Chapitre 7: Preview

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Vendredi arrive déjà, marquant ainsi mon dernier jour à la boutique. Avant même de me lever, je saisis avidement mon téléphone, espérant y trouver un message provenant d'un numéro inconnu, une indication d'un nouveau lieu de rendez-vous surgissant comme par magie pendant la nuit.

Malheureusement, il n'y a rien d'autre qu'un message d'Alex.

Peut-être ai-je froissé l'ego de Chris en lui refermant la porte au nez le soir où il m'a rendu mon téléphone ? Il doit certainement croire que je me suis contentée d'un moment de gloire et d'un verre gratuit. Si je l'avais laissé entrer, peut-être aurait-il eu plus de choses à me dire, peut-être m'aurait-il donné son numéro ou un moyen de le contacter.

En entrant dans la boutique pour commencer ma journée de travail, mon cœur est toujours rempli d'espoir et de doutes. Malgré mes efforts pour me concentrer sur mon travail, mon esprit est constamment ailleurs. Les rares clients qui entrent et sortent pour chercher leurs dernière commande de thé, deviennent des silhouettes floues et les interventions de Millie semblent lointaines. Une ambiance pesante règne dans la boutique à mesure que l'heure de la fermeture approche. Les étagères, jadis garnies de pots de thé vintage aux couleurs pastel, sont désormais vides, ne laissant que quelques poussières de feuilles de thé. Les dernières heures de cette journée de fermeture sont empreintes d'une émotion palpable, mêlant nostalgie, accomplissement et un soupçon de tristesse. Tout en continuant de jeter des regards fréquents à mon téléphone, l'espoir d'être rappelée persiste, telle une petite étincelle qui refuse de s'éteindre.

Alors que je sors pour amener les poubelles de la boutique au conteneur au coin de la rue pour la dernière fois, un frisson me parcourt. Une voix familière résonne, brisant le silence qui enveloppait mes pensées.

— Dernier jour ? me dit une voix douce.

Je me retourne avec déjà un sourire aux lèvres. Chris est là, derrière moi, adoptant cette posture unique qui lui est propre. Mon cœur s'emballe, mais je me retiens de lui sauter au cou. D'une voix légèrement tremblante, je réponds.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu étais reparti pour Londres.

Il s'approche lentement, ses yeux exprimant à la fois de la timidité et de la détermination. Il semble chercher ses mots, comme s'il craignait de me déranger ou de m'importuner, et se gratte le front.

— C'est ce qui est prévu. Mon avion est dans trois heures, et le taxi m'attend un peu plus loin. Mais avant de partir, j'aimerais te proposer de venir à l'avant-première de mon prochain film. Elle aura lieu mercredi prochain, déclare-t-il en s'humidifiant les lèvres. Tu es libre de venir, ou pas. On pourra en profiter pour aller voir Abbey Road si tu en as envie.

Il fouille dans la poche de son ample jogging et en sort une enveloppe qu'il me tend. Elle contient deux billets pour Londres ainsi qu'une réservation d'hôtel. Le vol est prévu pour mercredi matin, le jour de l'avant-première.

— Je sais que tu peux te payer un billet d'avion, dit-il taquin. Considère ça comme une invitation. Tu peux emmener un de tes amis avec toi, comme ça tu ne seras pas seule, me dit-il avec un air sérieux que je n'avais jamais observé avant chez lui.

Ses yeux pétillent et me transpercent avec la même intensité que d'habitude. Je reste silencieuse, incapable de trouver les mots pour exprimer ce que je ressens réellement. Le regard de Chris est empreint d'incertitude, il attend anxieusement ma réponse.

— Ne réponds pas, me dit-il avant que je ne prenne la parole. Ne réponds pas maintenant. Prends le temps d'y réfléchir. Mais j'espère que tu viendras.

Il dépose une caresse sur ma joue avec le dos de ses doigts, esquissant un léger sourire. Une délicate sensation de chaleur me parcourt alors que nos regards se soutiennent. L'envie de laisser mes lèvres effleurer les siennes, juste pour en connaître le goût, grandit de plus en plus. Il remet finalement les mains dans ses poches. Je reste parfaitement immobile, l'observant s'éloigner avec une multitude d'émotions qui se bousculent en moi. Ce moment semble durer des heures. Et pourtant, il finit par quitter ma vision, au détour d'un coin de rue en me jetant un dernier sourire. C'est à ce moment précis que je me rends compte que je ne respire plus. J'expire et j'inspire à toute force et ça me fait mal, comme si c'était la première fois. Je reste là, à fixer le vide pendant de longues minutes, avant de me convaincre de stopper cet état de léthargie et de rejoindre de nouveau la boutique pour finir cette dernière journée de travail.

NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant