Chapitre 1 - Désobéissance

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« Qui a fait ça ? Je vous ordonne de répondre ! »

Les deux garçons gardaient tête baissée, se lançant de brefs coups d'œil en biais. Ni l'un ni l'autre ne pipait mot face aux adultes qui les entouraient, la mine accusatrice, les bras croisés. Les paidagogoi avaient sollicité l'aide de leurs maîtres respectifs pour appuyer l'enquête et la sanction du crime. Et ils étaient là, tous les deux.

Ce n'était pas Chrysos et son expression réprobatrice qui dissimulait mal un amusement certain qui l'inquiétaient, mais - et Aiolos risqua un regard furtif vers l'homme immense dont la taille démesurée les écrasait - plutôt Bias et son regard acéré étréci de rage. Visiblement le maître de Saga fulminait. Et Aiolos avait déjà l'habitude triste des traces de coups qui témoignaient de la pédagogie particulière du chevalier du Burin et des conséquences sur Saga. Son ami ne se plaignait jamais et faisait ce qu'il pouvait pour dissimuler les bleus. Mais lorsqu'ils s'entraînaient ou se rendaient ensemble aux douches, il ne pouvait se soustraire aux yeux d'Aiolos. Des marques bleues ou violacées, il y en avait toujours. Il y en avait beaucoup. Et il y en aurait sans doute de nouvelles, demain...

Les yeux d'Aiolos se durcirent et il frappa du pied en se mordant la lèvre inférieure. Ça faisait mal, là, à l'intérieur de sa poitrine. Il n'aimait pas cette douleur, lancinante et vive, qui le fouaillait à chaque fois qu'il pensait à Saga sous l'autorité brutale de Bias. Il voulait que cette douleur s'arrête ! Les yeux de jade se relevèrent, rencontrèrent le regard d'aigle plein de fureur. Oui, il voulait que cela s'arrête, même si cela voulait dire prendre des risques et la souffrance sur lui.

« C'est moi ! C'est moi qui l'ai fait. Saga n'a rien fait. Il m'a juste surpris.

- J'en étais sûr ! Ton apprenti est une mauvaise graine, Chrysos ! Je le sais depuis le début ! Mais ton éducation permissive et laxiste n'aide pas non plus...

- Mêle-toi de tes affaires, Bias, veux-tu ? Tu n'as rien à dire sur l'éducation que je donne à Aiolos et Aiolia, Athéna soit louée ! Mais si tu continues à te pencher sur mes méthodes d'enseignement, je peux aussi faire de même sur les tiennes... »

Le ton menaçant de Chrysos et la main douce qui effleura légèrement le front de Saga marqué d'un hématome récent semblèrent réduire le chevalier du Burin au silence.

« Puisque c'est ainsi, c'est ton affaire, Chrysos ! A toi de te débrouiller avec ton apprenti et les paidagogoi ! J'exige une sanction exemplaire ! Saga ! Amène-toi !

- Une minute, Bias. J'aimerais que ton apprenti me dise exactement ce qu'il a vu, si cela ne te dérange pas.

- Très bien. Renvoie-le moi quand tu n'en a plus besoin ! J'ai déjà perdu assez de temps avec cette histoire !»

D'un immense pas rageur, Bias disparut rapidement, au grand soulagement de Saga et d'Aiolos qui poussèrent un soupir de concert. Même les paidagogoi semblèrent se détendre. Aiolos regarda Saga et rencontra un regard d'océan complice et reconnaissant. Ils se sourirent et pouffèrent silencieusement. Mais soudain un raclement léger de gorge et un pied qui tapait en mesure sur le sol les rappelèrent à la situation et ils baissèrent à nouveau la tête d'un air contrit sous le regard de plus en plus goguenard de Chrysos. Celui-ci se racla la gorge et tenta de durcir sa voix et de la charger de sévérité.

« Aiolos ! Tu devrais avoir honte ! Puisque c'est ainsi, tu ne me laisses pas le choix ! Déjà, tu vas réparer ta faute, puis je t'administrerai la correction que tu mérites !

- Oui, maître.

- Saga, tu vas me raconter ce que tu as vu. Merci Paidagogoi, je me charge de la punition de ce... délinquant. »

Aiolos en était sûr, cette fois. Chrysos se retenait de rire. Sa voix avait une inflexion mouillée et réjouie, qu'il avait souvent quand il riait intérieurement sans le montrer en surface. Le chevalier de la Boussole raccompagna les Paidagogoi et referma la porte du réfectoire sur eux. Puis il se retourna vers les deux enfants et le « crime ».

Et il éclata de rire. Saga et Aiolos relevèrent la tête et sourirent de toutes leurs dents avant de rejoindre Chrysos dans son hilarité. Ils rirent longtemps et Chrysos n'était pas celui qui riait le moins. Puis s'essuyant les yeux, le chevalier de la Boussole reprit peu à peu son calme et tendant un chiffon à Saga avec un clin d'œil, lui dit :

« Allez mon garçon, au travail. Efface-moi ça. Quant à toi Aiolos, je te félicite pour ton courage. Tu as protégé ton camarade, même si ce qu'il a fait n'était pas très judicieux. N'est-ce pas, Saga ? Tu ne recommenceras pas ?

- Non, chevalier de la Boussole, je vous le promets. »

Ça, Saga pouvait le promettre sans crainte ! Décidément, Kanon ne perdait rien pour attendre !

« Ceci dit, je ne te savais pas un tel talent. Bravo, c'est très ressemblant. »

Oui, en effet, songea Saga, en contemplant le dessin au mur. Kanon avait toujours aimé dessiné... Et il avait le temps, le pauvre, du fond de son réduit... Mais il était doué, indéniablement. Le sourire du futur chevalier des Gémeaux s'élargit. Il savait que ce n'était pas bien, mais comment s'en empêcher ? Un gloussement s'éleva dans son dos et il se retourna pour voir Chrysos à nouveau pouffer de rire. Aiolos repartait lui aussi de plus belle. Saga revint à l'objet du délit et éclata de rire à son tour.

Sur le mur, tracé au feutre – mais où diable Kanon avait-il pu le trouver ?- un gigantesque Bias caricaturé, cul nu bien en évidence, était en train de chier, accompagné de ce slogan aux airs de vérité : « Bias du Burin est un trou du cul ! »

Entre deux éclats de rire, Saga se dit qu'il faudrait finalement féliciter son frère, après la remontrance de rigueur.

On reconnaissait vraiment très bien Bias dans ce dessin. Et tout le monde l'avait vu...


Iéranissia au quotidien - Saint SeiyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant