VIII. Retrouver l'océan

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Un mois plus tard

L'ennui.

Ce concept ne m'a jamais paru aussi concret qu'aujourd'hui. Il m'écrase.

— Les filles, il y a quelqu'un près de notre plage ! Un terrestre !

Aussitôt, après l'annonce de ma cousine Sienna, j'entends les autres se précipiter dans l'eau.

Juchée sur un rocher, je rafistole depuis une heure le filet de pêche qui permettra à ma colonie de se nourrir.

J'ai essayé, vraiment.

D'oublier cette soirée avec mon voleur. Sean.

Mais, en parfaite petite idiote que je suis, il m'a été impossible de l'effacer de ma mémoire. Alors j'ai ressassé, encore et encore, les moments de liberté que j'ai passés avec lui.

Son souvenir me revient sans cesse, comme porté jusqu'à moi par les vagues et les embruns.

Je me rassure chaque jour en me disant que tout ça va finir par disparaître avec le temps.

En attendant, je supporte comme je le peux ce manque.

Mon regard se perd sur l'océan et sur les côtes de Skye.

Mes semblables et moi préférons profiter du calme d'un petit banc de terre et de rochers au large de l'ile.

Plusieurs fois j'ai résisté, très difficilement, à arpenter la baie où j'ai rencontré Sean, prise d'un naïf espoir de pouvoir l'apercevoir.

Et après, quoi ?

Mais je me suis tout de même autorisée, avec prudence, à fouler le sable, à la recherche de ces sensations d'euphorie et d'évasion que j'ai expérimentées lors de ma nuit avec lui.

Sauf que ce n'était pas pareil.

Quelques minutes plus tard, Sienna et ses amies reviennent de leur petite exploration.

— Il était si beau, mais aussi si triste ! dit-elle aux autres.

Ma cousine sort de l'eau, reprend sa forme humaine et vient s'assoir à côté de moi, sa fourrure sur les épaules.

— Tu aurais dû venir voir ça, Aylee ! Ses cheveux sont sombres comme un nuage d'orage et ses yeux bleus comme les fonds marins, un magnifique spécimen !

Sa description m'interpelle. Cela me fait penser à Sean.

Ce n'est qu'une coïncidence.

— Le pauvre semblait inconsolable. Je ne sais pas quel chagrin le ronge, mais cela doit être drôlement douloureux.

Ei si c'était lui...

Puis, ça recommence.

Ce poids qui me comprime le coeur. Qui embrouille mes sens.

Mais, cette fois-ci, ce n'est pas la disparition de ma peau d'animal qui provoque ça, puisqu'elle repose sur mon dos.

Non... cette fois c'est...

— Il pleure, murmure l'une de mes camarades près de moi.

Cet humain, sur la plage, vient de verser sept larmes sincères dans la mer.

C'est de cette façon que son espèce peut nous conduire à elle. C'est un appel.

— L'une d'entre vous a-t-elle ressenti le lien ? demande Sienna.

Elles répondent toute négativement.

Moi, je l'ai ressenti. Et il m'est familier. C'est Sean.

Ce lien que nous avons tissé il y a des semaines n'a jamais été rompu, je le sais. Il était comme un fil qui nous reliait tous les deux. Et, aujourd'hui, il tire dessus.

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