Ces trois lettres m'ébranlent.
Si fort que, comme je suis médiocre en matière de maitrise de mes dons, j'en perds ma concentration.
L'eau enroulée autour de son cou retombe sur son t-shirt.
— Que je t'implore comme une malheureuse ne te suffit pas ? m'acharné-je, affligée. Que dois-je faire d'autre, humain ?
Si je joue la carte de la gentille et candide selkie, il en sera forcément ému et voudra réparer son erreur.
Enfin, je l'espère.
Il essore son vêtement trempé, toujours avec cette insupportable indifférence, puis se tourne vers ses copains :
— Vous voulez qu'on termine la soirée au bar, les gars ?
Mes oreilles n'en reviennent pas.
Je ressens mille choses à la fois, je n'ai pas l'habitude. Cet homme m'enrage, m'intimide, m'effraie... et m'intrigue.
Je ne veux pas juste qu'il me rende ma fourrure, je veux aussi savoir pourquoi il a fait ça, pourquoi il a voulu me la voler, pourquoi il n'a pas hésité à me faire du mal.
Ce n'était pas juste pour me garder auprès de lui, il ne savait même pas à qui il dérobait cet objet.
Alors pourquoi ?!
— Et qu'est-ce qu'on fait de... ça ? lui demande l'un d'eux en me montrant du doigt.
Un grand blond lui donne une tape derrière le crâne.
— On est en plein bad trip, débile.
Puis le voleur reporte son attention sur moi. Ses yeux sombres balaient mon corps nu et un frisson galope sur ma peau.
Il pourrait vraiment rivaliser avec les mâles de mon espèce. Il a ce truc de sauvage dans le regard, une séduisante insolence qu'il porte comme une aura autour de lui.
Et lui, j'ai le sentiment qu'il ne me prend pas pour une hallucination.
— T'es sûr ? Elle a l'air vraiment, vraiment... vraie.
Mon ennemi du moment ramasse son butin puis m'examine une seconde :
— Peu importe. Si elle est réelle, on la sèmera bien vite, elle ne va pas se promener comme ça sur l'ile. Et si elle est fausse... et bien pareil, ce n'est qu'une question de minute avant qu'elle nous foute la paix.
Il balance du sable avec son pied sur leur feu de camp improvisé et quitte les lieux.
Ma dernière tentative est ridicule et inutile, je me saisis de ma peau d'animal et le retiens de partir.
— Rend-la moi, sale humain, grogné-je.
— Bonne nuit, selkie.
Il la tire d'un coup sec et je lâche, trop fébrile pour résister à sa poigne. Je suis pitoyable.
Tandis qu'il s'éloigne, ses amis continuent de me fixer dans un nuage de confusion.
Puis ils le suivent.
Ils prennent la direction des terres, un endroit où je ne me suis jamais aventurée mais...
je ne peux pas baisser les bras. Il m'est de toute manière impossible de regagner la mer.
Alors je n'ai plus qu'à poursuivre cet homme.
Je cours vers eux, le coeur battant fort contre ma cage thoracique. J'ignore ce que je vais trouver si loin de chez moi. C'est terrifiant mais aussi... grisant. Et ça ne devrai pas l'être.
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SELKIE
Historia Corta{TERMINÉ} L'Ecosse, terre de mystères, abrite des créatures extraordinaires qui ont forgé sa mythologie. Les selkies, ces femmes des mers cachées sous leurs épaisses peau de phoque, en font partie. Au Nord de l'ile de Skye, la colonie d'Aylee célè...