XII. Où le vent me portera.

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- « Je pense que tu aurais mieux fait de laisser le monde. »

C'était ce qu'elle pensait de moi à l'instant t. C'est ce que je souhaite depuis qu'elle m'a giflée. Je me dois de laisser le monde en un sens. Mais ne serait-ce pas mieux à jamais ?

- « Je t'en supplie Scarlett. Part de mon appartement. Ne reviens jamais, dis à ta fille que je l'ai encore abandonnée si ça t'enchante, hurle à Lizzie que c'est de sa faute pour te déculpabiliser ! Va faire ta vie loin de la mienne. »

Elle reste sans voix, son visage a changé, ses yeux abattu, mais pas par mes mots. Serait-ce par les siens ?

- « Je n'aurais jamais dû éditer et publier mes bouquins, ça n'a fait que me mener à toi. D'abord le chemin de la célébrité, ensuite les collaborations avec le 7e art pour adapter mes histoires en film, et voilà que tu entres dans ma vie en volant mon avenir. Je regrette tellement, mais tellement tout ça. Avec ce que tu viens de me dire, je peux te le cracher Scarlett, je regrette de t'avoir aimée. »

Balle au centre dirait-on. Nous avions chacune utilisée la phrase de trop, mais laquelle était la plus affreuse ?
La demande de disparaître parmi les âmes, ou le regret d'un amour passionnel qui nous a consumé ?

J'avais la légitimité de pleurer les larmes que je retenais, mais ce fut elle qui s'octroya ce droit. Elle me regardait les yeux vitreux, la gorge nouée. Où étaient passé ses yeux si innocents ? Suis-je en train de me satisfaire de ce que je voyais ?

Elle m'a détruite, et pourtant, je voudrais refaire les mêmes choix pour retomber dans ses bras. Je voudrais le faire maintenant, lui offrir la possibilité d'une relation toxique pour me garder auprès d'elle.

Elle commençait à ne plus pouvoir retenir ses hoquets, ni ses sanglots.

Tu pleures alors que tu me souhaites de mourrir.

Elle tourna les talons, avant de se stopper.

- « J'ai tellement de remords et de regrets, mais aucun ne remets en question l'amour que j'ai toujours pour toi vois-tu ? Car moi je ne suis pas une pétasse. »

Un rictus nerveux me prit, et ça lui fit lâcher ses larmes. De grosses gouttes tombaient au sol. Les poings serrés, elle prit une grande inspiration, avant de quitter sans un mot de plus.

Cette image d'elle, de dos, s'offrait à moi chaque nuit, chaque fois que mes yeux se ferment. Je ne compte plus le temps qui s'est écoulé. A quoi bon ? Nous n'avons plus rien à compter elle et moi.

Alors pourquoi je me suis remise à porter notre alliance en collier ?

Même moi je ne me comprends plus. Je le fais sans y réfléchir, et je n'essaye pas de me retenir. C'est une forme de mutilation mentale, et ça me plaît.

Plus je serais faible, plus le geste égoïste perdra cet adjectif. A force d'avoir mal, je ne verrais plus les autres.

Avoir mal, je sais faire. Je n'ai pas cessé ma consommation d'alcool, je n'ai pas soigné mon épaule.

Je n'ai pas rouvert mon commerce.

Je compte le revendre, comme les droits sur mes livres, comme tout ce qui faisait ma vie d'avant. Plus d'écriture, plus de cinéma. Plus d'actrice.

And strangers again...

J'ai besoin d'un nouveau souffle. Je ne veux plus de plume pour écrire la suite de ma vie. Je ne veux qu'un coup de vent pour me faire avancer dans une même direction, sans choisir, en tombant dans la falaise qui sera sur le chemin.

Ma sœur et son mari ont décidé de venir dans la ville qui ne dort jamais, avec leur enfant.

Quand je la vis arriver, j'ai encore plus ressentis la différence d'âge entre nous. Elle a une famille l'a où moi je l'ai perdu.

Après avoir parlé de banalités sur le canapé, et moi d'avoir observé chaque chose qu'elle avait réussi que moi j'ai raté, elle ouvra la conversation sur un sujet plus sensible.

- « Tu aurais pas des brouillons de futurs livres à montrer à ta chère sœur préférée ? »

- « C'est compliqué d'être la préférée quand on est la seule tiens donc ! » ris-je.

- « Hum hum » tousse-t-elle, « Je garde donc sans difficulté le titre. Bon sinon, j'aimerais bien savoir ce que ma naine de soeur écrit en ce moment ?! »

- « Je suis pas si petite, et je n'écris plus Déborah. »

- « Oh c'est dommage, tu vas faire quoi ? »

- « Vendre mon café-lecture, les droits de mes livres, supprimer les contacts avec qui je travaillais et changer de voie. »

- « Tu as besoin qu'on te prête de l'argent ? »

- « Je pense surtout retourner un peu chez papa, tu vois bien que j'ai l'épaule un peu en compote, et puis surtout, j'ai besoin d'une pause. »

- « J'aurais voulu que ça marche avec ton actrice là. »

- « Je crois que le romantisme et tout ce qui va avec ne me sied pas. »

En dernière réponse, elle m'offrît un câlin des plus chaleureux, qui fit remonter des souvenirs de nous enfants.

Je crois que si je perds Déborah, je perds la vie.

En retirant son étreinte réconfortante, elle m'annonçait le pourquoi elle était ici avec sa famille.

Avant qu'elle ne prononce ses mots, mon neveu vint se réfugier dans mes bras, comme si ils avaient mis un stratagème en place pour que je dise oui à quelque chose.

- « Tu vois Alice, on déménage ici, enfin on aimerait, et ton appartement est, comment dire, parfait. Je me disait, pourquoi pas profiter du fait que tu ailles te ressourcer chez notre vieux pour nous prêter ton appartement le temps qu'on s'habitue et qu'on stabilise notre vie New-yorkaise ? »

- « Je comprends mieux le câlin du petit diable dites donc ! Franchement, si ça peut vous aider je vois pas pourquoi je dirais non. Je vous le loue histoire de pas avoir de problème avec les papiers, mais tranquille, je m'occupe du loyer. »

- « Tu es sûre ? on peut s'en acquitter si besoin. »

- « Je sais. »

- « Tête de mule. Je déteste ton « je sais » sur ce ton. Surtout avec ce petit sourire. »

- « Attends quoi je souris là !? »

- « Oui tu souris Alice. »

Je ne me rendais pas compte, mais mes lèvres souriaient réellement, et ça faisait un bien monstrueux. Avec mon neveu dans mes bras, j'avais l'impression de renaître. Je n'ai pas perdu de famille, la mienne est toujours là.

- « Puisque que tu vas chez notre vieux, tu pourrais y amener le petit monstre avec toi ? pour qu'il passe les vacances là bas. »

En seule réponse j'accentue mon sourire.
J'étais heureuse de pouvoir passer du temps avec lui, lui que je voyais si peu.

Une nouvelle brise pouvait me portait et me bercer, je me fis la plus légère possible et je la suivais, pouvant retrouver une sérénité perdue.

It was forever, would it ever be again ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant