XIV. Troisième.

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Les images de l'incident m'avaient empêchée de fermer l'œil. Pourtant cela faisait plusieurs semaines que l'événement avait eu lieu. C'était comme un mauvais pressentiment qui me liait autant à ce moment.

Je venais de laisser Rose à sa baby-sitter, pourtant la sensation n'était pas la même. Je ne saurais le dire avec d'autre mot.

Une fois prête, j'arpentais les rues de la ville pour me rendre dans les locaux de la marque de cosmétiques que j'ai enfin osé lancer. Et je me retrouve à passer une nouvelle fois sur le lieu de l'accident. Les stigmates sont encore quelques peu visible, mais seulement lorsqu'on sait où regarder...

Les mois passent, 24 ont pu être comptés depuis ce jour tragique. Un simple incident que je retiens bien plus que certaines dates de mon existence.

Je passe cette fois ci devant un léger mémorial pour le jeune enfant. Nicolas ? Était-ce son nom ?

La mémoire me fait défaut. Surtout quand mon esprit s'occupe à divaguer pour un autre.

Que m'est-il arrivé pour avoir eu l'affront de dire qu'elle seule me verrait différemment. Les hommes l'avaient fait, un homme me comble de ses yeux mielleux.

Le troisième en deux ans. Est-ce inquiétant ?

Alors que je prenais un temps de recueil devant les fleurs à même le sol, je reçu le message du troisième. Ce troisième à qui je suis fiancée.

« Café sur Becker Avenue ? »

Il aura eu la réponse la plus sèche de sa vie. Que j'ai répondu spontanément. Le « non. » le plus franc et froid qui puisse être offert.

Becker Avenue, un lieu que j'évite tant un passé sanglant m'est raconté par les murs d'un café sur ces lieux.

J'arrive là où est ma place depuis un moment déjà, je croise Kate, salut toute l'équipe, avant de regarder ce qui est prévu pour moi aujourd'hui.
Un shooting. Pour le lancement de notre nouveau cosmétique.

La journée passe donc lentement, mais pas sans l'aide d'un fond bon enfant. Rigolades et moqueries sont au rendez-vous avec l'équipe de communication et celle en charge du shooting, et moi comme à mon habitude je suis entre les deux. Je ne choisis jamais réellement de camps lors de chamailleries.
Je peux trahir un millionnaire pour rejoindre un captain.

Ce n'est qu'une image bien sûr.

Une fois cette activité plus fatigante qu'on l'imagine terminée, je ne me fis pas prier pour partir et rentrer chez moi.

Sur le chemin, mon fiancée Troy m'a envoyé un nouveau message.

« Je sais que cette histoire te prends encore de l'énergie et de la vitalité, mais je ne peux pas te laisser saigner dans mes bras pour ça indéfiniment. »

Je décide de lui répondre, mais une nouvelle fois avec un ton bien loin de l'enthousiasme ou de la compassion.

« Tu veux bien arrêter de croire que je ne peux pas tourner la page, on va se marier dans 4 mois. Tu n'as pas à m'empêcher d'avoir mal, et ça ne veut pas dire que je ne suis pas passée à autre chose. Je ne veux juste pas retourner sur Becker Avenue. »

J'éteins ensuite mon téléphone, une envie d'être seule, et surtout de laisser un peu la tension entre lui et moi retomber.

Pourquoi l'amour ne semble pas rester quand on se parle ainsi ?

J'approche du mémorial, et pour la première fois depuis de nombreux mois, une personne s'y est arrêtée.

Debout, droite comme un I, elle scrute les quelques bouquets de fleurs pas encore fanées.

Mon regard l'analyse de bas en haut pendant que je continue de marcher pour rentrer chez moi, mais lorsque je passe derrière elle...

Ce sentiment se montra. Ce frisson. Comme si un fantôme m'avait touché.

Plus je m'éloignais, moins la fraîcheur de l'atmosphère se faisait présente. Fraîcheur ? C'était à la fois un frisson particulièrement long et une chaleur apaisante dans la poitrine.

Cette personne je ne la connais pas, pourtant un lien, comme une corde venait d'apparaître. Je le voyais distinctement, ce cordage, joignant de ses deux bouts nos corps de femmes.

Comme une pression autour de la taille m'empêchait de continuer ma route.

Je rebroussai donc chemin, et me positionnai aux côtés de la femme. Le regard au plus bas, je remarquai une jambe quelque peu atypique. Une jambe de métal, voilà une chose qui surprend.

- « Vous trouvez ça comment ? » demande-t-elle sans décrocher son regard des bouquets.

Mon cœur se gèle. Mon corps tout entier l'imite. J'ai l'impression que mes bras s'ouvrent, que ma tête est assaillie par des milliers de rochers tous plus gros les uns que les autres.

Alice.

Elle est méconnaissable, j'apprends à la voir de nouveau à chacune de nos rencontres. Notre troisième me semble-t-il ? Une divinité veille sur nous. Cupidon ne vise que nous.

- « Ça doit sonner atrocement fort à l'aéroport. »

Un simple rire en guise de réponse. Elle n'a pas perdu son silence si bruyant.

- « Curieux de se revoir, de ne pas se prendre par la gorge. »

- « Tu aurais des raisons de le faire ma chère. »

- « Tout comme celles qui te sont propres. »

- « C'était idiot. »

- « Si seulement ce n'était que ça. »

- « Tu crois que c'est ça l'amour vache ? » demandé-je.

Et une nouvelle fois aucune réponse comportant des mots.

Alice.

- « J'ai refait ma vie. » lui lancé-je.

- « J'ai perdu la mienne. »

- « Je vais me marier. »

- « Je vais mourir. »

- « Je me suis perdue. »

- « Je sais où marcher. »

- « Je ne peux pas tourner la page. »

- « J'ai réécrit notre livre. »

- « Alors tu n'as pas tout jeté ? » M'exclamé-je, heureuse.

- « Je peux tout te raconter. J'ai tout vendu, et tout perdu, mais mon cœur me restait. Alors j'ai écrit sur lui. »

- « Je ne sais pas si je l'ai parce que c'est ta copie masculine, ou parce que j'avais perdu mon cœur à moi. »

- « Pourtant tu vas l'épouser, et je n'ai pas à empêcher ça. »

Alice.

La raison à l'état pure, parfois déraisonnable.

Le silence reste, le vent passe dans les fleurs et arrache quelques pétales.

- « Alors tu y étais. »

- « Qui pensait que j'y rechaperai ? »

Alice.

De retour dans ma vie, elle me rendra mon cœur. 

It was forever, would it ever be again ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant