Chapitre 3

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Trois jours plus tôt.


C'est un jour comme un autre, ou presque. Comme à mon habitude, je feins mon état dépressif tout autour de moi. Je ne laisse rien paraître, ni à ma famille, ni à mes proches, ni à mes amis et collègues. Je ne laisse rien transpirer. Le pire s'est que je sois aussi à l'aise pour masquer ce mal-être. Il me faut préciser que je suis devenu maître en la matière, car ces maux qui me rongent de l'intérieur et qui cohabitent avec moi sont devenu mon quotidien depuis déjà de trop nombreuses années. Aussi, créer le sentiment que tout va bien alors que quelque chose de mauvais mijote en moi est devenu une seconde nature. Ces maux qui coexistent avec mon conscient, installées paisiblement à la lisière de mon inconscient, sont constamment avec moi et sur moi, se transformant en un vêtement engonçant et trop chaud. Ils agissent telle une autre personne qui siégerait dans les trépans de mon esprit. Un hôte.


Midi, je récupère mes bébés à l'école primaire. Je croise les autres parents, et arbore mon plus beau faciès, un sourire au coin des lèvres. J'attends mon tour. Enfin, la maîtresse de l'école maternelle libère la plus jeune de mes filles, Sarah. Ma puce est rayonnante. Elle me saute dans les bras et dans un parlé encore approximatif me raconte fièrement avoir fait des travaux de peinture dans la matinée. Je lui souris et lui exclame toute ma fierté tout en l'encourageant à continuer de bien travailler.

Nous rejoignions la classe des CE2, et retrouvons ma seconde fille, Katherine. Elle aussi, est heureuse de ma présence.

Toutes deux sont surexcitées par une matinée haute en couleur. L'une s'est exprimée via la peinture alors que l'autre s'est éclatée au sport. Mais toutes les deux sont resplendissante d'enthousiasme. Je n'ose alors leur raconter ce que j'ai fais ce matin là.


En fait, j'ai classé mes papiers, mes documents, mes cartons. Sur la table de la salle à manger, j'ai préparé tous les dossiers concernant la maison (achetée un an plus tôt), la SCI (une société civile immobilière avec laquelle nous avions acheté un immeuble locatif trois ans auparavant) que nous avons en commun avec mon épouse, et tous les documents concernant ma société (une boutique de prêt-à-porter féminin). Tout est rangé au millimètre près sur la table moderne de couleur wenge. Je me suis appliqué à ce que l'on puisse s'y retrouver facilement. J'ai précisé, d'un courrier, les directives à suivre concernant chacune de nos affaires. Tout est fin prêt et, si tout est aussi bien ordonné c'est que je m'y suis préparé depuis plusieurs jours. Cela fait près d'une quinzaine de jours que je sais que l'inévitable arrive. Je ne sais pas encore comment et pourquoi, mais l'idée d'un suicide ne cesse de me pourchasser. Et là, ça y est, j'ai définitivement baissé les bras, et me suis résolu à tout quitter. Mais je ne compte pas laisser mon épouse dans une situation indélicate. Je veux à nouveau la protéger. Ma disparition lui causera suffisamment de chagrin et de soucis, que je ne veux pas qu'elle soit en plus envahie par de la paperasse. Là aussi, je m'imagine que tout va bien se passer, pourtant il n'en sera rien. Mon état dépressif a pour effet d'accroître cruellement ma naïveté et mon insouciance.


Nous faisons route vers mon domicile, et je fixe les premières règles à mes pépètes. « Une fois à la maison, vous retirez vos manteau, vous enlevez vos chaussures et mettez vos chaussons, ensuite vous pourrez regarder la télé deux minutes le temps que papa prépare le couvert ». Elles acquiescent d'un OUI plein de joie, car elles savent que leurs papa est plutôt cool et qu'il leur accorde souvent le droit de consulter la chaîne GULLI (la chaîne télévisée pour les enfants, disponible sur la TNT) durant la pause du déjeuner _ chose que leur maman n'apprécie pas trop, craignant qu'elles ne deviennent dépendantes et accros à la télé.

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