Chapitre 2 🌈

39 10 21
                                    

J'avais raison de me méfier : la chaise est en plastique brun plus que douteux, les fenêtres sont scellées pour prévenir les risques de suicide et l'endroit pue bel et bien la vieille cantine.

Ils ont proposé un gouté mais 1/ je n'ai plus 4 ans, 2/ je sais reconnaitre un aliment dangereux. La part de quatre-quart industriel qu'ils m'ont tendue m'a semblé tout à coup contaminée par des milliers de microorganismes qui louchaient sur mon être en ricanant, et le verre en plastique blanc où le jus d'orange était servi m'a donné envie de vomir, sorry les gens qui ne supportent pas.

De toute façon, je préfère le jus de pomme.

De toute façon, les autres ont l'air naze. Une fille avec des lunettes à monture dorée et aux cheveux trop longs est en train de sangloter depuis une dizaine de minutes, ce qui donne lieu à un silence plutôt gênant.

De toute façon, je voulais terminer Mercredi et je suis coincée ici.

Je soupire ostensiblement, regarde mes ongles. J'ai vérifié avant d'entrer : mon make up est encore parfait, tout comme moi. Avec un peu de chances, l'encadrante qui est censée être là depuis un quart d'heure me virera sous prétexte que je suis réfractaire à tous changement positif. Il me semble que c'est Clémentine Beauvais, qui a dit dans un de ses livres qu'une personne qui arrive en retard manque de professionnalisme...

J'ai vraiment pas envie de devoir m'intéresser aux autres. Sans compter qu'on dirait que je suis la seule personne pas totalement introvertie.

À côté de moi, deux garçons font connaissance. C'est pas ici que je vais me trouver une meuf, c'est certain.

Déjà parce que ma crush inatteignable est réellement inatteignable, mais que pour rien au monde je ne la trahirai. Rosé, des Black Pink, est mon goal absolu en matière d'amour. Dommage qu'on ai huit ans d'écart et qu'elle soit coréenne.

Dans le groupe, il y a bien une fille aux traits asiatiques, mais elle n'a pas encore dit un mot et parait être profondément absorbée par les murs depuis un quart d'heure. Elle est trop sérieuse pour moi, à première vue.

La porte claque, des semelles de chaussures aussi. Un rire enjoué éclate le silence dans lequel on s'est enfermés.

- Bonjour à tous et à toutes !

L'encadrante à une voix chaude, enthousiaste qui tranche avec le manque d'ambiance que j'ai enduré jusque là. Je l'aime bien, elle me fait sourire.

Une vague de bonjour peu convaincus s'élance et recule. Je suis la seule à dire salut.

- On va commencer par se présenter, et après on passe aux trucs plus funs, ça vous va ? Je sais, c'est la partie la plus chiante. Je m'appelle Sonia, j'ai vingt-quatre ans, je suis bisexuelle et j'ai un chat qui adore faire ses griffes sur mon canapé. Et vous ? Aller, tu commences, comme ça c'est fait.

Elle désigne la fille brune aux lunettes qui pleurait. La fille tressaille.

- Je m'appelle Éloïse, j'ai quatorze ans, je joue de la harpe et je suis hypersensible.

Elle a une belle voix, grave et hérissée, fatiguée.

- Merci Éloïse, conclut Sonia en souriant. Oui ?

Un garçon avait levé la main.

- Elle n'a pas dit qu'est ce qu'elle est, lesbienne, asexuelle, bi ?

Lui, je ne l'aime pas. Oui, je suis de ce genre de personnes qui décident au bout de quelques secondes si une autre lui parait fréquentable ou non. Éloïse tremble, Sonia fronce les sourcils.

- On n'est pas obligés de dire dès la première rencontre, on n'est pas sur Tinder ici. J'en ai parlé parce que je crois que ça vous aide d'avoir l'impression de me connaitre, mais si Éloïse n'a pas envie, ça ne regarde qu'elle.

- Ok, c'est bon, je voulais pas me faire allumer, marmonne le mac, me confirmant mon opinion quant à lui.

Sonia retrouve son sourire.

- Ce n'étais pas mon intention. Vas-y, explique nous tout, vu que tu as l'air d'aimer parler.

Il a l'air assuré quand il parle.

- Je m'appelle Mathys, j'aimais un garçon, mes parents me détestent pour ça, et je hais les gens qui ont pitié de moi.

Il s'arrête pour nous fusiller du regard un par un.

- Et j'ai seize ans.

Il se rassois. S'il croit qu'il m'aura avec les sentiments, c'est qu'il me connait mal.

- Merci, Mathys.

Sonya répète les mots qu'elle a eu pour Éloïse, mais on sent qu'elle a été touchée. Elle se racle la gorge. Je la coupe.

- Je peux y aller ?

Elle hoche la tête, et en même temps, recommence à sourire.

- Je m'appelle Esme, j'ai quinze ans, je sui en crush sur Rosé des Black Pink depuis mes neuf ans, et ma mère m'a forcée à venir parce qu'elle avait peur que je me sente seule, mais autant vous dire que ma vie telle qu'elle est maintenant me convient très bien, et je n'ai pas l'intention de faire ami ami avec chacun d'entre vous.

- Merci Esme, dit Sonia, en essayant de ne pas paraitre trop scotchée, au moins tu as le mérite d'être honnête.

Je souris. C'est moi qui ai gagné cette partie là, chérie.

Quelques autres autres enfants se présentent, balbutiants et les yeux rivés au sol pour nous apprendre qu'ils ont des poissons rouges ou qu'ils ont douze ans et quatre mois. Ce n'est pas palpitant, et, sans vouloir me vanter, mon passage étais beaucoup plus intéressant.

Vient le tour de la fille japonaise, en dernier. Elle a des yeux tout fins, c'est mignon.

- Moi, c'est Rosa. J'ai quinze ans mais je suis en troisième, je suis lesbienne, je viens du Japon mais j'ai déménagé toute petite, alors je ne me souviens pas de tout. Je fais de la danse contemporaine depuis mes huit ans, et j'adore la guimauve.

C'est la première qui se présente comme lesbienne, et même entre queers, ça fait étrange.

Sonia la remercie, Rosa retourne sur sa chaise, toujours l'air aussi neutre.

- Bon, maintenant que les présentations sont faites, on va passer au fun.

- On va faire quoi ? Présenter les sexualités de nos chats ? demande Mathys, goguenard. Je surprends Rosa à lever les yeux au ciel, alors que je soupire de façon ostentatoire.

- Mieux, réponds Sonia, sans se démonter. On va danser.

Misère.

Rainbow heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant