XXVIII - Tigre - 1ère partie

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Dans le train qui les emmenaient, lui et son régiment, en Sibérie pour une série d'exercices, Mikhail était très excité, malgré l'absolue tristesse du paysage qu'il voyait par la fenêtre du train, malgré les horribles conditions, principalement le froid extrême, le jour quasi absent en cette période de l'année, l'insuffisance, non, le manque absolu de commodités – militaires ou autres – etc, etc. Ses camarades se plaignaient de l'absence de bars et de bordels, même s'il doutait que Nikolai trouve en Sibérie un bordel correspondant à ses préférences sexuelles. Toujours très traditionnelle, la Sibérie, même un siècle après l'avènement de la communauté LGBT++. Mais la discussion était sans objet, les baraquements ayant été érigés – son choix de mot le fit glousser – spécialement pour cet exercice, au milieu de nulle part.

Non, ce qui excitait Mikhail, c'était la Légion Etrangère Française qui allait les rejoindre. La Légion Etrangère ! La meilleure des meilleures des unités militaires, selon la légende, reconnue dans le monde entier pour son excellence. Des conflits anciens et plus récents avaient validé cette affirmation apparemment outrancière mais universelle.

Quand ils arrivèrent sur site, dans un endroit appelé, avec – pas – beaucoup d'originalité Camp Sibérie (CS pour faire court), ils apprirent qu'ils auraient des baraquements séparés des Français, pour maintenir l'illusion d'unités ennemies. Car l'exercice opposerait les Russes aux Français. Les Russes espéraient que l'expertise des Français se transfèrerait par magie à leurs soldats, les Français voulaient que leurs hommes fassent l'expérience du froid extrême. Echange honnête, pour l'état-major, pas tant que ça, pour Mikhail.

Ils étaient à CS depuis une petit semaine quand les gros avions français, les A400M, furent signalés en approche. Les sergents et caporaux rassemblèrent les troupes et les emmenèrent au pas vers le tarmac pendant les gros avions lourds et disgracieux atterrissaient sur la piste verglacée.

Les Russes étaient debout en rangs bien ordonnés au bout de la piste, là où les avions allaient décharger leur cargaison. Les bleus, dont Mikhail et Nikolai faisaient partie, avaient été placés devant pour qu'ils puissent admirer – et absorber, encore par magie – la perfection de la Légion. A cause du froid, les hommes seraient les premiers à descendre, puis les quelques caisses d'équipement.

Mikhail tendit le cou pour voir les avions en train de rouler en position pour décharger leurs soldats devant les troupes russes. Tout était très bien planifié, les avions ouvrant leurs portes ensemble... On aurait dit un show bien huilé.

Les légionnaires descendirent lentement les rampes, bien ordonnés, bien rangés, tous les avions se vidant en même temps, puis quand le dernier homme de chaque unité eut touché la piste gelée, toutes les unités firent un demi-tour à gauche puis marchèrent au pas vers leurs baraquements. Mikhail remarqua qu'ils marchaient plus lentement que les Russes. Puis il se souvint qu'il avait lu sur Internet que c'était une tradition qui datait au moins de la guerre franco-mexicaine du 19ème siècle. Et, au 22ème siècle, toujours respectée par ces hommes très spéciaux. Cela leur donnait un air de calme expertise, comme si rien ne pouvait les ébranler, ou comme s'ils affronteraient n'importe quoi en vrais durs à cuire, avec à peine un sourcil levé.

Du dernier avion sortit une unité qui rendit les soldats russes aussi silencieux que leurs sergents pouvaient le souhaiter. Elle était plus petite que les autres, mais ce n'était pas pour ça que la surprise se répandait dans les rangs. Non, la raison de ce silence, c'était le géant au dernier rang. Il était plus grand que tous d'au moins une tête, aussi large que deux bleus côte à côte. Mikhail eut une pensée étrange, que l'intendance devait beaucoup dépenser pour le nourrir et le vêtir. Et son lit ! Il devait être sur mesure !

La Compagnie du Lys de Sang - histoires parallèlesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant