La fin n'est qu'un nouveau commencement

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Le black-out: une extinction complète de toutes les sensations, de tous les sentiments.

Et puis, au fond de cette obscurité, une lueur. De plus en plus vive, de plus en plus forte. 

Là-bas au fond du tunnel, la lumière clignota. 

Et le couloir lui parut moins profond, comme si elle arrivait au bout de son chemin.

Elle sentit l'amour l'entourer... Celui des êtres chers qui l'avaient toujours accompagnés, soutenus... Celui de Mary qui ne l'avait jamais quitté.


La chaleur l'enveloppa, lui faisant prendre conscience des contours de son corps. 

Le poids de sa chair l'ancra au matelas sur lequel elle reposait. Avant que ses paupières ne se soulèvent, elle perçut des bip, des froissements, des bruits de pas et de portes.

Elle sentit sur sa peau la pression des bandages, celle du tissu sur son buste et ses jambes, ainsi que la douceur d'une paume sur son avant-bras.

Un parfum monta à ses narines, au-delà des odeurs acres de désinfectants. Cette flagrance, elle l'aurait reconnu n'importe où.

Les battements de son cœur s'accélérèrent, déclenchant une anarchie de bips en écho.

Le poids sur son bras s'allégea. Une main se posa sur sa joue.

Ses yeux s'ouvrirent et tombèrent sur deux océans embrumés.

Nora lui murmura:

- Salut, toi ! Ça faisait longtemps...

Léonie tenta une réplique taquine, mais sa voix enrouée manquait de conviction et en gâcha tout l'effet.

Une infirmière entra, vérifia ses constantes et en nota les résultats sur la feuille de soins au pied du lit. 

Quand la porte se fut refermée derrière la soignante, Nora expliqua posément à son amie ce qui s'était passé après sa perte de conscience: son appel à la police, leur intervention et celle des secours, l'arrestation de Conrad, l'attente angoissante concernant son état durant ces quinze jours de coma... Et le mariage aussi.

Avec tout cela, elle n'avait pas assisté au mariage ! Tout cet investissement durant ces derniers jours... Pour rien !

Sarah passa la tête par l'entrebâillement de la porte:

- Mon petit doigt m'a dit que tu était enfin revenue du Pays des Merveilles, Alice ! 

- Ton petit doigt n'avait peut-être pas le droit d'utiliser son portable dans l'enceinte du service ? Fit Léonie en regardant avec insistance Eléonora.

- Bon alors, c'est moi qui boit et c'est toi qui trinque, si j'ai bien compris !

Léo sourit à cette réplique:

- Si encore tu buvais... Tu fais semblant !

- Et bien, toi, tu n'as pas fait semblant ! Tu nous as fichu une sacré trouille, tu sais ! On était tous secoués !

- Même mère ?

Un court silence s'ensuivit avant que Sarah ne reprenne:

- Oui, même elle. Tu ne peux pas savoir le nombre d'heures qu'elle a passé à ton chevet pendant que tu étais dans le coma, à houspiller le personnel pour avoir des nouvelles, à te lire tes romans préférés -je ne savais même pas qu'elle les avait conservé durant toutes ces années. On peut vraiment être surpris par les personnes qui nous sont chères, on ne les connaît jamais vraiment finalement.  D'ailleurs en parlant de secret, tu dois avoir une admiratrice secrète car une certaine Alex S. n'a pas arrêté d'appeler sur ton portable, tu verras ça dans ta liste d'appel en absence. Oh et tu as eu aussi un sms  de XL disant qu'elle serait sur Londres à la fin du mois et qu'elle espérait que tu serais libre pour diner et passer la nuit avec elle comme prévu. J'ai répondu que tu n'étais pas disponible, que tu étais à l'hôpital suite à une agression. Elle te souhaite un prompte rétablissement et espère que tu la recontacteras quand tu seras de nouveau sur pied. Il y a tellement de secrets qui restent cachés, alors qu'il serait plus facile d'en parler.

Comme Nora se dirigeait vers la sortie, Sarah l'intercepta:

- Tu n'as qu'à demander à  Nora... 

Comme la rousse levait un sourcil, la petite sœur de Léo se reprit:

- Je parlais de ton coma. Elles se relayaient toutes les deux à tour de rôle à ton chevet, mère et elle !

Léonie planta son regard dans celui de la jeune femme:

- C'est vrai ce mensonge ? Tu es resté à mes côtés durant tout ce temps ? 

- Oui... Non... Oui, je suis venue te tenir compagnie, c'est vrai ! Je n'aime pas les histoires qui n'ont pas de fin ! Et tu m'avais un peu laissé sur ma faim ! 

Le ventre de Léonie en profita pour grogner. Une aide soignante apportait justement un plateau, en insistant pour qu'elle mange doucement, car son corps n'était pas encore totalement remis.

Sarah s'excusa, elle n'aimait pas trop les hôpitaux et elle préférait s'éclipser avant de faire une syncope. Les deux jeunes femmes lui souhaitèrent une bonne journée et quand la porte se referma, elles se retrouvèrent seules. Un ange passa.

- Tu as faim ? demanda Léo en voyant Nora lorgner son dessert.

- Oui... Non... 

Nora ne se connaissait pas aussi hésitante, à bégayer ainsi. Alors elle se décida et avoua:

- En fait: oui, mais de toi... Uniquement ! 

- Alors, pourquoi tu regardes mon assiette ? 

- Je me demandais juste si, après ce séjour sans activité, ton corps allait ressembler à ce flan !

Léo fit une grimace. 

- Tu oublies que j'ai toujours bien entretenu mes muscles, avec pleins d'exercices, de jour comme de nuit.

- Je n'oublies rien... Ni la fermeté de tes muscles, ni les mensonges que tu m'as débité !

Léo se referma. Oui, elle lui avait menti... Mais elle s'était menti aussi à elle-même. Elle l'avait compris lorsque pleuvaient les coups. Il était peut-être un peu tard pour s'excuser. Comme reliée à ses pensées, Nora murmura:

- Tu sais, il n'est jamais trop tard pour s'excuser. 

- Oui, tu as raison. J'ai laissé trop longtemps le passé m'envelopper et me porter, je ne fuirais plus mes responsabilités. Je m'excuse de ne pas t'avoir dit plus tôt que je connaissais ton fiancé, ni qu'on s'était déjà croisé, toi et moi, un soir quand tu étais bourré. Par contre, je ne m'excuserais pas de t'avoir ramené sans en avoir profité. Je m'excuse d'avoir joué avec toi, mais je ne m'excuserais pas de t'avoir dragué, ni de t'avoir fait l'amour durant ces quelques jours. Je m'excuse aussi de t'avoir blesser dans ma quête de vengeance. J'ai failli te perdre sans avoir le temps de te le dire. Mais je ne m'excuserais pas de t'aimer... A en mourir !

- Mourir... Si tu pouvais éviter à l'avenir de te jeter sur le danger, mon cœur t'en remercierais.

- L'avenir ? Car nous avons un avenir ?

- Je ne sais pas.. En tout cas, on pourrait envisager un nouveau commencement, ce ne serait pas mal déjà. 




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