𝗹𝗮 𝗳𝘂𝗴𝘂𝗲

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À ses 14 ans, Bryce avait été déplacé en famille d'accueil. Il s'agissait d'un couple charmant, très rocky sur les bords, accompagné de 3 enfants déjà. Ce nouvel environnement fut compliqué à appréhender au début, mais au final, Bryce termina par s'y plaire : il avait enfin trouvé un foyer stable, après tant de temps à errer entre famille et famille, sans jamais se sentir à l'aise.

La première année, le garçon avait su garder contact avec ses amis de l'école du soleil. Ils se voyaient encore très souvent même, ou du moins, jusqu'au soudain déménagement de sa famille à Kyoto, le printemps suivant.

À ce moment-là, Bryce avait décidé de tout mettre derrière lui. Tout, absolument tout : les premières semaines, son portable affluaient encore de notifications de ses amis de toujours, pour qu'au final, au bout de quelques mois, elles s'atténuèrent de plus en plus jusqu'à ne plus rien recevoir du tout.

Bryce se détestait pour cela, mais c'était un grand soulagement pour lui. Le plus grand qu'il n'eut jamais connu à cette période de sa vie.

C'était sûrement un autre coup de dégonflé de sa part, c'était sûrement ça ouais parce qu'au fond, Bryce n'avait jamais été courageux - il mimait l'être, mais il savait pertinemment qu'il ne restait qu'un lâche qui avait trop honte de qui il était, ou du moins, de qui il avait été autrefois.

Ce n'était pas contre les enfants de l'école du soleil, ce n'était pas contre Jordan, Xavier ou peu importait le nom, au final. Ce n'était pas eux dont il souhaitait s'échapper, ni oublier, tout cela, il ne l'avait jamais voulu. C'était simplement la personne qu'il était avant qui le dégoûtait, et qu'il voulait à tout prix effacer : l'adolescent minable sans parents, toujours à l'affût de la validation des autres, socialement dépendant et coincé dans sa propre peur... c'était pathétique. Il avait été pathétique.

Sauf que toutes ces personnes, toutes celles qui venaient de l'école du soleil lui rappelaient beaucoup trop qui il avait été. À chaque fois qu'il recevait un message de leur part, qu'il voyait leur visage, l'image de son ancien-soi le hantait de nouveau. Sans qu'il fut capable de la contrer.

Bryce voulait oublier, Bryce voulait oublier tout ce qu'il avait été, tout ce qu'il avait vécu, et justement ! Ce déménagement avait été l'opportunité parfaite. Cétait une chance de se construire une toute nouvelle vie, un tout nouveau "soi".

Parce qu'ils disaient tous et toutes "sois toi-même" mais que devait-il faire, si il n'aimait pas son vrai soi-même ?

Mais...

Putain, Bryce ?

Bryce avait tout fait pour oublier. Il avait tout abandonné, s'était efforcé tant bien que mal de se fabriquer une nouvelle identité, un nouvel entourage, une nouvelle histoire. Il avait travaillé tellement dur pour cela pendant 5 années, sans jamais s'arrêter.

Et pourtant, quand il l'avait aperçu cette nuit-là, sur le toit, c'était comme si tous ses efforts avaient écrasés en vain. Comme si son nouveau lui s'était complètement volatilisé, sans aucune trace, pour redevenir le grand enfant qu'il était autrefois.

C'était rageant.

Claude Beacons était rageant.

— Mais qu'est-ce que tu fous là ? À Tokyo ? Enfin, chez Jordan je veux dire ?

— C'est...

Ils tentaient chacun de lire au travers l'autre, sans pourtant y comprendre quelque chose : leurs pupilles se s'attachaient entre elles, tout comme il en avait demeuré auparavant, une sorte de réflexe non oublié, jamais effacé.

𝐋𝐔𝐌𝐈𝐄𝐑𝐄𝐒 𝐏𝐋𝐀𝐒𝐓𝐈𝐐𝐔𝐄𝐒 || nagusuzuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant