III. Le hasard n'est « heureux » que dans un sens

283 22 0
                                    

J'ai sérieusement passé une matinée à côté d'eux. Et je trouve vraiment mesquin d'avoir ajouté Rose à l'équation. Ce n'est peut-être pas fait dans ce but là, mais je m'en fou. Ce n'est plus ma vie.

Mais maintenant le calvaire est finis, du moins pour la journée. Car en réalité ce n'est que le début. Le tournage va bien durer plusieurs longs, très longs mois.

Mais j'ai quand même l'occasion de souffler lorsqu'elles quittent le plateau. En revanche leur passage m'a bien trop perturbé. Tellement que, en milieu d'après-midi, je suis contrainte de dire à Lucas que je dois m'absenter.

Il commence à me connaître, alors il n'insiste pas pour savoir ce que j'ai et me fait confiance. De toute façon il a mes notes pour savoir chaque détail important, chaque notion sur laquelle il faut appuyer, l'angle qui accentue telle chose etc... alors il n'est pas démuni sans moi.

Je décide donc de rentrer chez moi sans attendre plus longtemps, j'ai besoin de souffler loin de tout ça.

Alors une fois la voiture garée, et mes fesses sur le canapé, je respire enfin, du moins je reprends conscience que je respire. Et je respirais différemment jusqu'à lors.

Sa présence me fait toujours de l'effet, mais maintenant ce n'est plus du désir que j'éprouve, mais du déplaisir, allant, suivant certaine phrase, certain geste, jusqu'à la haine.

Pitié que la vie ne la transforme pas en autre chose.

Tandis que je souffle enfin, et que je commence à me décrisper, j'ai l'heureux plaisir de connaître de nouveaux voisins bruyants. Le silence laissé par le départ de la petite mamie en face de mon appartement avait été à la fois apaisant mais aussi dérangeant. Ses parties de bridge ou encore son jazz du matin au soir avait laissé un vide. Et surtout mes gouters en sa compagnie après une journée barbante m'avaient toujours fait du bien.

Je pris intérieurement pour ne pas avoir à aller leur rendre visite pour tapage nocturne. Déjà que, c'est bien malheureux d'ailleurs, le tapage en journée n'existe pas. Mais pourtant certains dépassent vraiment les bornes. Alors j'ose espérer que ce soit seulement le bouquant du déménagement et que ça se calmera par la suite.

Pour éviter d'avoir à faire saigner mes oreilles plutôt sensible, je décide d'aller au café lecture le plus proche. Au coin de la rue pour être plus précise.

Et c'est vrai qu'une fois un livre en main, attablée et un café servit, le calme devient tellement plaisant. J'en profitais donc pour dévorer mon nouveau livre du moment : le bonheur était là de Claire Zamora. Il ne me manquerait plus qu'un brin de musique pour être réellement dans ma bulle de lecture.

En parlant de bulle, et bien jamais je ne pourrais être dans la mienne en ayant vu la personne entrant dans le café. Vraiment, je ne sais quelle divinité joue avec sa plume pour écrire mon histoire, mais elle semble farceuse. Ce n'est pas possible que je la croise ici. Disons plutôt que vu la grandeur de Londres, la probabilité est infime.

Je baissais rapidement le regard en espérant qu'elle ne me remarque pas. Elle semble aller s'accouder sur le bar. Je prie pour qu'elle reparte vite. En attendant, je plonge mon visage dans mon bouquin en guise de camouflage.

Le stress de la savoir ici me fait changer de stratégie, et j'opte pour la fuite. Je range donc rapidement mes affaires, laisse un pourboire sur la table et je sors du café.

Une fois dehors je souffle un peu, et je décide de ralentir mes pas. Et je ne saurais expliquer pourquoi, mais j'ai eu le besoin de me retourner. Et c'est la qu'elle apparut de nouveau, un lot de cafés à la main, le téléphone dans l'autre.

M'a-t-elle vu partir ? Me suit-elle ?

La panique me prend de court, je ne veux pas me retrouver seule face à elle, je ne saurais quoi faire. Je ne pourrais plus paraître forte, je le sais.

J'accélère donc définitivement le pas jusque chez moi. Et lorsque je tapais le code de mon immeuble, je fus rapidement surprise de la voir de nouveau. Pitié, dites-moi que la vie ne va pas me faire ça.

Pourtant c'était sur le point d'arriver. Je décidais donc de rapidement monter, pour me cacher et aller me morfondre seule sur mon triste sort.

Je commence sérieusement à me dire que notre histoire ne suit que des événements hasardeux, alors la réflexion que ce soit elle ma nouvelle voisine me prenait l'esprit. Tellement que ça finit par me faire pleurer, les larmes coulaient seules suivant le cours de mes pensées.

Je remarque ensuite, en tentant de me calmer que le bruit venant de l'appartement d'à côté avait cessé.

Et si j'avais rêvé tout ça ?

C'est la question que je me posais en séchant mes larmes, et si j'avais halluciné et simplement confondu une personne avec elle ? J'ai l'impression que ces « retrouvailles » me rendent folle.

Je m'installe une nouvelle fois sur le canapé, et allume la télé pour espérer me détendre devant un bon film.

C'est chose faite. Du moins pendant une heure, car l'on vient de toquer à ma porte. L'heure avoisine 18h, serait-ce les nouveaux voisins qui viennent s'excuser pour le boucan plus tôt dans la journée ?

En ouvrant la porte j'avais oublié de regarder dans l'œillet, et je regrette...

- « On aimerait s'excu- ALICE ? »

- « Ce n'est pas un plaisir Elisabeth... me dites pas que c'est vous les nouveaux de l'immeuble. »

- « Quel heureux hasard ! »

- « MALheureux hasard... Tu veux bien éviter de dire à ton amie que j'habite ici ? »

- « Je crois que vu la manière avec laquelle j'ai hurlé ton nom, tout ton immeuble sait. Donc elle aussi... »

- « Merveilleux ! » dis-je sarcastiquement en lui claquant la porte au nez et en n'oubliant pas de fermer à double tour.

Putain d'hasard merdeux.

Je jure d'égorger la personne responsable de ma vie, ce n'est pas possible de vouloir me faire ce genre de chose, c'est sadique. Vraiment sadique.

Je décide de sortir de nouveau pour me vider l'esprit, et surtout pour laisser un peu la nouvelle se tasser. Et perturbée que je suis, j'avais bien sûr rien pris contre la pluie, alors que le temps dans cette ville est changeant. Enfin changeant entre nuageux et pluvieux.

Les gouttes frappaient ma peau mais cela ne m'empêche pas d'avancer seule vers mon second petit coin de paradis : les bords de la Tamise.

Après vingt minutes de marche entre les bâtiments, me voila assise sur un banc, trempée et congelée mais bien.

En effet je me sentais bien, c'est dans ce genre de moment que j'apprécie un peu plus le goût de la vie, quand on sort de ce qu'on fait d'habitude. Ce n'est pas quotidiennement qu'on va prendre une douche glacée avec la nuit qui commence à tomber.

Après trente minutes à suivre le courant du fleuve des yeux, je décide de rentrer.

Je passe pour une folle.

It was forever, would it ever be again ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant