Chapitre 4 🏏

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Sophie me laisse, elle s'éloigne en balançant ses hanches. Elle a beau être petite et ronde, elle est incrr, et je ne suis pas la seule à m'en rendre compte. Au vu des regards qu'on lui lance, j'ai bon gout en matière de meuf.

En plus aujourd'hui, elle porte un T-shirt orange qui dit ce n'est pas ma tenue le problème, mais ton regard et les mecs la regardent comme si elle avait une licorne perchée sur les épaules qui souhaitait un bon anniversaire à toutes les personnes qu'elle croisait et qu'elle ne l'avait pas vu.

Moi, j'ai ma veste rose, parce que le rose c'est la base, un débardeur arc-en-ciel et un pantalon bleu marine avec des talons compensés blanc, et je suis tellement belle gosse qu'on dirait que je vais à Cannes.

Dommage, j'ai sport dans trois heures et quarante secondes, et sécher n'est pas dans mes habitudes.

Je me dirige donc vers ma salle de français où ma prof m'attend, l'air rébarbatrice et les lèvres cimentées au labelo parfum naphtaline. Trois minutes de retard, vous rendez vous compte ? Avec un peu de chance, elle m'enverra chercher un mot d'excuse, et je pourrai louper encore un peu de son cours cadavérique (c'est-à-dire que quiconque entre dans sa salle devient instantanément un mort-vivant, assommé par les liens logiques, les propositions subordonnées relatives et les vers de Rimbeau).

Sauf qu'un mec aux cheveux bruns et à la peau rougie parce qu'il ne la soigne pas, sérieux, juste un  peu d'aloe vera et ton épiderme recouvrira une couleur acceptable (non, je ne suis pas sponsorisée, sinon il y aurait un petit icône qui te dirais inclut une communication commerciale) donc, ce mec à l'air de s'avancer vers moi dans l'optique de ma parler. Mon aura l'aurait-il capturé lui aussi ? Eh bah c'est pas de chance, Ducon, je suis pas pour toi.

- Esme, c'est toi ?

Il tient ses deux mains devant lui, langage corporel négatif. Je suis passée en mode Inspectrice, oui. La CIA voudra sûrement m'embaucher, malheureusement je vais demain soir à un cours de danse avec ma crush, ce ne sera donc pas dans mes possibilités.

- Oui, pourquoi ?

La femme d'affaire est présente, pas de panique. J'incurve la hanche, en général, les mecs sont déstabilisés en voyant une meuf à l'aise devant eux.

- Je euh tu es trop bonne, je peux avoir ton snap ?

Voilà. Le romantisme. Heureusement pour moi, ça fait longtemps que j'ai abandonné l'idée d'une sauveuse désinvolte et sérieuse, qui viendrait m'extirper au dernier moment des situations dangereuses dans lesquelles je me serais fourrée à cause de ma spontanéité. Quand à la glorieuse scène du baiser finale, avec les violons, les trompettes et tout le barda, je sais qu'il se fera dans une salle de cinéma aux mains moites avec du popcorn dans les cheveux, pas dans une lande dans laquelle des graminées se balanceraient doucement, devant notre maison que l'on aura construite à deux à la sueur de nos fronts.

Bref. Le gars.

- Sorry mon ange, mais 1/ tu es trop basique pour moi, 2/ je préfère les personnes qui ont leurs règles chaque mois. Bisous bisous.

Je me retourne, me dépêche de partir bien que je ne sois pas sûre de préférer ma prof à cet homme en devenir.

- SALOPE !

Ah, on dirait que j'ai touché son pauvre égo de mâle supérieur. Heureusement qu'ils ne sont pas tous comme ça.

Je lance un "Charmant !" qui, je l'espère, l'achève, et je cours en salle de français, histoire de me momifier un peu.

Évidement, ma prof est ravie de mon arrivée après mon absence lors du début de son magistral cours, elle m'offre des bonbons avec un sourire charmeur et elle me met un 20/20 à la dernière interro, et une appréciation de fou sur mon bulletin.

Et c'est pour ça que je suis devant le bureau de la CPE, en quête d'un mot de retard et d'excuse suffisante pour m'éviter la colle. Foutu tocard.

Sauf que quand j'ouvre la porte, prête à crier à l'injustice et mourir en martyr pour la cause s'il le faut, je vois la CPE.

Et Sonia.

Qu'est ce qu'elle fout ici, bordel ?

(Petite parenthèse, je me demande pourquoi donc tous les bureaux de CPE sont obligés de sentir la mort à des kilomètres, et les salles de classe la transpi. C'est dégueulasse, enfin, juste un peu de parfum et ça ira mieux.)

Je les observe, un silence s'installe pendant environ une demi seconde avant que ma chère CPE me rappelle pourquoi je suis dans son antre de démone. Il faut que j'arrête les animés, ça me ronge le cerveau.

- Mademoiselle Esme, qu'est ce qui vous amène ?

Elle a une voix aigre, comme si je l'avais insultée personnellement ou si je portais un crop top. Je repense au T-shirt de Sophie et me mors la bouche, histoire de ne pas trop sourire. Ça ferait mauvais genre.

- C'est madame Lugern qui m'envoie, comme quoi je suis trop souvent en retard dans son cours.

Je crois que j'aurai dû paraitre piteuse, mais je ne suis pas du tout dans ce mood de mea culpa, alors ce sera l'attitude guerrière. Je dois aussi arrêter Game of Thrones, donc. Mais qu'est ce que je vais faire de ma vie ?

Je crois que je rêve, mais Sonia a un suçon dans le cou.

J'écope d'une heure de colle.

Qui tombe demain soir. Le jour où je dois aller au cours de danse avec Rosa.

Journée de merde. C'est sûrement pas ma CPE qui aura la chance de porter ma litière, quand je serai reine du monde.

Rainbow heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant