122 nuits sans toi

Partie 2 - L'envoûtement

Le journal de Colline

Extrait n°2

Le 15 avril

Plus que tout au monde, j'ai besoin d'écrire. Écrire, écrire, écrire encore.

Plus qu'à raison.

J'agrippe ce stylo pour lutter contre le sommeil qui fait battre mes paupières avec lourdeur et qui ralentit mes doigts dans leur course, pour livrer à temps mes pensées. Pour me délivrer ?

Je faiblis. Mon mental entache ma positivité. Ce soir, je n'arrive pas à inspirer de grandes goulées de bonheur pour expirer de la quiétude.

Pourtant, aujourd'hui, tout s'est bien déroulé. Oui, tout va bien.

TOUT. VA. TRES. BIEN.

Je m'inquiète pour rien.

Mon amour, la date de ton retour se rapproche comme elle s'éloigne. Les jours s'amenuisent et ma patience s'étire. S'éternise. La date demeure incertaine. Encore une journée, une nuit sans toi. Le temps ralentit sa cadence et je ne ressens rien. Le manque est maintenant un vieil ami.

Ce soir, j'ai remplacé mon verre de vin par une tasse de thé, car je suis plus forte que cela, n'est-ce pas ?

Je m'efforce de dominer mes propres craintes. Je tâche de dompter mes faiblesses, sauvages et traitresses.

Je dois faire face à mon propre sacrifice, à ma peur de te perdre dans les bras d'une autre.

Tu me donnes déjà tellement... ou est-ce trop peu ?

Chaque jour, je pose les briques de mon propre bonheur, je m'évertue à le conquérir, encore et encore.

À le consolider.

À me solidifier.

Je sais que je suis celle que tu remplaceras difficilement.

Mais suis-je la plus faible des deux ? De nous deux.

J'écris et j'oublie.

J'oublie et j'écris.

Note à moi-même : respire. Hurle. Reprends-toi. Détends-toi. Ouvre les yeux. Ouvre-les encore. Vois les merveilles qui s'épanouissent autour de toi. Souffle un bon coup. Vis. Ne te retourne pas, ne regarde pas derrière toi. Oui, surtout vis et ne t'arrête pas.