• Prologue •

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Ma jambe se met à trembler. Pas de stress, non. D'impatience et d'excitation. Le rapport se froisse entre ses mains, m'enlevant le sujet de ce rendez-vous des yeux. Ça fait cinq minutes qu'il n'a pas parlé. Son cigare se consume sur son porte-cigare, laissant les mégots tomber sur son bureau en verre.

Je me mets à regarder le quartier des affaires du haut de cette tour d'ivoire. Son bureau est assez bien situé pour qu'il ait une vue imprenable sur l'ensemble, mais aussi pour que personne ne puisse le remarquer.

Il commence à pleuvoir. Et au vu de l'intensité, je vais devoir reprogrammer ma mission de ce soir pour un prochain jour. Ce n'est pas aujourd'hui que Nika Sokolovsky se rendra à l'inauguration de la plaque funéraire de l'ancien président.

Je me reconcentre sur l'homme devant moi au moment où sa montre claque sur le bureau. Ses sourcils sont froncés et il discute sans parler avec la femme assise à sa gauche.

Je fais peut-être ma plus grosse erreur. Ou alors le plus gros coup de ma vie sur la plus grande mission qui sera également la plus dangereuse.

Non, dit-il sèchement, mettant fin au silence qui commençait à s'éterniser.

Je relève la tête du message que je viens de recevoir - l'inauguration est définitivement annulée et reportée - pas le moins du monde surprise par son refus. L'ambiance tendue devient électrique. Les deux gardes situés au niveau de la porte se mettent en position offensive.

Et pourquoi ça? Je pense que je mérite que mon salaire soit augmenté. L'organisation a de plus en plus de pouvoir. De plus en plus de territoires. Donc de plus en plus d'hommes. Vous avez remarqué aussi bien que moi qu'elle a réussi à avoir le port d'Helsinki alors qu'il était en votre possession.

Les deux gardes présents dans le bureau ne perdent pas de temps avant de me prendre en joue. Décidément, ils n'aiment pas qu'on puisse tenir tête à leur chef et qu'on lui rappelle ses défaites devant lui. Pourtant, ça ne me rapporte pas une once de peur. Ils ne vont pas tirer sans son accord.

Je ne vois pas en quelle raison je devrais augmenter ton salaire. Treize millions c'est bien assez en sachant qu'il a été surévalué, argumente-t-il.

Parce que je n'ai rien à perdre contrairement à vous, je réplique. Je n'ai rien signé pour l'instant, je ne vous ai donné aucun véritable accord. Je peux me retirer et vous vous retrouverez comme un con avec vos treize millions et un concurrent qui s'approprie vos points de ventes comme des petits pains sans une once de remords.

Il passe sa main dans ses cheveux poivre et sel et cela me provoque un sourire: il déteste ne pas avoir le contrôle d'une négociation, comme tout homme qui se respecte, surtout devant une femme. D'un geste de la main, il indique aux trois personnes qui nous entourent de sortir du bureau. Sans nous lâcher du regard, il reprend enfin son cigare qui a diminué de moitié avant de le mettre entre ses lèvres.

Il m'envoie un léger nuage de fumée et un sourire narquois me vient devant sa tentative d'intimidation. Ce n'est pas le premier à tenter de prendre l'ascendant sur moi. Et ça commence plus à me faire rire qu'autre chose puisque ce n'est pas moi qui ai besoin de lui.

Son réseau est en danger et il le sait. Tout le monde le sait.

Personnellement, j'ai des contrats qui s'accumulent sur le coin de mon bureau qui, en tout et pour tout, valent deux fois plus que cette mission. Je peux largement me passer de ses millions, mais c'est un défi inédit que je dois relever, c'est la raison pour laquelle je reste.

Helsinki ne m'apportait aucun bénéfice, finit-il par dire. Si cette organisation le veut, elle peut l'avoir. Mais c'est un gouffre financier qui va leur nuire...

Je me rapproche de lui, posant mes avant-bras sur le bureau. L'arme à feu accrochée à mon holster d'épaule me gêne légèrement. Je le détaille minutieusement avant de tendre le bras pour attraper le rapport et le paquet de cigarette posé à côté.

Pourtant, je commence en ouvrant le rapport, le trafic a l'air d'avoir augmenté ces dernières semaines. C'est maintenant plus d'une dizaine de cargaisons qui sont envoyées durant un mois alors que vous n'en envoyez que six quand vous le possédiez encore.

J'allume ma cigarette en lui lançant le rapport ouvert. Une panique traverse son regard - il ne l'a pas lu en entier, prétentieux comme il est.

Soyez heureux que je ne vous demande pas plus de vingt millions, rigolé-je en m'appuyant sur le dossier du fauteuil.

Il comprend que, même de par sa position hiérarchique, il est loin d'être en position de force. Il regarde par-dessus mon épaule et mon sourire ne s'apetisse pas - au contraire. Je sais qu'elle n'est pas sortie et qu'elle a entendu tout ce qu'il s'est dit. Je sens sa présence depuis le départ. Ils engagent une nouvelle fois une conversation silencieuse tandis que j'envoie un message à celui qui devait m'accompagner ce soir.

D'accord pour les dix-sept.

Je souffle de soulagement discrètement en rangeant mon téléphone. Je le remercie, lui informant que son contrat avec le nouveau montant sera sur son bureau demain matin, avant de me diriger vers la sortie doucement.

Mes talons résonnent fortement dans l'office. Les gardes sont réapparus avec leurs armes rangées. J'ai réussi à faire plier le parrain de la Bratva pour autant, je sais que ça vient avec un prix, j'attends juste de savoir lequel avant de sortir de cet endroit où je ne remettrai jamais les pieds.

Cependant ta mission est légèrement modifiée, déclare-t-il.

J'ai hâte de savoir comment...

Killing SpreeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant