7. Dans les airs

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Finissant son bonbon, Colombe se tourna vers leur accompagnatrice, pour lui tendre un morceau qu'elle avait préalablement découpé.

— C'est gentil, mais je te le laisse. Les bonbons c'est mauvais pour la magie.

L'humaine haussa les épaules et avala ce qui lui restait, heureuse que la sorcière l'ait refusé. La fillette finissait le sien également, toujours accrochée à la main de la rousse.

— Dis maman, on arrive quand ?

— Tu m'appelles encore une fois maman et je t'abandonne. Mon nom c'est Zade. On est bientôt arrivées.

L'enfant appuya son visage contre le corps de la sorcière, trop habituée à peu de délicatesse de la part des adultes pour y faire attention. Attendrie par la douceur de la fillette, la rousse caressa sa chevelure blonde, accueillie par un sourire. Puis, croisant le regard presque ému de Colombe qui les fixait des étoiles dans les yeux, la sorcière repoussa négligemment Aelia, qui s'empressa de témoigner son affection à son amie, dans les bras de laquelle elle finit.

Puis la route continua, Aelia reprenant place aux côtés de la sorcière. Colombe, quelques pas derrière, triturait le carnet de cuir que Lay lui avait confié en plus de la carte, qui étaient toujours en sa possession, tentant de l'ouvrir. En effet, il était scellé par ce qui semblait être un bouton, que Colombe ne parvenait pas à défaire. Au bout de quelques minutes d'acharnement, un petit cri de douleur sortit de sa bouche et le carnet tomba sur les pavés, suivi de la carte.

— Tout va bien ? s'enquit la sorcière en lâchant la main d'Aelia, inquiète.

— Ce truc m'a donné une décharge électrique !

— Oh, Lay a sûrement voulu le laisser loin des curieux, sourit la rousse en ramassant l'ouvrage à terre, négligeant toutefois la carte. Fait moi voir ça...

En un tour de main, le bouton céda entre les doigts fins de Zade.

— Waouh, c'est vraiment pratique la magie ! s'exclama Colombe en massant son doigt meurtri.

— Mais j'en n'ai pas utilisé...

Curieuse, l'humaine se pencha sur les feuilles pleines d'écritures fines, mais avant qu'elle n'eut pu distinguer un seul mot, la sorcière éloigna le carnet, le plaçant de sorte qu'elle seule puisse le lire.

— Hé !

La sorcière resta muette, le visage fermé, concentrée à lire les premières lignes. Après l'avoir feuilleté et lu attentivement quelques pages, elle secoua la tête en fronçant les sourcils et referma le bouton de cuir.

— Nan, tu liras pas ça Colombe. Allez on reprend le chemin.

Elle lâcha le carnet dans les mains de Colombe, qui le rattrapa, puis releva la tête pour trouver la fillette, restée silencieuse.

— Pourquoi je pourrais pas...

— Colombe, où est Aelia ?

Coupée par l'intonation inhabituellement inquiète de la rousse, le cœur de Colombe se resserra. En effet, l'enfant avait disparu et la panique monta chez les deux femmes.

— Aelia ? Aelia !

Remontant la rue, elles criaient son nom et interrogeaient les passants, en vain. Après quelques minutes de recherches, alors que l'humaine était encore activement en train de fouiller les rues, la sorcière s'assit au pied d'un mur, incapable de tenir sur ses pieds à l'idée de la colère de son ancien ami lorsqu'il apprendrait qu'en plus d'avoir perdu Zéas, elle avait également égaré sa fille. Désespérée et trop angoissée pour utiliser sa magie, elle reposa sa tête contre le mur, fixant le ciel en prenant de grandes inspirations. Alors qu'elle entamait sa dixième expiration, vidant son esprit de toute pensée parasite, ses sens lui revinrent. Bien que ses yeux étaient clos, elle voyait parfaitement son environnement en nuances de vert, et ses intuitions lui revinrent. À l'aide d'un peu de concentration, elle sonda son environnement, à la recherche de l'enfant. Ne la voyant pas, même dans la transparence des murs, elle analysa de son esprit son entourage, à la recherche de l'aura de l'enfant.

— Colombe, suis-moi ! s'écria-t-elle en se relevant.

Après avoir inconsciemment attrapé la main de cette dernière, Zade la guida dans des ruelles, les yeux toujours clos. Son objectif atteint, elle les ouvrit et observa le parc dans lequel elles se trouvaient, en couleur cette fois. Une foule de personnes s'y était amassée, immobiles, fixant à l'unisson le ciel. Suivant leur regard, les deux femmes y découvrirent Aelia, inconsciente, volant dans les airs.

— Colombe faut que t'y ailles.

— Moi ?

— Mais oui, ce matin t'as arrêté sa crise, tu te souviens pas ?

— Mais comment je vais arriver là-haut ?

— Ça, je m'en charge. Occupe-toi de la toucher, je fais le reste.

Avant qu'elle n'eut pu répliquer, Colombe se retrouva à quelques centimètres du sol, mue par une nuée verte qui provenait des paumes de la sorcière, particulièrement concentrée. Légèrement effrayée, elle se concentra toutefois sur sa mission : attraper l'enfant. Les bras tendus en sa direction, la tâche se révélait plus difficile qu'il n'y paraissait, car l'humaine ne contrôlait pas la direction qu'elle prenait et les mouvements d'Aelia devenaient de plus en plus imprévisibles.

Au sol, la foule se densifiait, submergeant la sorcière d'émotions, de mouvements et de pensées qu'elle percevait.

— J'aurais dû écouter Lay quand il me disait que mieux savoir contrôler ma magie serait utile un jour, regretta-t-elle en un soupir.

Grâce à un peu de concentration supplémentaire, la sorcière réussit à approcher Colombe de l'enfant, qui lui tomba dans les bras, revenant progressivement à elle. Déstabilisée par le poids additionnel qu'elle devait contrôler, Zade lâcha prise, et les deux amies se retrouvèrent en chute libre. La sorcière avait utilisé plus de magie qu'elle n'en avait l'habitude et se sentait épuisée, si bien qu'elle renonça à en user de nouveau. À la place, elle se plaça sous les deux amies qu'elle récupéra dans ses bras.

— Tout va bien ? demanda-t-elle en les reposant au sol.

Elle accueillit comme toute réponse les bras de la fillette autours de son cou, reconnaissante, les yeux curieux de la foule fixés sur elle et un signe du pouce de Colombe, devenue livide, encore bouleversée par sa chute.

Elles se réfugièrent dans une ruelle, loin des regards insistants de l'attroupement qui s'était créé.

— Zade ? l'appela l'enfant.

La sorcière lui fit un signe de la tête pour lui indiquer qu'elle pouvait parler.

— J'ai trouvé ce que ça fait une maman.

Un silence s'installa, avant que la sorcière n'osa demander :

— Et alors, ça fait quoi ?

— Ça protège son enfant.

Zade lui sourit tendrement et la prit dans ses bras, attrapant une Colombe émue au passage. Elles avancèrent dans la ruelle, profitant de leur dernier moment à trois avant d'être séparées pendant deux jours. Au bout du chemin, elles aperçurent une colline, surplombée d'une cabane en bois sommaire, reliée à une rue par un petit chemin de terre. Elles étaient arrivées.

En Attendant l'Éclipse de LunesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant