Chapitre 13 - Malédiction ou don ?

28 2 1
                                    

« Il est zarbi, celui-là. Vraiment.

- Plus que toi ou moi ? Tu es sûr ? »

Le rire cristallin d'Aphrodite s'éleva dans l'air vibrant du matin, à peine teinté de rose et d'or par l'aube naissante. Angelo secoua la tête avec un mince sourire et haussa les épaules d'un air résigné. Puis il détourna la tête avec une moue perplexe quand le jeune Suédois emboîta le pas de l'étrange apprenti, arrivé depuis peu au Sanctuaire. Après tout, si ça lui chantait, à Aphrodite, de faire connaissance... Lui, il n'était pas là pour se faire des amis, songea-t-il en rattrapant Saga et Aiolos qui commençaient à faire les groupes d'entraînement.

Aphrodite lança un rapide coup d'œil à la foule encadrant les deux chevaliers d'or fraîchement nommés et profita de l'attention d'Aiolos, centrée sur son petit frère, pour s'esquiver à la suite du garçon qui venait de disparaître derrière la colonnade de l'agora. Ni vu, ni connu ! Du moins, c'est ce qu'il pensait, trop occupé par sa filature, pour remarquer le sourire ironique d'yeux de jade suivant son évasion par dessus les têtes qui se pressaient autour.

« Toi aussi, tu l'as vu ?

- Et comment ! On a été comme eux, avant.

- Dit le vieux de quatorze ans ! Tu ne vas pas le chercher ?

- Non. Je pense que c'est une bonne chose pour Aphrodite, de s'attacher à quelqu'un et d'avoir enfin un ami.

- Hé, moi je suis son pote !

- Une bonne chose pour Aphrodite de s'attacher à quelqu'un d'autre, alors.

- Pauvre naze... Aie, aie !

- Tu disais, Deathmask ?

- Ah ah ah, je pense que c'est une bonne chose pour tous les deux, en fait.

- Oui, tu as raison, Saga. »

Aphrodite se coulait entre les colonnes pour ne pas perdre de vue l'apprenti, un peu plus grand que lui, qui marchait d'un bon pas. Il était intrigué. Le garçon était arrivé depuis deux semaines déjà et il n'avait parlé à personne, en aucune langue. Apparemment, d'après Saga, qui avait tenté de lui parler dans sa langue natale, il était Espagnol et s'appelait Shura. Mais voilà les seules informations dont disposait Aphrodite, et le futur chevalier d'Or des Poissons était dévoré de curiosité depuis.

Il brûlait d'envie d'engager la conversation avec le nouveau, mais ne savait pas comment s'y prendre. Aucune de ses tentatives n'avait abouti. Shura ne mordait à aucun hameçon, ne répondait à aucune sollicitation. Il ne regardait même pas les autres en face. Mais tous les matins, avant l'entraînement, il disparaissait une vingtaine de minutes avant de rejoindre les apprentis. Et Saga comme Aiolos fermaient les yeux.

Soudain, Aphrodite étouffa un léger cri et se jeta précipitamment derrière une colonne. Shura venait de s'arrêter et regardait autour de lui, sondant l'espace désert et silencieux de l'esplanade de terre et de pierre qui s'ouvrait sur le flanc de la colline pelée bordant l'agora. Une fois persuadé d'être seul, le garçon s'agenouilla à même le sol, en plein soleil levant et ne bougea plus.

Aphrodite tendit le cou, mais ne vit rien d'autre que la petite silhouette sombre, ployée comme une fleur fragile qui casse sous le poids de l'eau. Dépité, il attendit encore un instant et s'apprêtait à rebrousser chemin quand il l'entendit. Shura chantait. Ou parlait à voix basse. De là où il se trouvait, Aphrodite n'en était pas très sûr. Et dans cet environnement dur et minéral, qui répercutait les sons, même les plus ténus, avec gravité, l'instant prenait brusquement une solennité étrange.

Puis Shura se redressa et offrit son visage au soleil. Il avait les yeux clos et ses lèvres bougeaient imperceptiblement au gré des mots qu'il psalmodiait. Ce ne fut que lorsqu'il joignit les mains, qu'Aphrodite comprit.

Iéranissia au quotidien - Saint SeiyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant