers, l'on entre et l'on en sort comme dans un moulin. De surcroît, ce n'est pas Blanche, les infirmiers, les gendarmes de gardes ou les pompiers qui allaient me priver d'une liberté.

CHAMBRE NUMERO SIXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant