VIII. Bat la chamade...

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La porte venait de se refermer. Je restais là, sans rien faire, simplement à observer. Le silence avait beau être revenue dans le café, mes oreilles bourdonnaient.

J'étais complètement stone.

Les bouts de verres recouvraient le sol à mes pieds. Et j'hésitais à les ramasser. Avec l'alcool, j'avais plus de chance de me couper que de réussir à les prendre. Et puis, je me connais...

~

La porte venait de se refermer derrière moi. Je savais que je n'aurais pas du continuer à la suivre, mais elle a toujours été mon amie, je ne peux pas la laisser comme ça. J'avais comme le plus grand mauvais pressentiment que je ne pourrais jamais ressentir.

Comme si on allait la perdre.

C'était en voulant la sauver que je composais un numéro qui n'attendait que mon appel.

~

Je venais de recoucher Rose après avoir passé la soirée à la réconforter du manque de son autre mère. Elle venait de faire un horrible cauchemar, qui n'est pas si loin de la réalité.

Elle avait vu Alice s'en aller la laissant seule sur le bas côté, comme on abandonnerait un animal de compagnie...

Elle a eut bon nombre de beaux parents, mais aucun n'a été aimé comme Alice. Aucun ne lui manque autant à sa vie qu'elle.

Je descendais les escaliers, et je pouvais voir Lizzie dans le salon. Je l'avais appelée pour m'aider avec ma fille. Je n'arrive plus a joindre les deux bouts. J'ai constamment besoin de soutien et la femme forte que j'étais s'estompe en même temps que mon espoir de retrouver une nouvelle fois dans mes bras cette femme sublime. Cette femme qui change une vie.

Celle qu'on n'aime pas, qu'on n'apprécie pas mais qu'on idolâtre.

Je la voulais de nouveau avec moi. Et Lizzie était la seule  qui pouvait faire de ce manque quelque chose de second plan. Juste l'espace d'un instant, elle m'offrait la possibilité de me reposer sur elle comme je n'avais jamais fait auparavant avec quiconque. Pas même Alice.

En y pensant, on était toxique l'une pour l'autre. Personne ne voulait laisser l'autre, on s'oubliait mutuellement. Et j'ai été la première à craquer de cette situation.

Je m'approchais de Lizzie et alors que je relevais la tête baissée de honte, elle m'avait déjà ouvert ses bras pour que je m'y réfugie.

Alors que j'allais répondre à son geste, mon téléphone posé sur la table basse du salon vibra. Qui peut bien appeler à cette heure-ci ?

Je regardais l'écran du coin l'œil, comme si je ne voulais pas voir qui appelait. Ou comme si je voulais faire signe de l'ignorer. Mais quand j'ai vu le numéro de Lucas, j'ai vite pris le téléphone dans les mains pour décrocher.

- « On reprends le projet Lucas ?! » dis-je excitée à la manière d'une enfant.

- « J'aimerais mais non. J'ai retrouvé Alice. Enfin tu sais bien que je ne l'ai jamais perdu de vue, elle était toujours dans mon champs de vision. »

- « Ta voix sonne étrangement, ça ne va pas ? Elle t'a vu ? »

- « C'est moi qui l'ai vu se bourrer la gueule plutôt. Je pouvais pas rester sans rien faire. Tu l'as compris, elle m'a vite envoyé paître. »

- « Lucas, est-ce qu'elle va bien ? On entends comme des tremblements dans tes paroles. Ça m'inquiète. »

- « J'ai un mauvais pressentiment. »

- « J'aimerais t'aider, mais j'imagine qu'elle n'est pas proche d'ici. »

- « Bien plus proche que tu ne le crois. Becker Avenue, le petit café lecture qui a ouvert en début d'année. Elle bosse là bas. Je pense même que c'est le sien. »

- « Je prends le volant. On arrive. »

- « On ? Qu-»

Je ne lui ai pas laissé le temps de faire quoi que ce soit, ni de continuer sa question, j'avais déjà pris l'avant-bras d'Elisabeth et on courrait à la voiture.

La voix de Lucas m'avait trop inquiétée. Et puis j'ai l'occasion de me racheter. De l'aider, de sortir de cette spirale toxique de ne jamais vouloir inquiéter l'autre. Tellement qu'on en oubliait de se livrer et de se laisser souffler.

C'est pour ça que ça ne pouvait pas marcher, mais maintenant j'ai appris grâce à Liz', et j'imagine que elle aussi.

Lucas l'a dit « bourrée », j'ai peur de ce qui nous attends. Pendant que je mets ma ceinture, j'angoisse de la trouver complètement défoncée. Elle ne buvait jamais une seule goutte d'alcool avant.

C'était plutôt moi l'alcoolique à notre rencontre. Je venais de me faire larguer. On revit une boucle ? Les places s'échangent.

J'avais démarré. Et j'accélérais. Comme un sentiment d'urgence qui me poussait à faire ça. Mais surtout l'impression de la dernière chance. Ce soir ou jamais.

Le trajet était long, les rues de New York parfois bondée et parfois complètement vide dans des quartiers plus « calme ». Quelle idée de vivre ici, dans une ville d'insomniaques ?

Chaque carrefour, la mort nous fait signe. Je ne saurais décrire le visage crispé de mon amie sur le siège passager. Nous arrivions sur Becker Avenue, mais bien sûr il fallait qu'on tombe sur un jour d'illuminations.

J'aime les appeler comme ça, mais c'est simplement pour désigner les spectacles de drones qui sont fait sur la place.

Alors que je voyais qu'on ne pourrait pas avancer la voiture plus proche du café, je sortis laissant le contact et la portière ouverte.

Je pouvais entendre Lizzie jurer dans mon dos en réparant mes étourderies dues à la panique. Pendant ce temps, je courrais vers le shop d'Alice, et j'apercevais Lucas, planté comme un piqué devant.

J'avais peur de la retrouver. Une peur bleue, inexplicable, mais qui s'allie avec l'impatience. J'avais besoin d'elle comme j'avais besoin d'air.

Je voulais l'aider à respirer comme elle me permet de gonfler mes poumons chaque jour.

Je rejoignais Lucas, et sans dire un seul mot ni jeter un seul regard, j'entrais dans le bâtiment.

Elle ne prêta pas une seule seconde d'attention à mon entrée, elle était assise, dans l'obscurité presque angoissante de la pièce.

De dehors, impossible de la voir, mais pourtant je pouvais distinguer ses formes.

Alors que j'avançais pour la rejoindre, j'entendais d'étranges bruits à chacun de mes pas. Comme si une chose se brisait. Du verre peut-être ?

J'arrivais à sa hauteur, et lorsque je voulais m'agenouiller en posant mes mains délicatement sur ses genoux, repliés contre son torse, mes jambes ressentirent une vive douleur.

C'était bien du verre.

Je n'y prêta pas plus attention, et je regardais son visage encore assombrit.

- « Que c'est bon de sentir cette odeur à ce moment-là... » me dit-elle dans un souffle irrégulier.

Elle sentait l'alcool, il remplaçait son parfum habituel, son odeur corporelle, tout. L'alcool l'enveloppait comme un charme de malédiction le ferait.

Elle savait que c'était moi, et pour la première fois depuis notre divorce, j'étais proche d'elle. Je sentais sa chaleur.

Mais j'entendais surtout un battement puissant, irrégulier, son cœur s'emballait. Et je ne crois pas que c'est parce que je lui fait toujours de l'effet.

It was forever, would it ever be again ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant