Chapitre Cinq - Première Partie

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Mon souffle se suspendit sitôt que mes yeux se posèrent sur lui.

De près, il m'impressionnait moitié plus encore qu'il ne m'avait déjà laissée bouche bée depuis l'autre côté de la croisée. D'aussi loin que remonte mes souvenirs, c'était la première fois que je m'estimais heureuse de porter mon voile ; je ne doutais pas que mon expression béate ne convenait guère à l'irréprochable retenue que l'on exigeait d'une fille de seigneur.

Toute mon attention dirigée sur son armure de plates filigranée de l'Arbre Blanc, ses cheveux ondulés, son intimidante stature, ses prunelles perdues entre la grisaille et l'azur, son nez saillant en harmonie avec sa figure seyante - soit tous ces détails qui m'avaient subjuguée dans leur contemplation quelques instants plus tôt – je manquais presque de ne pas plonger en une profonde révérence pour saluer le couple royal cependant qu'il se portait à notre rencontre.

 - Altesses, c'est un honneur que de vous recevoir en notre modeste domaine, l'alloua Morwenna

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- Altesses, c'est un honneur que de vous recevoir en notre modeste domaine, l'alloua Morwenna. Morthond ne peut se prétendre d'avoir reçu nombreux de vos prédécesseurs.

- Et ils en ont eut tort, répondit le roi Elessar.  Le temps en est certes rude, mais l'hospitalité de ses habitants le compense largement !

Le compliment était bien trouvé et tourné ; on eût dit qu'il tentait, par ses mots, de panser la sempiternelle entorse faite à l'orgueil de notre famille. A savoir demeurer en retrait, à l'aune des autres seigneuries de notre éminence, lors de mondanités. Morthond, selon les dires de père et grand-mère, avait toujours subi son isolement. De fait, le domaine s'avérait excentré d'abord par la considérable distance qui le séparait des principales grand-routes dont était sillonné le royaume, ensuite en raison du train de vie hérité de nos aïeux. De ce que m'enseignait Morwenna, en corrélation avec ce que j'en relevait au sein de mes romans d'amour – tous ou presque se déroulant entre les blancs remparts de Minas Tirith - nos mœurs différaient fortement de ceux des hauts lieux du Gondor, que l'on prétendait du plus extrême raffinement.

 Ainsi, pour d'évidentes complications logistiques et de notoriété, notre famille était reléguée dans l'ombre, et des siècles durant, n'avait rien accompli qui pusse contredire les préjugés.

D'où l'importance à ce que je fusse irréprochable de la tête aux pieds.

Cependant, malgré l'apparente affabilité et la volonté d'inclure notre famille du monarque, je refusais de me laisser attirée dans ses filets. Telle une enfant rancunière, je l'accusai de maux dont personne n'aurait ne serai-ce oser l'incriminer en son for intérieur.

Je lui en voulais de s'être arrogé l'affection de père et de mes frères, je lui amputais la déchirure de ma famille, l'écroulement de ce qui avait été mon petit monde, où, certes, je ne pouvais aller plus loin qu'à Val-de-Sourcenoire mais où j'étais entourée d'un entourage heureux et aimant. Lorsque nos malheurs prennent source parmi il est plus facile de reporter la faute à quelqu'un ou quelque chose de tangible, de préférence qui possède des épaules suffisamment larges pour supporter le poids de nos calomnies.

𝐄𝐩𝐢𝐩𝐡𝐚𝐧𝐲  ┈ ┈ ┈ ⋞ 〈 ⏣ 〉 ⋟ ┈ ┈ ┈ 𝐋𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant