L’air embaumait d’encens et de plantes aromatiques. Le silence était total. Alice se sentait mieux.
Sur le mur blanc du fond de la pièce, les portraits de ses parents trônaient, l’air digne, comme dans ses souvenirs. Ils auraient dû rester toujours ainsi. Pourquoi fallait-il que les choses changent ?
Au moins, à présent, son père se morfondait, le visage enfoui dans ses mains, devant le cercueil de sa mère. Faute d’avoir pu réparer l’irréparable, Alice avait au moins rétabli la justice.
Alice était trop sensible. Elle ne connaissait que la beauté, et le monde extérieur était décidément trop laid et impitoyable. Elle ne voulait être entourée que de beauté, de joie et de bonheur, quel mal y avait-il à cela ?
Et pourtant, le monde continuait de menacer son idéal. À commencer par June. Elle avait pourtant l’air d’une si gentille petite fille au début, si heureuse et émerveillée en découvrant la maison des Rochelune. Mais ensuite, elle était devenue capricieuse, et maintenant elle disait toutes ces horreurs. Qu’est-ce qui n’avait pas marché avec elle ?
Alice se leva et marcha au milieu des gens immobiles. Rien n’était irréparable. June pouvait redevenir la jolie petite fille sage qu’elle promettait d’être au début, et elle savait exactement comment faire.
*
Il n’avait pas fallu longtemps à Alice pour recontacter Marcus et lui demander de revenir. Juste une semaine, mais qui lui avait paru très longue, malgré les incessantes répétitions des Black Bears. Franken avait eu l’idée d’investir l’argent si généreusement donné par Alice pour leur faire de la publicité et financer une maquette d’album.
« Avec ça, disait-il, on fera notre prochain concert dans une vraie salle. Ou peut-être même dans un stade. »
Malgré l’immense enthousiasme qui les animait, Marcus avait du mal à participer à l’euphorie générale. Il ne pouvait se défaire de l’image d’Alice, et il craignait que cette femme douce et fragile n’ait été cruellement blessée par June. Aussi, dès qu’il reçut son message, il se précipita le plus tôt possible au manoir des Rochelune.
Il eut la surprise d’y trouver Alice d’excellente humeur. À aucun moment elle ne parla de June, et il évita lui aussi le sujet. June devint d’ailleurs très rapidement le dernier de leurs soucis ; rien ne leur importait davantage que de se retrouver, et de ne plus se quitter.
Plusieurs heures après qu’ils eurent assouvi leurs désirs, Marcus se hasarda à poser la question :
« Comment ça va avec June ? »
Alice eut un moment d’hésitation, puis répondit :
« Elle n’est plus ici… Je me suis rendu compte que j’avais été trop indulgente avec elle, alors je l’ai envoyée dans un internat qu’on m’a recommandé…
– Tu as bien fait, j’espère que ça lui mettra un peu de plomb dans la cervelle. Elle m’énervait, à considérer tout ce que tu faisais pour elle comme un dû. Si j’avais eu sa chance, je l’aurais saisie, au lieu de me prendre pour le nombril du monde et de me fâcher bêtement avec mon protecteur.
– Pourquoi « si tu avais eu sa chance » ? Est-ce que tu ne l’as pas, là, maintenant ?
– Tu as raison, encore une fois.
– Alors, comment vas-tu saisir ta chance ?
– En restant auprès de toi. Mais pas pour ton argent, hein : parce que je t’aime. »
Elle le serra convulsivement dans ses bras.
« Je suis si heureuse de te l’entendre dire… »
Il lui rendit son étreinte avec délicatesse, craignant toujours de blesser cette fragile créature avec ses gros bras. Alice n’avait pas ces scrupules : elle se mit à serrer de plus en plus fort, comme si elle craignait de le voir partir. Elle arriva vite à un tel point que même lui commençait à en ressentir de la douleur, mais elle ne desserrait toujours pas les bras.
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Poupée Psychotique
HorrorQuand il tombe amoureux de la belle et riche Alice Rochelune et découvre que c'est réciproque, Marcus, beau gosse métalleux n'ayant jamais été gâté par la vie, croit que ses rêves se réalisent enfin. Mais les apparences sont parfois si trompeuses...