Chapitre 3-Personne ne me dit Non

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Léonie expira bruyamment. Ce séjour allait être pénible et ennuyeux. Encore que ... Cette rousse pourrait aisément le pimenter, faire que cette semaine ne soit pas complètement du temps perdu.


Elle qui n'aimait pas les fanfreluches, elle était servie avec toute cette dentelle. Sarah en profita pour rajouter un nouveau morceau de tissu en lui précisant qu'il fallait qu'elle les dépose dans la grande salle. Elle souffla et, gardant les bras levés pour ne pas marcher sur une bande qui traînait, elle traversa le couloir menant à la pièce à décorer. Elle découvrit que celle-ci était déjà occupée par une demi-douzaine de personnes en pleine discussion pour savoir où placer au mieux les banderoles. Elle sentit une chape de plomb peser sur ses épaules. Elle ne tiendrait pas toute une semaine. Ce n'était pas possible. Elle sentait les murs se rapprocher. Elle manquait d'air soudain. Elle lâcha brutalement le tas qu'elle tenait sur une longue table et se retint à celle-ci en fermant les yeux.

Soudain, une main se posa sur son avant-bras.

- Ça va ?!

Elle rouvrit les yeux pour les plonger dans deux lacs océans.



Et Léonie se retrouva des années en arrière.

 Quand ses yeux s'étaient heurtés au regard glacial de Mary. 

C'était sa première journée dans ce nouveau lycée. Elle slalomait sur son skate entre les jeunes amassés devant le porche, quand elle avait entendu un cri qui l'avait fait se retourner. 

Par automatisme, elle avait opéré un arrêt du pied arrière, relevant son engin et elle avait failli heurter cette fille sapée en midinette : en jupette couplé d'un chemisier blanc et rose pastel avec, naturellement, un sac assorti à son maquillage. Avec son baggy multipoche et son sweat informe, son style sportwear en était tout l'opposé. 

Elle avait sentie des dizaines de regards se tournaient vers elles, attendant le clash. Si cette fille voulait la bagarre, Léo ne se laisserait pas faire. Elle était déjà sur la défensive, son centre d'équilibre s'était abaissé par réflexe, comme son père le lui avait appris. Mais, à la place d'une attaque en règle, ce fut un sourire qui lui fut lancé. Un assaut de bonne humeur qui la désarçonna. 

Et le souffle coupé, elle ne sut pas répondre à l'interrogation : « - Ça va ? ».


Son esprit revint au présent. Elle n'était plus cette fille qui se laissait berner par les sourires et les mots doux. Alors, elle cligna des yeux et répondit froidement :

- C'est bon ! Ça va ! Trop de guimauve pour moi, j'suis en overdose... Comme c'est pas ma came préférée, j'vais faire un tour !

Et elle planta là Nora, son incompréhension face à sa réaction et le tas de tissus. Sans prendre la peine de prévenir Sarah, elle sortit de la pièce et se dirigea vers le parc.

Elle avait besoin d'air, de lumière et de faire descendre la pression qu'elle sentait envahir ses muscles. Elle avait besoin de mouvements, de vitesse, de sentir le vent sur son visage. Elle avisa sa moto qui l'attendait. Un simple petit tour... Quelques minutes de pure adrénaline, voilà ce qu'il lui fallait en ce moment!

Elle enfourchait sa Duke quand Nora l'harponna :

- Hey ! Vous allez où ?! Sarah vous cherche.  Elle dit qu'elle a besoin de vous pour la déco dans la salle de bal.

- Et moi, j'ai besoin de personne pour me dire quoi faire ! Qu'elle fasse comme Charles! 

Comme la jeune femme s'interrogeait sur ce Charles et ce qu'il venait faire là, Léonie ajouta:

- Qu'elle attende! Et si vous voulez tout savoir, je vais me faire un Speed !

Nora la regarda choquée, en retenant le guidon de la moto avec sa main gauche.

- Laissez-moi passer ! lança Léonie en repoussant de la main le poignet de la jeune femme.

- Non ! Vous ne pouvez pas... la préparation...

- Je m'en fous ! Poussez-vous !

- Non !

- Non ? répéta dubitative Léonie.

- Non, affirma la jeune femme, fermement campée sur ses deux jambes.

Léo descendit de sa moto et se rapprocha d'elle.

- Personne ne me dit « non » !

- Si ! Moi, je viens de le faire ! Et contrairement à Ulysse, je ne me nomme pas personne ! Je m'appelle Eléonora Lesage.

Léo la fixa de son regard de braise et continua d'avancer, envahissant soudain son espace personnel. La jeune femme ne bougea pas d'un pouce. Son corps à quelques centimètres de celui de Nora, la motarde approcha son visage du sien et lui murmura mystérieusement:

- Et bien mademoiselle Lesage, vous ne me direz pas « non »longtemps, croyez-moi ! 

- On ne vous a pas appris qu'il ne faut pas prendre ses désirs pour la réalité?

- Ne vous inquiétez pas, Nora (elle appuya délibérément sur le diminutif en faisant glisser lentement le son dans sa bouche)... J'ai toujours su comment réaliser tous mes désirs!


- Léo !!

Sarah apparut sous le porche, interrompant leur affrontement.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? J'ai besoin de toi !

- J'arrive mon cœur ! Je montrais juste mon engin à ton amie !

- Ranges ton monstre, veux-tu ! Tu vas lui faire peur ! Et viens m'aider plutôt, j'ai besoin de toi !

- Tout de suite, mon ange !

Léo s'éloigna laissant Nora face à cette énigme. Que signifiait tout ceci ?

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