Chapitre 2

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« C'est une blague ?... »

En réalité, personne n'avait prononcé ces mots, mais ils avaient résonné dans la tête de tous les membres des Black Bears, et probablement au même moment.

L'homme qui leur parlait, et qui devait être le majordome, continua avec tout le flegme dont seul un majordome britannique était capable :

« Mademoiselle Alice Rochelune et sa pupille Mademoiselle June vont arriver dans quelques minutes. Êtes-vous prêts ?

- Euh... oui, quand vous voulez » répondit Franken encore désorienté.

Il y avait de quoi. Le majordome venait tout simplement de leur annoncer que « Mademoiselle Alice Rochelune et sa pupille Mademoiselle June » allaient être les seuls spectateurs, avec peut-être quelques domestiques, de leur concert. Et il avait ajouté qu'il n'y avait pas d'erreur et que c'était prévu ainsi depuis le début, et qu'il était désolé s'il avait omis de préciser ce détail.

« Désolé, désolé, pas autant que moi, grommela Franken dès que le majordome fut hors de portée auditive. Je pensais qu'on devait animer une grande fête de richards, avec des gens partout et du champagne qui coule à flot, et voilà qu'on donne un concert privé avec pour tout public deux femmes. Si en plus, elles s'avèrent ne pas aimer notre musique, bonjour l'ambiance.

- Bonjour les clowns d'anniversaire, tu veux dire, murmura Marcus.

- N'en rajoute pas avec ça, toi. Bon, après tout, on est payés et même cher, donc notre Mademoiselle Alice Rochelune a vraiment envie de nous voir. On peut donc espérer que malgré le comité réduit, notre musique aura un bon accueil... »

Les autres membres préférèrent éluder le sujet pour se concentrer sur les derniers réglages de leurs instruments. Éric, en particulier, semblait très concentré sur le serrage d'une des vis de sa batterie, ce qui trahissait, pour qui le connaissait bien, une grande contrariété.

Marcus, de son côté, préféra s'assurer que sa guitare était bien accordée et oublier tout le reste. L'important était de jouer, pour pouvoir se vanter ensuite que son groupe avait joué devant des milliardaires ; il n'était pas obligé de préciser quel était exactement le public. Qu'il y ait deux ou deux cents personnes ne faisait pas une grande différence ; quand on y réfléchissait, cela pouvait même faciliter les choses, car il était plus facile de contenter deux personnes à la fois que deux cents.

« Mademoiselle Alice Rochelune, mademoiselle June ! » annonça enfin le majordome à l'accent britannique.

La porte du salon aménagé en salle de concert s'ouvrit et laissa entrer les deux femmes, ou plutôt la femme et la petite fille. Cette dernière, avec sa robe à froufrous et ses cheveux blonds impeccablement coiffés, ressemblait à une poupée de collection... mais une poupée dont le fabricant aurait complètement raté le visage. Elle n'était peut-être pas laide au naturel, mais elle faisait une vilaine moue et ses yeux bruns lançaient des éclairs de colère.

« Manquait plus que ça, fit Franken qui recommençait à grommeler. On va devoir supporter une gamine qui boude maintenant. Marcus, je te dispense de faire une nouvelle remarque sur les clowns d'anniversaire... »

Mais Marcus semblait n'avoir aucune envie de faire une remarque. En fait, il semblait n'avoir tout simplement aucune envie de parler depuis l'entrée des deux spectatrices. Son regard était attiré non pas par la petite fille boudeuse, mais par la jeune femme qui l'accompagnait.

Dignement drapée dans une robe noire de haute couture, sa silhouette fine et délicate évoquait celle d'une danseuse. La taille et les épaules étaient étroites, les hanches parfaitement galbées, la poitrine moyenne mais en parfaite harmonie avec le reste, comme si toutes ses mensurations avaient été calculées avec une précision millimétrique. Sa tête, au-dessus d'un cou de cygne, présentait la même régularité de traits digne d'une statue grecque. Mais ce visage à l'ovale parfait, couronné d'une longue chevelure brune, ne semblait avoir été créé que pour servir d'écrin à deux yeux d'un marron profond, dont le regard semblait scintiller.

Poupée Psychotique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant