Chapitre 2 : Hibou

22 3 12
                                    

𝑨𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒅'𝒉𝒖𝒊 𝒋𝒆 𝒄𝒉𝒐𝒊𝒔𝒊𝒔 𝒍𝒆 𝒎𝒐𝒕 : ℍ𝕚𝕓𝕠𝕦

Jᴀʀᴄᴏ Wᴇᴇᴋ : Dᴀʏ 2

Recroquevillés contre le sol, nos deux soldats sont en proie à la panique. Aucun des deux ne trouve la force de prendre les armes et de sortir affronter la menace. Comme deux enfants cachés dans le placard, ils se taisent dans un silence pesant.

PDV de Marco :

Après plusieurs minutes, Jean se relève et m'aide à me relever et à boiter vers la sortie de l'infirmerie. Arme en main, il ouvre la porte avec appréhension. En quelques instants, lui et moi comprenons enfin ce qui s'est produit et la nature de cette attaque. Le cadavre de Bertholt devant la porte en est bien la preuve. Tout le camp a été décimé, il ne reste que nous. Seuls au monde sur le champ de bataille. La trahison que notre commandant avait prévue était réelle.

En voyant les yeux grands ouverts de Bertholt et les éclats d'obus dans son estomac, d'où sortent des intestins et une quantité effrayante de sang, je me paralyse et me détourne pour vomir. Les larmes me viennent et ma gorge est remplie de sanglots plus douloureux les uns que les autres.

Jean se tourne vers moi, posant une main dans mon dos, voulant me réconforter. Je reste inconsolable et pleure sur la dépouille de ce cadavre, qui avait été un jour un fidèle camarade. Essayant de faire mon deuil, je ne remarque même pas que mon compagnon s'éloigne de moi pour observer les dégâts extérieurs, la structure est cassée et des fissures ornent tous les murs. Faisant des allers et retours entre les pièces restantes, il remplit un sac de fortune.

Je finis par me détourner de Bertholt et ferme ses paupières à jamais. J'espère qu'il n'a pas trop souffert et qu'il veillera sur moi depuis les cieux. J'essuie mes yeux d'un rapide coup de coude et me lève à la recherche de Jean.

Esquivant les cadavres et récupérant des munitions et tout ce qui pourrait être utilisable, je boite dans tout le camp, saignant abondamment de la jambe. Ce médecin avait définitivement fait semblant de me soigner. Récupérant des bandages dans le kit de soin de l'un des disparus, je me fais un garrot, estimant que je n'ai pas besoin de plus pour supporter la douleur.

Après mon inspection, je sors du camp en observant la bâtisse presque détruite et sur le point de s'effondrer. Ne voyant pas Jean arriver, je m'inquiète et crie son nom. Où est-il passé ? Lui serait-il arrivé quelque chose ? Alors que je commence à m'imaginer le pire, le brun pointe le bout de son nez en direction de la porte d'entrée. Je me dirige vers lui, soupirant et de nouveau rassuré.

Cependant, mon soulagement ne dure pas longtemps, le mur au-dessus de Jean s'effondre sur lui. J'ai à peine le temps de le tirer en arrière que le plafond s'écrase sur le sol. À une fraction de seconde près, Jean finissait écrasé sous les décombres. Reprenant notre respiration, je lance des regards inquiets à Jean, une sueur froide perle sur son front.

Après plusieurs minutes, nous prenons la direction opposée au camp dans un silence pesant. Je finis par lancer la conversation.

- Que faisons-nous maintenant ?

Jean me lance un regard fuyant.

- On va s'en sortir. Il nous suffit de trouver un autre camp ou bien la frontière du pays. La clé, c'est de toujours se diriger vers le nord.

Légèrement perplexe, je rétorque.

- Je ne sais pas si nous aurons assez de vivres pour un trajet aussi incertain...

Il fronce les sourcils.

- On est humains, il est possible de chasser, de cueillir des fruits... Faire un feu ?

Je détourne le regard, toujours peu convaincu.

- Admettons oui, dans une forêt on peut survivre. Mais là, on est au milieu de nulle part sur un terrain miné...

Jean soupire.

- C'est pratiquement la même chose.

Je lui lance un regard qui en dit long sur mon avis. Cependant, il ne s'en formalise pas et le silence retombe. Pas de carte, peu de munitions, quelques vivres et une boussole. Nos chances de survie sont minces. De plus, ma cheville nous ralentit dans notre ascension. La situation ne pourrait pas être pire.

Après plusieurs heures de marche, Jean et moi avons décidé de faire une pause afin de dormir, ne serait-ce qu'une petite heure. Presque allongé par terre, je reste blotti contre mon compagnon de route. Il semble affaibli et découragé comparé à tout à l'heure.

Cherchant le sommeil, je ne peux m'empêcher d'entendre le moindre son à l'extérieur. Le hululement d'un hibou m'empêche de dormir convenablement. Une idée farfelue me vient à l'esprit, bien qu'elle ne soit pas très éthique. Je me relève délicatement afin de ne pas réveiller Jean.

Je saisis mon arme avec lenteur, suivant les traces laissées par l'enfer de ma nuit. Après beaucoup de patience, me voilà face à ma proie, prêt à dégainer mon pistolet. Utilisant habilement le viseur, ma cible finit par rentrer dans mon champ d'action, mon doigt presse la gâchette sans hésitation.

La chouette pousse un dernier cri d'agonie alors que la balle met fin à son concert. Je m'approche de la bête avec un peu de culpabilité et la ramène à notre camp de fortune. Jean dort toujours profondément malgré le vacarme que j'ai dû faire. Mettant la bestiole dans un récipient, je m'acquitte de ma tâche et retire ses plumes une à une, cherchant ce qui est mangeable ou non.

Mon compagnon est réveillé par la douce odeur du "poulet" et m'enlace par derrière, se demandant sûrement comment une telle prouesse est possible. Cependant, à la vue de ma marmite et des plumes sur le côté de mon plan de travail improvisé sur une grosse roche, il recule légèrement.

- Marco... Ne me dis pas que tu as tué un hibou ?

Je soupire, prêt à entendre ses sermons.

- Oui, pour notre survie Jean... C'est comme du poulet, il n'y a aucune différence.

Jean fronce les sourcils.

- Aucune différence ? C'est un être vivant que tu as traqué ! C'est inconcevable pour moi. Je préférerais mourir de faim.

Je lève les yeux au ciel.

- Il faisait un bruit insupportable, et je te rappelle que tu n'as jamais été végétarien...

Il détourne la tête, ne voulant pas me répondre.

- Fais la tête si ça te chante, en tout cas c'est drôlement bon.

Jean s'éloigne de moi et commence à ranger ses affaires avant notre départ. Je termine de manger, pas mécontent de ce repas improvisé. Rangeant à sa suite mes affaires, je jette un œil à ma jambe qui a une drôle de couleur. J'essaie de me convaincre que ce n'est qu'une égratignure.

Nous reprenons la route, ne croisant aucun reste de civilisation. Ce silence est oppressant, cette impression d'être seul au monde est vraiment très désagréable. Les heures ont passé et nous avons aperçu la frontière. Fou de joie, Jean et moi avons couru en direction du panneau tant convoité, mais le bruit d'une explosion s'est fait entendre.

Au beau milieu d'un affrontement, nous sommes pris au dépourvu et tentons de rester à couvert. Avec le peu de temps de réflexion dont je disposais, je n'ai pas eu l'occasion de créer un plan d'attaque. Quelques minutes plus tard, une massue s'est abattue sur ma nuque. L'ennemi venait de nous assommer. Moi qui pensais que la situation ne pouvait pas être pire.

L'ennemi est-il aussi féroce que les rumeurs le prétendent ?

_________________________________

ℍ𝕚𝕓𝕠𝕦

1245 mots !

Jᴀʀᴄᴏ Wᴇᴇᴋ : Dᴀʏ 2

Nuage Passager (Jarcoweek2023)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant