Chapitre 5 (L)

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Une nuit, quand j'avais huit ans, ma mère est venue me réveiller.

Malgré la pénombre, je voyais que ses yeux étaient rouges et que quelque chose n'allait pas.

– Grand-père est mort, elle m'a alors dit.

J'étais jeune, mais je savais ce que ces mots voulaient dire.

Ma mère était la nouvelle Reine du Royaume-Uni, d'Irlande du Nord et la nouvelle chef du Commonwealth.

Les choses sont ensuite allées très vite, l'enterrement, notre déménagement pour Buckingham, le couronnement de ma mère.

Et la séparation.

Mes parents se déchiraient déjà avant le décès de grand-père, et après le couronnement, ça a été pire.

Alors j'ai demandé à rejoindre James au pensionnat, pour m'éloigner de ce palais qui n'était pas ma maison et de mes parents qui n'étaient plus une famille.

Dès que j'ai eu dix-huit ans, je suis retournée vivre à Kensington et ne mets que rarement les pieds à Buckingham, surtout depuis le décès de ma mère. La plupart du temps, je ne m'y rends que pour des représentations royales ou pour de grands discours pompeux auxquels je suis obligé d'assister.

Ou quand mon frère m'ordonne de venir, ce qui est le cas maintenant.

Alors je me retrouve dans son bureau, à huit heures du matin, avec une gueule de bois qui me vrille le crâne.

J'espère qu'il va se bouger à arriver, histoire que je puisse retrouver mon lit.

Je sens mes yeux qui commencent à se fermer, mais je ne peux pas m'endormir maintenant, pas ici.

La porte qui s'ouvre dans mon dos me réveille et j'essaie d'afficher un visage le plus neutre possible.

Surtout, ne rien montrer.

Mon frère va s'asseoir derrière son bureau, face à moi, sans me lancer un regard.

– Il faut qu'on parle, Leopold.

Visage fermé, pas un bonjour, pas un sourire, et mon prénom en entier.

Je suis dans la merde.

Il ouvre un tiroir et en sort une pile de magazines.

– The sun.

Il en lance un devant moi.

– The Daily Mail.

Il atterrie sur le premier.

– Morning Star.

Il rejoint les deux autres.

– Je continue, ou tu as compris ?

J'attrape Morning Star pour voir une photo de moi en couverture, tenant une bouteille de vodka en boite de nuit. Le titre est bien gros, bien coloré, bien tape à l'œil. « La descente du prince Leopold »

– Au moins ils reconnaissent que j'ai une bonne descente d'alcool, j'essaie de blaguer.

– Ça te fait rire en plus, demande James en levant le ton.

– Ça va, James, je ne suis pas le premier Prince à me retrouver dans la presse people.

– Mais c'est tous les jours que tu t'y retrouves.

Il se passe une main dans ses cheveux, et c'est à ce moment que je me rends compte de son visage fatigué.

– Ça commence à jaser au Parlement. Ils commencent à remettre en question ton rôle auprès de la Couronne.

The PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant