L'absence

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Ginny scrute le jardin de la fenêtre du salon. La nuit est en train de tomber et elle fixe de manière fébrile l'endroit où il devrait réapparaître. Ses mains sont mutilées d'avoir enfoncé tant de fois ses ongles dans sa chair, d'avoir rongé ses ongles jusqu'au sang, jusqu'à n'avoir plus d'ongles... L'attente est insupportable. Et l'inaction la tue. Ce sentiment d'impuissance totale, quand la lâchera-t-il ? À plusieurs reprises elle a failli partir à son tour, se lancer dans l'action, dans le danger, quitte à tout foutre en l'air, risquer sa peau, faire quelque chose bon sang ! Plutôt que d'attendre, minute après minute, heure après heure, avec un sentiment croissant d'angoisse, la folie menaçant de la submerger.

Il est parti depuis dix heures maintenant. Dix putain d'heures. Il ne faisait pas encore jour à son départ et voilà qu'il fait nuit. S'il ne rentre pas que fera-t-elle ? Elle repense à leur plan échafaudé ces dernières semaines. Plan qu'il a été très difficile de mettre en action car il fallait d'abord s'assurer que Malefoy était bien dans leur camp, et prêt à prendre des risques. Malefoy a ensuite accepté d'avertir Rogue immédiatement si Hermione était repérée, et d'entraîner Guibert dans la mauvaise direction quitte à utiliser le sortilège de l'Imperium. Et l'Oublietter ensuite. Il pourrait même le tuer que ça irait très bien à Ginny. Un mangemort en moins, parfait ! Mais Rogue et Drago n'avaient pas l'air de le penser.

Quelque chose coule sur sa tempe. Elle l'essuie avec sa main et remarque que son front est couvert de sueur. Par cette froideur c'est tout bonnement impensable. Mais l'attente l'a maintenue dans une espèce de fièvre que le froid ne parvient pas à éteindre. Elle expire longuement et inspire en remplissant ses poumons au maximum. Puis elle expire à nouveau. Elle délie ses doigts et fais quelques échauffements des poignets, puis des avant-bras. Maintenant elle fait rouler ses épaules et commence à délier sa nuque lorsqu'elle perçoit un micro-mouvement sous les arbres. Sa main se crispe sur sa baguette et elle fixe l'endroit, des pointes s'élançant douloureusement dans sa poitrine. Une silhouette émerge, marchant à vive allure, elle est presque certaine de reconnaître Rogue mais quelque chose ne va pas, il boîte.

Elle se précipite vers l'escalier avant de s'arrêter, le cœur battant et de se contraindre à attendre de nouveau, la main crispée sur la rambarde.

La porte s'ouvre. Il est là, il va dire les mots...

- C'est moi, ne bougez pas, résonne la voix grave familière.

- Rogue !

Elle se précipite comme une rafale et l'atteint en un temps record. Il la voit débouler sur lui comme une furie et ne sait pas bien comment l'appréhender, elle semble folle à lier, ses cheveux roux sont ébouriffés, ses yeux renvoient des éclairs, et ses bras sont agités de tics.

- Ça s'est bien passé ?! Dites-moi que ça s'est bien passé ou je... Votre jambe ?

- Tout va bien, répond Rogue avec une pointe d'inquiétude en levant un bras en signe de paix.

Et Ginny se précipite sur lui et le serre contre elle brusquement de toutes ses forces. Elle le libère aussitôt et regarde sa robe déchirée au niveau du genou, dévoilant une partie de sa jambe meurtrie.

- Il faut vous soigner ! Dit-elle hystérique. Vous avez réussi ? Dites-moi que vous avez réussi !

- NOUS AVONS REUSSI LE PLAN, hurle précipitamment Rogue, maintenant calmez-vous ou je vous jure que je vous jette un sort !

Ginny s'arrête d'un coup, choquée, et le regarde. Ses yeux se remplissent peu à peu de larmes. Rogue regrette aussitôt son ton.

- Je ne voulais pas...

- Vous ne savez pas à quel point c'est dur, de rester là à attendre. De ne rien faire. Sachez que je préférerais mille fois être au-dehors à prendre moi-même les risques plutôt que d'attendre ici à ne pas savoir si vous allez revenir en vie.

Huis clos : Au creux de l'allianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant