Chapitre Huit

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Ses yeux s'ouvrirent sur le néant.

Boromir se redressa séant. Ainsi que de coutume, le cauchemar lui avait coupé le souffle. Avec une récurrence de deux à trois, quatre fois la semaine, il imprimait dans sa mémoire les images de désolants tableaux. Y figuraient toujours les mêmes scènes et les mêmes personnages : étreints par l'effusion de sang, les hauts remparts de Minas Tirith, se dressaient, solennels jusque dans l'acmé précédant leur chute. Car les gardiens s'en écroulaient, soldats passés au fil de l'épée. Le tourment s'inscrivait sur les traits familliers qu'adoptaient leurs visages ; il n'y avait pas un qu'il ne reconnût point. De son cadet Faramir à son roi Aragorn, en passant par d'aucuns qu'il connaissait comme étant des frères d'armes. Leurs cris surtout le poursuivaient sans répit d'un bout à l'autre de la journée.

Même après que l'ombre eût cessé de se fondre avec la ligne d'horizon, complètement évaporée de son expectative du futur de son peuple, que les jours s'augurèrent désormais par la pureté d'une aurore préservée, la peur de ce qui aurait pu advenir par sa faute le hantait, fantôme d'un avenir pourtant avorté. Et cela, quoique pût lui dire Aragorn, le rongeait. Il aurait du être heureux, puisque un nouvel âge d'or s'amorçait pour le Gondor. Un amalgame de culpabilité, de honte et du fait qu'il n'avait jusqu'à présent vécu qu'en des temps troublés, il ignorait ce qu'il devait faire pour à la fois se repentir et composer avec l'ère de paix qui s'inaugurait.

Aussi se dédiait-il corps et âme à ses devoirs d'Intendant et en refusait-il les prérogatives. Il avait choisi de s'amender en servant son pays ; diriger les travaux de reconstruction, participer aux réunions qui rassemblaient les hauts dignitaires du royaume, répondre aux doléances, mener les patrouilles le long des frontières ... Il s'épuisait mais conservait l'impression de ne pas faire assez.

Il se leva et se dirigea vers la croisée dont il ouvrit les volets. Seule une lumière chiche se faufila à l'intérieur de la pièce.

Un coup sourd porté contre le battant de la porte lui fit renoncer à la perspective de s'accouder pour se laisser subjuguer par le ballet des tourbillons de neige.

Il trouva son visiteur importun en la personne d'Eomer. Il sourcilla devant sa présence.

- Que me vaut ta présence, l'ami ? L'aube ne s'est pas encore levée, je crois.

- Nous sommes pourtant à une heure avancée de la mâtinée, lui répondit le roi du Rohan alors qu'il investissait la pièce. Seulement la tempête nous le cache.

- Quel temps !

- C'est pour cela que les invités se sont réunis dans la grand-salle ... Enfin, tous sauf toi.

Venant de son ami, le reproche s'apparentait davantage à une remarque taquine avec la visée de le faire émerger de sa solitude qu'à un réel sermon.

Face à cette prévenance, Boromir se sentait partagé. Il en était à la fois redevable mais aussi attristé que ces bonnes intentions s'adressât à un homme qui avait fauté comme lui.

- Alors raconte-moi ce que j'ai manqué !

Lorsque se présentait à lui ses pensées contradictoires, il favorisait toujours un masque d'affable bonhommie à l'inverse d'une expression affligée qui eût dévoilé la profondeur de son marasme.

Eomer se carra contre le dossier de l'unique chaise que disposait la chambre cependant que l'Intendant s'adossait contre le mur, face à lui.

- Je ne te mentirai pas : j'ai bien failli quitté la réception sitôt que j'eus terminé mon petit-déjeuner, notre hôte étant en pleine discussion avec des gens de sa connaissance après qu'il m'est dûment salué. Il est cependant advenu que sa fille est venu me voir et nous avons parler un moment avant que sa grand-mère ne vint l'aimablement prier de se soustraire à ma compagnie avant que je n'ai quelque comportement déplacé envers elle.

Boromir ne put réprimer un éclat de rire.

- J'ignorais que l'on put te soupçonner de cela ! Il s'agissait de Leithril, c'est ça ?

- En effet . Je l'ai trouvé charmante. Elle te cherchait.

Et à Eomer de hausser un sourcil de façon suggestive.

- Avec une attitude pareille, il ne m'étonne plus que tu ai alarmé la douairière !

- Je dis seulement que cela ne te ferait pas de mal de passer du temps avec autrui. Tu pense ton temps qu'à soit t'entraîner ou entraîner à l'épée les nouvelles recrues, soit à te charger de toutes sortes de tâches ; y compris celles qui ne te sont initialement pas de ta responsabilité. Tu es absent des festivités, et c'est à peine si tes parents et amis les plus proches peuvent t'apercevoir tant tu travailles. Tu te soucies du pays que tu gouverne en partie, je n'ai rien à redire là-dessus, néanmoins, il serait aussi bien que tu envisages d'autres priorités. Tu n'ignores pas que Aragorn à maintenu l'hérédité du titre d'Intendant ... Il serait peut-être d'envisager une union, un mariage ...

- J'ai compris ce que tu voulais me dire, Eomer, merci, soupira Boromir, fourrageant dans son ballot pour se saisir de vêtements propres. Je n'ai pourtant pas la moindre envie de m'investir dans la recherche d'une épouse, même si l'on songe à ce que cela serait bon pour moi. De plus, je ne vois pas en quoi mon célibat serait source de conflit : si ta sœur n'a pas pu nous rejoindre, il me semble bien que c'est parce que mon frère et elle attende un heureux événement.

- Et réfléchir à un projet matrimonial ?

- Une belle perte de temps !

Eomer se leva, et avant de quitter la pièce, tenta une dernière fois :

- Bien, je ne t'en demanderai pas tant. Essaie de croiser Leithril, cela devrait lui faire plaisir et ne point d'importuner trop ; j'ai bien vu la façon dont tu la regardais, hier au soir.

Et de refermer la porte derrière lui.


Salutations les belettes !!! 

J'espère que ce chapitre vous aura plu !!!

Bonne journée !!

𝐄𝐩𝐢𝐩𝐡𝐚𝐧𝐲  ┈ ┈ ┈ ⋞ 〈 ⏣ 〉 ⋟ ┈ ┈ ┈ 𝐋𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant