XXIX - Protecteur - Mauricio - 1/2

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- Papa?
- Hmm?

Son père sembla émerger d'une profonde réflexion.

- Ça va, Papa ?
- Oui, Mauro, ça va. Je... réfléchissais.
- Sans déconner !
- Langage, figlio mio.

Mauricio roula des yeux. Son père pouvait jurer comme un charretier, comme tout supporter de football milanais se respectant.

- Je pensais aux frères.
- Aux frè... Ah, eux.

Oh oui, il se souvenait très bien des frères. Surtout de Kris. Apparemment, son père voulait leur offrir des cadeaux pour Noël, ce qu'il n'avait pas fait l'année précédente.

- Pourquoi ? Tu ne l'as pas fait, l'an dernier...
- Je sais. Mais après ce qui est arrivé cet été, je... Je pense qu'ils ont besoin d'un peu de douceur, et... Je veux les couvrir de cadeaux, comme un papa gâteau...

Mauricio sursauta.

- Dio Santo ! J'espère que non ! Je ne peux pas considérer Kris comme mon frère, pas après...
- Ah, oui, j'avais presque oublié ta manière créative de le sortir de la chambre de son frère, pour... se reposer. Eh bien... J'imagine qu'il s'est reposé après que tu t'es occupé de lui.

Mauricio se souvenait du corps vigoureux, musclé et souple, d'un très jeune homme, vraiment, à peine vingt-trois ans, n'ayant pas achevé sa croissance et pourtant si masculin, si affirmé une fois son chagrin mis de côté. Si doux et câlin, aussi. Il se souvint des moments passés ensemble et sentit ses joues rougir. Son père lui envoya un sourire ironique et il haussa les épaules, regardant sur le côté.

- Sofia aussi a été séduite par lui aussi, tu sais.
- Je n'en doute pas un instant, c'est elle qui choisit tes amants, après tout.

Mauricio se souvenait de la petite brune pleine d'énergie qui était venue le voir, lors d'une soirée caritative, et lui avait dit qu'il lui plaisait, qu'elle voulait l'épouser et pouvait-il la faire danser ?

Il n'était pas trop sûr, à l'époque, mais elle dit, tout en le laissant conduire la danse, que sa famille – et il entendit Famiglia dans son ton – avait besoin d'elle et donc, elle l'épouserait. Pourtant, il hésitait, étant plus attiré par les hommes à cette époque, et de préférence un peu plus âgés. Elle le courtisa et, à sa plus grande surprise, ce fut lui qui la demanda en mariage. L'un des arguments qui fit pencher la balance fut qu'elle acceptait qu'il ait des amants masculins, à condition de suivre les règles qu'elle établirait. Il les accepta et le reste, comme on dit, appartient à l'Histoire.

Une fois de plus, un certain corps très vigoureux, aux longs muscles gracieux, sentant le bois de cèdre et les agrumes, s'immisça dans ses pensées, alors il toussa légèrement.

- Qu'y a-t-il, figlio mio ?
- Que veux-tu leur offrir ?

Ils discutèrent d'un cadeau pour Kris, qui parlait couramment l'italien, et se décidèrent pour la Divina Commedia, Matteo disant que ce n'était pas à Mauricio de chercher ce livre.

- Papa, il a été mon amant et, même si ce cadeau vient de toi, j'ai l'impression qu'il sera aussi un peu de moi si c'est moi qui fait la recherche.

Matteo considéra son fils.

- L'aimes-tu toujours?
- Je n'en sais rien, à moins de nous revoir. Mais à Côme, quand nous les avons installés l'été dernier, je n'ai ressenti que de l'horreur. Peut-être parce qu'Erik était...

Mauricio haussa les épaules, impuissant. Il s'était envolé pour Kaboul, dans le jet privé de son père, impatient de revoir son ancien amant, pour, au final, le retrouver tellement concentré sur son frère meurtri que ses efforts pour rallumer la flamme le laissaient indifférents, même lorsque Kris sanglotait doucement, la tête sur l'épaule de son frère. Il se souvenait d'Erik sanglé sur le plus grand des canapés, les yeux vides, et de Kris, agenouillé sur le tapis, refusant de quitter son côté, même pendant le décollage et l'atterrissage. La douleur, le chagrin dans ses sanglots étaient déchirants et Mauricio avait pleuré aussi en voyant son ancien amant si anéanti.

La Compagnie du Lys de Sang - histoires parallèlesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant