Chap 2 : Camp Evelya

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Ses pas résonnaient dans les couloirs froids de la caserne. Elle avançait à un rythme soutenu, sans un regard en arrière, ne prêtant guère attention à la nouvelle recrue. Marchant silencieusement, elle lui désignait d'un mouvement de tête les différentes salles, expliquant leur fonction par des phrases très brèves. Après lui avoir montré le réfectoire, la salle d'armement, la salle intérieure d'entrainement et les dortoirs mixtes, elle se dirigea vers une porte double se trouvant dans le hall principal. Elle posa ses mains sur chacune des portes et les poussa dans un même mouvement simultané, offrant à la pièce une importante quantité de lumière naturelle. L'intensité des premiers rayons du soleil matinaux l'éblouit et par habitude, elle porta son avant-bras devant son visage, le temps que ses yeux s'habituent de nouveau à la luminosité.

Les extérieurs du régiment se dessinèrent devant eux. Elle s'avança dans les chemins de cailloux, appréciant écouter le bruit de leurs rangers grattouiller le sol. C'était signe, pour elle, qu'elle était en sécurité.

Charlie l'amena vers ce qu'ils nommaient « le terrain de jeu ».


- T'as intérêt à te familiariser rapidement avec cet endroit si tu ne veux pas finir dans les derniers et subir les punitions plus qu'imaginatives de Reyes, dit-elle en lui jetant un rapide coup d'œil pour observer sa réaction.


L'homme resta stoïque, comme depuis le début de la visite. Son visage était impassible, dénué de toute émotion. Si cela pouvait en impressionner certain, la jeune gardienne savait que ce n'était qu'une façade et que le marbre finirait par se fissurer. Restait à savoir quand et comment.

Elle le guida vers un chemin en pente, les menant sur une légère colline. Cette dernière était surplombée d'une tour de contrôle où se relayaient les gardiens. Elle l'invita à monter les escaliers à sa suite.

Elle siffla en posant les pieds sur le seuil de la plateforme. Le soldat de garde, surprit et sur le qui-vive, se retourna vivement dans un geste brusque, sortit son arme et la pointa sur elle. Sans difficulté, en l'espace de quelques mouvements à peine, Charlie désarma son adversaire.


- Miller, t'abuse, c'est du niveau débutant-là.

- C'est parce que j'adore voir ton sourire quand tu gagnes ma belle, répondit le soldat, un sourire en coin.


La rousse leva les yeux au ciel et tapota l'épaule du gardien, murmurant dans son oreille les mêmes mots depuis des années : « Dans tes rêves ». Elle fit volte-face et désigna celui qui faisait office de son ombre depuis quelques minutes.


- Je te présente notre nouvelle recrue, une véritable tombe. Tu lui laisses combien de temps avant de craquer ? Je te paris qu'il ne tiendra pas deux semaines.

- Oh, t'es dure. Je lui en accorde trois.


Ils se mirent à rire.


- Jack Miller, tu es ?

- Aiden Porter.


Charlie entendit le son de sa voix pour la première fois. Elle fut étonnée de noter les tonalités graves qui sortaient de ses lèvres, contrastant avec le gabarit qu'il affichait. Jack nota le sourcil arqué de sa camarade et s'en amusa. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle devait passer sous scanner chaque détail de l'homme qu'elle guidait dans ses premiers pas. Elle observait tous les éléments avec finesse, les analysait avec justesse et s'en servait pour anticiper n'importe quel geste ou parole. De tous ses camarades, la jeune Stone était celle qu'il craignait probablement le plus.


- Les relais s'effectuent toutes les huit heures. Sur la dernière, un autre gardien vient te soutenir, prendre les informations utiles et assurer ton relai. La mission est simple, il suffit de surveiller l'activité sur l'ensemble du camp et au-delà des murs. Et crois-moi, les murs ont beau être hauts, ils ne le sont pas pour ces abjections.


La voix de Jack cracha le dégoût qu'il éprouvait pour ces créatures difformes. Ses deux interlocuteurs frissonnèrent à l'unisson, l'un par appréhension, l'autre face aux souvenirs horrifiants qui hantaient ses nuits. Qu'importe l'histoire et l'origine de chaque habitant du camp, tous avaient une peur profonde de ce que les dirigeants nommaient les « floraes ». Et si le camp avait été construit pour protéger et prospérer l'espèce humaine, ce dernier avait montré des failles trois ans auparavant, face à une attaque impromptue de ces bêtes.

Charlie secoua la tête pour chasser les images horrifiantes qui envahissaient à présent son esprit. Elle désigna du doigt les limites du régiment.


- Tant que tu n'as pas fini ta formation, tu n'auras pas accès aux quartiers civils. Il te faudra encore plusieurs années d'expériences pour pouvoir partir en expédition à l'extérieur du camp.

- Vous y avez déjà été ?


Les deux gardiens échangèrent un regard.


- Tu ferais mieux de ranger tes ambitions dans un coin bien secret de ta tête, mon grand. Tiens déjà jusqu'au terme de ta formation et on reparlera de tout ça plus tard. Ah et, reprit le gardien, essaye de supporter Charlie plus de 24h. Jusqu'ici, je crois que c'est Peter qui détient le record. 10h, tu ne te rends pas compte de l'exploit, toi.


La concernée fusilla du regard son camarade, leva son majeur dans sa direction et reprit la direction des escaliers. Elle s'arrêta à mi-chemin, là où l'on pouvait encore avoir une vue dégagée du site dans lequel ils vivaient tous depuis la création du camp.


- Le dernier bâtiment à connaître : celui des hauts-gradés. Si un jour tu y mets les pieds, c'est que ça sent mauvais pour toi. Ce n'est pas comme du côté civil où c'est un privilège de fouler le sol des beaux bâtiments du gouvernement. Ici, c'est l'endroit à sérieusement éviter si tu veux espérer faire carrière.


Elle haussa les épaules, l'air indifférente. Tout ceci n'était qu'une menace planant sur eux et permettant d'assurer le respect de chacune des règles régissant l'organisation du régiment - rappel que Reyes n'hésitait pas à faire à chaque écart.

Reprenant sa marche, elle scella ses lèvres, taisant qu'elle y était convoquée dans trois jours.


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