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TOBIAS REMINGTON

Il est peut-être deux heures du matin lorsque nous quittons l'hôpital. Mon père n'a pas voulu m'accompagner aux urgences pour recoudre mon arcade sourcilière, et j'en ressors bien moins angoissé que je ne l'aurais été avec lui. Je sais que Georgia menace d'exploser à tout moment, parce qu'avec la grossesse, je ne suis pas sûr qu'elle maîtrise ses émotions actuellement. Et je ne lui facilite pas la tâche.

— Merci d'être venue avec moi, et désolé pour...commencé-je, légèrement angoissé.

Elle inspire profondément, profitant de l'air frais de la nuit. Son corps s'affaisse sur le banc face au parking de l'institut privé.

— Ne me remercie pas de jouer mon rôle de belle-mère.

— Quand même. Je sais que je ne suis pas facile à vivre, alors excuse-moi.

Elle lève son regard fatigué vers mon visage à peine illuminé par la lumière des étoiles. Un pincement au cœur éveille mes regrets. Savoir que je l'entraîne dans des histoires par simple fierté me tord l'estomac. Je n'ai aucune explication pour mon comportement précédent. Prendre cette barre en métal m'avait paru un geste futile sur le moment. Après réflexion, je suis heureux que Karter ait eu le réflexe de dévier son corps avant que je ne lui défigure le visage.

— Ce n'est pas à moi que tu dois des excuses, dit-elle brusquement, sérieuse. Tu sais, ton père est fatigué. Tu devrais le ménager un peu.

Sur le coup, je ne dis rien. Peut-être que je me sens idiot. Idiot d'avoir cru que Georgia prendrait constamment ma défense. Mon silence l'incite à poursuivre sa plaidoirie :

— Il s'inquiète pour ton avenir.

— Ah bon ? On ne dirait pas.

— Il ne sait juste pas comment le montrer, mais je te promets que c'est vrai, le défend-elle avec trop de conviction.

Je glousse dans mon coin, surpris par sa naïveté. Si elle savait ne serait-ce que le quart de ce que cet homme, qui se prétend être mon père, a fait, je crois qu'elle se giflerait de honte.

— Je ne lui ai jamais demandé d'aide, alors je n'ai pas à me sentir coupable de le fatiguer.

— C'est ton père, bon sang !

— Je suis son fils ! Le seul !

Un silence pesant s'installe entre nous. Une forte tension émane du banc.

— Écoute, il essaie de faire de son mieux. Tu as peut-être perdu ta mère, mais lui a aussi perdu sa femme alors...

— Alors quoi ? — répété-je, les yeux plissés. Je devrais faire preuve de plus d'empathie ? Jusqu'à preuve du contraire, lui, il a trouvé une autre femme. Moi, je ne pourrai jamais trouver une autre mère.

Mes paroles brisent son regard qui devient brusquement sombre.

— Je suis là, moi.

— Ouais, c'est bien ce que je disais : je n'aurai jamais une autre mère.

Le vent agite les branches de l'arbre qui s'élève au-dessus de nous, couvrant une partie de l'hôpital. Le bruit masque la respiration de Georgia, qui reste assise, blessée. Un froid m'envahit en croisant son regard vide. L'absurdité de la scène est que je me sens déjà mal d'avoir craché ces mots avec autant de neutralité. Je sors les clés de ma voiture de la poche de ma veste et les dépose sur ses cuisses avant de dire :

— Rentre à la maison, papa doit s'inquiéter. Je dormirai chez Owen ce soir.

Sans attendre sa réponse, je fais demi-tour, les poings serrés dans mes poches, en direction de chez mon meilleur ami.

𝐈 𝐟𝐞𝐥𝐥 𝐢𝐧 𝐥𝐨𝐯𝐞 𝐰𝐢𝐭𝐡 𝐦𝐲 𝐞𝐧𝐞𝐦𝐲Où les histoires vivent. Découvrez maintenant