T'aimer, c'est te regarder dormir avec la fenêtre ouverte et penser que Dieu -si Dieu existe- dessina les étoiles pour cet instant. Dieu créa les étoiles pour que leur lueur éclaire la chambre et les draps roses, à peine. Ni trop peu, ni trop fort. Une simple lueur, légère, que l'on pourrait presque toucher si on tendait la main, là, juste là. Une lueur douce, fine, comme une toile tissée par la lune pour te tomber dessus, doucement. Un duvet de lumière blanche, presque grise. Un voile illuminant ton nez, la commissure de tes lèvres entrouvertes, ta main posée sur ton ventre, juste au-dessous de tes côtes, la pointe de tes cils, les quelques boucles de cheveux posés sur ton front.
T'aimer, c'est accepter son passé. C'est se remémorer chaque instant de sa vie, et être prête à les affronter à nouveau. Repenser à chaque journée, belle ou mauvaise. Se dire que ces nuits sans sommeil et ces journées sans vie me menaient toutes à toi. Se dire que tout nous a menés ici et que si tout était à refaire, je le referais pour revenir à toi, à ce soir dans tes bras, à cet instant, dans cette chambre, sous ces astres. C'est respirer à nouveau, sentir l'air frais sur notre visage après avoir émergé d'un mauvais rêve.
T'aimer, c'est devenir nostalgique de quelque chose que l'on n'a jamais eu. C'est penser à l'avenir imaginé ensemble et se dire que cela nous manque, sans l'avoir jamais vécu. C'est refaçonner mes plan, mes études, mes projets, dans le but de me construire un avenir où tu existes, puis finir par ne penser plus qu'à ça, à cette vie à deux. Nous n'avons jamais eu cette maison avec cette grande mezzanine, ni ce chien aux yeux bleus et nous n'avons jamais dansé sur Georgia On My Mind et pourtant ces choses me manquent. T'aimer c'est te supplier de m'y emmener, de m'emmener à ces moments et plus loin encore.
Puis t'aimer c'est regretter. Regretter d'avoir fait tourner le monde autour de toi. Regretter d'avoir dessiné l'univers à ton image. Regretter lorsque je regarde les étoiles. Regretter à la sensation d'une brise sur mon visage, à la vue d'un chien, ou quand je danse seule sur une balade des années 60. C'est regretter face à la pensée d'un avenir incertain, parsemé de petits trous où le vide a pris ta place. C'est regretter face à la mer, aux vagues qui s'échouent contre la digue puis continuent leur route après être retombées, car c'est elles qui poursuivent désormais un chemin sans fin ni but, une course vide de sens maintenant que ces pierres blanches vers lesquelles elles se dirigeaient les ont heurté et repoussé avec toute la violence, la froideur et la dureté étrangère qui leur est propre.
Finalement, t'aimer, c'est finir par ne plus t'aimer. C'est revenir à la réalité. C'est réaliser que les étoiles ne sont pas plus là pour toi qu'elles ne le sont pour moi. Réaliser que leur lueur n'est que lumière, et pas duvet ni voile. C'est redescendre sur terre. C'est réaliser que ma vie ne t'était pas destinée, et que mon passé tout comme mon futur n'appartiennent qu'à moi, et que j'en suis et en resterai le seul acteur certain. C'est reprendre le droit sur ma vie. C'est aussi sortir de mes illusions, te voir pour qui tu es, comprendre que nous ne dansons pas du même pied et réaliser que ce futur ne serait jamais arrivé. C'est imaginer le monde sans ce "nous", et réécrire l'univers avec plus de réalisme. Redonner à la nature cette inhumanité, ce côté froid et vide de sens qui lui est propre. Car cette vie ne calcule rien. Réaliser que notre rencontre n'était ni karma, ni destin, et que tout ce qui nous avait mené l'un à l'autre n'était que hasard. Que chaque coup subit, chaque larme versée, chaque blessure ressentie, chaque goutte saignée et chaque souffle manqué n'avaient aucune raison d'exister, si ce n'est que pour laisser une cicatrice de plus, tout comme tu auras laissé la tienne.
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Flot de paroles non-prononcées
No FicciónUne suite de textes écrits sans preuve de grande réflexion. Je n'écris pas pour être lue