Chapitre 2 (N)

201 8 0
                                    

– Asseyez-vous, Mademoiselle Maslow, vous souhaitez peut-être boire quelque chose ?

Je décline poliment son offre en entrant dans son bureau et m'installe sur la chaise face à elle. Elle pianote sur son téléphone, les sourcils froncés, ce qui creuse la légère ride de son front et finit par poser l'appareil à côté d'elle pour concentrer son attention sur moi.

– Alors, Mademoiselle, parlez-moi de votre parcours, me dit-elle en prenant une feuille que je reconnais comme étant mon CV.

– Bien sûr, je me racle légèrement la gorge, j'ai été diplômé du London Business Training & Consulting l'année dernière. J'ai ensuite été engagé par Hewlett Packard Entreprise, chez qui j'ai fait mon stage de dernière année.

– Vous n'avez pas souhaité y rester ?

– J'ai fait partie d'une vague de licenciement économique. Dernière arrivée, première partie.

– Je vois que vous n'avez pas d'autres expériences, pourquoi est-ce que je vous choisirais-vous plutôt qu'une autre ?

Aie. La question que je redoutais. Celle où je dois me vendre au mieux, sinon retour au supermarché pour trier des cartons. Je lui fais rapidement un résumé de mes compétences, des logiciels que je manipule et je lui fais glisser la lettre de recommandation de mon ancien patron.

– Je me doute que vous devez avoir beaucoup de candidatures, avec des CV beaucoup plus fournis que le mien, mais comment suis-je censé faire mes preuves si on ne me donne pas ma chance sous prétexte que je n'ai qu'une seule expérience ?

Elle se recule dans sa chaise, me scrutant attentivement et je me dis que j'aurais dû me taire. J'ai tendance à dire très vite ce que je pense, trop vite même, et ça m'a souvent porté préjudice.

– Très bien, elle dit en tendant une main vers moi, bienvenue dans notre équipe.

Je sers sa main, interdite face à la situation.

– Je... Vraiment ?

– Je vais être honnête avec vous, quatre secrétaires sont passées avant vous à ce poste dans les trois derniers mois. Différents profils, différentes expériences et aucune n'a souhaité rester. Nous avons pensé essayer une approche différente, c'est pourquoi je vous ai choisi. Peut-être qu'une personne assez nouvelle dans le métier pourra arriver à... se plaire dans un poste comme celui-ci, on va dire.

J'essaie d'empêcher mes sourcils de se froncer parce qu'honnêtement, je ne comprends rien à ce qu'elle veut dire. La seule chose que je comprends, c'est que quatre personnes sont passées avant moi dans un temps restreint, ce qui veut dire qu'il y a surement un couac dans l'histoire.

J'hésite à couper court à l'entretien, à dire que je suis touché de sa proposition, mais que j'ai besoin de réfléchir et à ne jamais rappeler.

Mais mon mal de dos à force de porter les cartons du magasin me pousse à fermer les yeux sur le drapeau rouge qui se lève dans ma tête, et si ça ne suffisait pas, j'entends déjà la voix de ma mère me hurler dessus quand elle apprendra que j'ai refusé un poste comme celui-ci.

Enfin, si je lui dis la vérité.

Alors, je prends sur moi un fais un joli sourire ma nouvelle patronne.

Elle continue à me parler du poste, de mes horaires et du plus important : le salaire. Je suis d'ailleurs obligé de lui faire répéter ce qu'elle vient de dire, tellement le montant à quatre chiffres m'impressionne.

– Ce n'est qu'un début, bien sûr, mais si Son Altesse Royale est satisfait de votre travail, il pourra l'augmenter assez vite.

Je tilt une fois de plus à ses mots, mais cette fois pas à cause de ce qui va rentrer sur mon compte en banque si j'obtiens véritablement ce travail.

– Son Altesse Royale ?

– Oui, cette place est pour être secrétaire du prince Leopold, j'ai oublié de le mentionner ?

Au vu de sa tête, cet oubli est bien volontaire et je comprends maintenant pourquoi autant de personnes ont succédé au poste de secrétaire.

Si je ne m'intéresse pas plus que ça à la vie privée de la famille royale, les déboires du prince Léopold sont des choses auxquelles je n'échappe pas quand je vais sur Twitter et qu'il est en top tendance. Et rarement dans le bon sens.

Madame Telemann pianote sur son ordinateur pendant quelques minutes, un sourire béa sur le visage, sûrement dû au fait d'avoir trouvé ce qu'elle cherchait aujourd'hui, puis j'entends le bruit de l'imprimante derrière elle.

– Je vous laisse une copie du contrat de travail, vous pouvez prendre le temps de le lire chez vous, et si vous acceptez le poste, de le ramener signé lundi matin.

Super. Au moins, j'ai deux jours pour prendre la décision de ma vie. Soit je retourne vendre des boites de conserve, soit je signe avec celui qui est surnommé « Le Prince des Enfers » sur Twitter.

– Je ne veux pas trop m'avancer, je commence, mais je pense que vous me verrez lundi.

The PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant