Chapitre Quatre

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Il s'en fallut de peu pour que l'arrivée des convives ne se fit en mon absence. De fait, ma toilette pris plus de temps qu'escompté.

J'avais monté quatre à quatre l'escalier sinueux qui s'élevait depuis une des nombreuses portes dérobées de la grand-salle jusqu'au palier débouchant sur la porte d'entrée de ma chambre. A l'aune de toutes les autres dans la forteresse, elle consistait à une porte à double-battants en bois sombre et verni par le temps. A la faveur de la lueur des chandelles accrochées aux murs par des anneaux de fer, on y devinait, parfois, le tracé estompé de gravures qui, jadis, en devaient orner toute la surface ainsi que le racontait Père. Petite, il me racontait que nos ancêtres, des générations et des générations avant la mienne, y avaient gravé l'histoire de leur départ de l'île de Nùmenor à leur arrivée en Terre du Milieu avant qu'ils ne se voient anoblis de leur titres de Seigneurs du Morthond. Désormais, les dessins n'affleurer plus que par vestiges épars, vidés de la moindre signification.

J'entrai en trombe dans ma chambre. Le mobilier en était semblable à partout ailleurs à Morthond. Les meubles étaient de bois sombres, sans ciselures ni ornements et mon lit à baldaquin pareillement. Autour se resserraient des murs de moellons gris, décorés en tout et pour tout de tentures, elles-mêmes impuissantes à oblitérer les courants d'air dans le sillage desquels les bougies vacillaient. Les ombres ainsi jetées en épaississaient l'atmosphère.

Aussi immuable que le décor, Beleth m'attendait de pied ferme. De cinq ans mon aînée, ma demoiselle d'honneur se tenait en la personne d'une grande femme brune au corps charnu que je lui enviai beaucoup. Là où d'aucuns mais aussi d'aucunes auraient trouvé à redire, je trouvai tellement plus beau la générosité de sa chair, la rondeur de ses bras et jambes qui me paraissent vrais en comparaison des tailles atrophiées idolâtrées par la noblesse et le régime impitoyable nécessaire à son obtention.

Pour ma part, le passage à l'âge adulte avait déçu nombre de mes expectatives. La poitrine creuse, des hanches étroites peu marquées, le corps sec, les yeux sombres, les cheveux bruns lisses et ternes, le visage qui, a la rigueur, aurait pu passer pour quelconque si seulement le nez qui en pointait n'avait pas été crochu ...

- Si cela ne tenait que moi, il y a longtemps que je t'aurai traîner ici en te tirant par les oreilles, me prévint Beleth aussitôt que je passai le seuil de la porte. Il y a longtemps que l'on m'a annoncé l'arrivée des hôtes.

Je pouffai devant la parodie de référence qu'elle m'offrit.

A l'instar d'Aevar, Beleth consistaient en une figure essentielle de mon entourage. A mes yeux, elle était plus qu'une domestique à mon service. Elle avait été une amie d'enfance. Jusqu'à ce qu'elle devienne épouse puis mère. Je ne lui avais jamais dit, mais depuis qu'elle avait fondé un foyer, nos liens – à raison – s'étaient distendus au point où il arrivait que, parfois, nous ne savions même plus quoi nous dire, hormis des échanges brefs sur des banalités telles que le temps ou une rumeur qui circulait parmi la domesticité.

Et la nostalgie de notre complicité me pesait plus que je n'osais le reconnaître.

- Si cela ne tenait qu'à moi, répliquai-je, je serai venue plus tôt.

Elle haussa les sourcils.

- J'oubliai que ma dame avaient des obligations à remplir.

- Dis plutôt un Dragon à satisfaire, dis-je pour compléter ce qui était désormais devenu notre échange d'usage.

Je passai de prime abord une robe en laine grise, de meilleure facture que la précédente, à manches longues et resserrée à la taille par un bustier de cuir corseté lacé à l'avant ainsi que dans le dos, enfilé par-dessus. Ma respiration se suspendit à l'instant où Beleth, tirant sur les lacets dans mon dos, les baleines mordirent ma taille.

𝐄𝐩𝐢𝐩𝐡𝐚𝐧𝐲  ┈ ┈ ┈ ⋞ 〈 ⏣ 〉 ⋟ ┈ ┈ ┈ 𝐋𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant