Chapitre 1 ✨

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Mon affreux réveil sonne, ce qui me donne instantanément envie de m'arracher la tête.

La journée commence bien.

Encore endormie, je manque je me péter une jambe en descendant ma mezzanine, me rappe l'arrière du talon. Mon cerveau observe, ça fait un mal de chien, ces conneries.

J'ouvre les yeux, me fait agresser par la lumière qui se reflète sur les trois miroirs de ma chambre. Et oui : quand on est magnifique comme moi, il faut savoir en profiter.

J'attrape un pantalon rose et un pull blanc dans mon armoire que ma mère nomme pompeusement dressing, je me traine jusqu'à la salle de bain, ayant l'impression d'avoir fait autant d'effort qu'une alpiste aurait fourni pour grimper l'Everest.

Je les aurai mérité, mes Chocapic. 

Il est 7 heures trente et j'ai déjà l'air au bout de ma vie. Je fais péter pinceaux et palettes, et tant pis si on dirait qu'un arc-en-ciel à élu domicile sur ma superbe gueule.

Une demi-heure, un bol de céréales et un chocolat chaud plus tard, je passe les grilles du lycée. Je ne sais pas qui a eu l'incroyable idée de tout repeindre en gris, mais c'était un éclair de génie dont l'esthétique du bâtiment se serait bien passé.

L'avantage, c'est que le gris me fait rayonner, par contraste. Je ne comprends pas comment les gens peuvent oser s'habiller en teintes ternes, je n'appelle même pas ça des couleurs, juste du remplissage. 

Tu vois, quand tu étais en maternelle et que tu croyais que le noir et le blanc étaient des couleurs ? Et bien on dirait que même les personnes de mon âge, n'ayant pas encore atteint ma maturité époustouflante, n'ont pas encore eu le déclic. Désolée, chérie, mais le gris n'est pas une couleur.

Bref.

Je vois passer deux bougres de ma classe, écouteurs, airs renfrognés et deux têtes de plus que moi. Le destin m'a voulu petite, c'est parce qu'il désirait aussi que je vive longtemps. Tu ne connais pas la phrase les plus petits vivent plus vieux ? Affligeant.

Je devrai faire une réforme contre la connerie. Si on met une photo de moi sur le trac du référendum, tout le monde devrait être de mon côté.

- Darling !

Une voix stridente résonne dans l'allée, des talons claquent, des cheveux volent.

Sophie : ma meilleure amie officielle. Avec elle, c'est câlins, commérages et mascara. La base d'une relation solide. Vous êtes en train de vous dire que je dresse un portrait bien cliché des amitiés entre filles, mais 1/ c'est comme ça, j'y peux rien, 2/ je suis sûre que les mecs le font aussi. 

J'adore quand vous vous maquillez, mes chéris.

Sur son passage, les gens se retournent, mais elle s'en fout. Ses multiples bracelets brillent.

Elle m'embrasse sur le bout du nez pour me dire bonjour, je lui rend la pareille en me mettant sur la pointe des pieds. Elle, c'est une lionne. Une panthère. Elle a la démarche assurée des top model, plus langoureuse, et les créoles et le rouge à lèvres qui vont avec ses décolletés noirs. Elle épouse sa cellulite dans des slims sombres. Elle est magnifique. Pas autant que moi, bien sûr, mais elle fait son petit effet.

Coup de chance, on est dans la même classe. Je sais que vous êtes en train de vous étonner, d'habitude dans les histoires les meilleures amies elles sont toujours séparées d'abord, et puis c'est pas comme ça que vous devriez vous dire bonjour et gna gna gna je suis tout perdu parce que j'ai pas l'habitude ...

Je vous souhaite une bonne journée, connards.

Est-ce que je m'emporte ? Peut-être. Mais, sweatheart, je n'oblige personne à lire ça. Tu peux dégager si tu es intolérant.

La journée se déroule normalement, et, trop rapidement, elle s'achève.

C'est-à-dire que je ne suis pas férue des cours, mais ce soir j'ai une "réunion de socialisation LGBT" et j'ai franchement pas l'envie d'y aller.

C'est ma mère : depuis que j'ai fais mon coming out, elle a lu des centaines d'articles sur les enfants et les adolescents qui traversent des situations affreuses à cause de leur "différence". Tu sais, c'est pas grave d'être différente ma puce... Et elle est persuadée que je suis harcelée au lycée, que je n'arrive pas à me faire d'ami, et comme elle n'aime pas Sophie, j'expliquerai plus tard pourquoi, elle pense que je passe du temps avec elle par dépit. Tu n'es pas obligée de rester avec Sophie si elle te fatigue, les amitié ce n'est pas du dépit, hein ? 

Du coup, elle m'envoie dans un groupe de parole réservé aux queers. 

Et j'ai la flemme. Sourire, raconter, écouter, c'est pas pour moi. 

Moi, ce qui me branche, là tout de suite, c'est de rentrer à ma maison pour écouter Lomepal en chantant des paroles en anglais qui n'auront rien à voir, ouvrir un paquet de bonbons et appeler Sophie pour deviser nos feeds Insta en se foutant des dernières publications de nos camardes et boire un milkshake à la crème en regardant mon plafond.

Me démaquiller, prendre un douche, un bain, faire câlin à Bobbie (mon véritable amour).

Bref : ne pas me retrouver enfermée avec des ados boutonneux et dépressifs dans un vieille salle qui sent le plastique et la Javel pour faire de nouvelles rencontres qui illumineront mon avenir de queer, comme l'arc-en-ciel de notre drapeau.

Rainbow heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant