II. Sauver sa peau

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J'ouvre mes yeux remplis de larmes. L'euphorie autour de moi ne m'atteint plus, je ne ressens plus que de l'angoisse.

Comment cela a-t-il pu se produire ?

Voilà pourquoi je préfère la tranquillité de notre océan. Là-bas, les humains nous fichent la paix. Je quitte les fonds marins pour une soirée, et je subis leur méchanceté. Parce qu'il n'y a qu'eux pour faire ça.

— Aylee ?

C'est Kiran qui tente de me soutirer une réaction.

D'autres selkies commencent à me regarder bizarrement. Je dois m'éloigner d'eux, ils ne doivent pas savoir ce qui vient de m'arriver, j'aurais trop honte. Plus aucun selkie ne laisse trainer sa peau de façon aussi stupide.

— Je dois, euh...

Je le repousse en me forçant à masquer le vide intersidéral et douloureux qui m'a envahie. Le lien enchanté qui me reliait à ma fourrure animale a été arraché, mais un nouveau vient de se créer avec un mortel. J'appartiens désormais à ce voleur.

Notre peau est peut-être notre trésor, mais c'est aussi notre faiblesse. Si un humain met la main dessus, il a le pouvoir de nous soumettre à lui. De nous garder auprès de lui aussi longtemps qu'il le voudra. De nous faire quitter la mer à jamais.

Je refuse cette destinée.

Je suis prête à supplier à genoux cette vile créature.

— Aylee, que se passe-t-il ? me demande Sienna derrière moi, paniquée.

Je m'écarte du brasier et de la foule pour retourner là où j'ai bêtement déposé ma peau.

Je ne suis pas violente, mais je serais prête à noyer celui ou celle qui l'a emportée.

Il n'a pas conscience de ce qu'il m'a fait !

Dans l'obscurité de la plage, je retrouve le rocher où j'étais assise. Pas de traces de mon vêtement. Mais, dans le sable mouillé, des traces de pas. Elles remontent vers l'autre côté de la petite baie.

J'ai encore une chance de rattraper le coupable.

— Sienna... on m'a volé ma peau, murmuré-je, les yeux fixés vers l'océan.

Mon chez moi que je ne peux plus rejoindre.

— On m'a volé ma peau...

J'expulse un cri de rage en direction de l'horizon. Je savais que j'avais une bonne raison de rester loin des terres.

— Celui qui a fait ça va le payer.

Sienna me tourne vers elle.

— Attend, calme-toi Aylee, elle n'est peut-être pas très loin...

— Non ! Je l'ai senti ! Quelqu'un s'en est emparé, j'ai senti la connexion avec le nouveau propriétaire, sangloté-je.

Qui va vite m'échapper si je reste là à me morfondre.

— Je dois aller la retrouver...

— Aylee, tu...

— Je ne peux rien faire d'autre ! Je suis bloquée ici, Sienna ! Sur ces terres de malheurs.

Je me dirige vers l'anse de la côte, à l'opposé de notre rassemblement.

Qu'est-ce que je vais faire, si je ne la récupère pas ?

J'en mourai.

J'ai bien écouté les histoires qu'on nous narrait, plus jeune. Les selkies qui étaient victimes du vol de leur peau et qui ne la retrouvaient pas finissaient par mourir de chagrin, condamnés à vivre hors de notre monde marin et enchainés à l'inconnu responsable de leur sort.

SELKIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant