Je serais la fille en blanc [Terminée]

Chapitre 7

Lila s'était réveillée dans un état de stress sans pareil.

Sa nuit fut courte. Pour tenter de camoufler ses traits fatigués, elle laissa davantage retomber sa frange qu'à l'accoutumé et disposa ses boucles brunes de sorte à ce qu'elles encadrent totalement son visage.

Après avoir fait sa toilette, Lila prit la première robe – blanche – qui lui tomba sous la main et main, avant de prendre son sac et de claquer, un peu trop fort, la porte de son appartement.

La jeune femme avait cours jusqu'à dix-neuf heures trente et presque pas de pauses.

À bat ses bonnes résolutions, Lila passa sa journée murée dans le silence, se repassant en boucle son exposé. Elle ne parlait que lorsqu'elle y était obligée et se contentait de réponses courtes.

La journée avait été à la fois longue avec ses huit heures de cours, et rapide, au vu de l'échéance fixée en fin de journée.

Lila avait consulté ses emails presque toutes les heures, attendant un message de Marcus Roka qui annulerait leur rendez-vous, mais il n'en fit rien.

Elle hésita même un court instant à se faire porter pâle. L'étudiante savait pertinemment que cela n'aurait fait que repousser l'échéance.

Finalement, son stress se transforma en adrénaline lorsqu'elle toqua à la porte du bureau de son professeur, le soir venu. Lila était décidé à lui montrer qu'elle était digne de suivre ce cursus et de prétendre à une grande carrière.

Marcus Roka donnait l'impression que la journée venait tout juste de commencer. Son costume noir et sa chemise blanche étaient impeccables, sans aucuns plis.

C'est lorsqu'elle vue ses chaussures parfaitement cirées que Lila se rendit compte qu'elle avait la tête baissée, une vieille habitude de Southail. Elle redressa alors précipitamment la tête, rencontrant ses yeux posés sur elle.

- Mademoiselle Rosay, entrez je vous en prie, dit-il en tendant le bras vers le fauteuil qui faisait face au grand bureau en chêne. Ce dernier contrastait avec la modernité de la pièce, peu large et aux murs débordants de livres.

Lila s'installa sur le fauteuil alors qu'il regagnait son bureau. L'étudiante sortit de son sac sa trace écrite ainsi que quelques manuels qu'elle mis sur ses genoux, anticipant les questions que Marcus Roka lui poserait à coup sûr.

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Voilà déjà plusieurs minutes que le professeur était plongé dans la lecture de l'exposé de Lila, les sourcils froncés et le regard impassible, entourant ou soulignant parfois des passages de la dissertation.

Lila avait le regard perdu dans le vide, attendant son jugement avec hâte et appréhension.

- L'avez-vous vraiment fait seule ?, Marcus Roka avait levé les yeux vers elle et le plus sérieusement du monde lui avait posé cette question, rompant le silence de plomb qui pesait dans la petite pièce.

Face à cette question dans laquelle se sentait de la méfiance, Lila s'empressa d'hocher la tête.

Monsieur Roka la jaugea quelques instants, cherchant une faille sur son visage, lequel ne reflétait que la fatigue de l'étudiante.

Il décida alors de mettre au défi la jeune femme en lui posant des séries de questions, plus ou moins précises, sur tous les sujets évoqués dans sa copie.

Marcus Roka fut à chaque fois surpris des réponses toujours rapides et intelligentes de la jeune femme.

Leur échange dura longtemps et s'interrompit lorsqu'ils remarquèrent que la nuit était déjà tombée.

Ils continuèrent leurs débats jusque sur le parking de l'université, où il ne restait plus que la voiture de Marcus Roka et celle du gardien.

Lila était totalement transportée par leur discussion, oubliant presque qu'il était son professeur, laissant sa timidité sur le côté. Elle s'était même accoudée sur sa voiture en poursuivant ses explications, faisant de grands gestes avec les mains pour illustrer ses pensées.

Voire une étudiante aussi passionnée faisait plaisir à Marcus. Jamais il n'aurait cru que sa matière aurait pu autant passionner cette étudiante, si jeune mais avec un esprit vif assez rare. Elle avait systématiquement une réponse à lui apporter, même sur les sujets les plus pointus.

Leur discussion avait été une vraie joute intellectuelle, où chacun avait pu s'exprimer librement, tout en respectant l'avis de l'autre. C'était assez rare dans ce milieu pour être souligné.

- Mademoiselle Rosay, je suis sincèrement impressionné par la dissertation que vous m'avez rendue, cela dépasse très largement le niveau attendu en première année, Marcus Roka avait dit cela en souriant, avec une lueur de fascination dans son œil valide.

- Merci beaucoup monsieur Roka, Lila se dégagea de la voiture en disant cela. Pour être honnête je ne pensais pas avoir accumulé autant d'informations. Je m'excuse d'ailleurs, l'étudiante baissa la tête, rompant ainsi le contact avec les yeux de son professeur, je me suis sûrement laissé un peu trop emporter, il fait déjà nuit, vous allez manquer à votre famille...

- Cessez de dire n'importe quoi mademoiselle Rosay, l'interrompit-il, notre échange était vraiment intéressant et je suis ravi de voir qu'au moins une de mes étudiantes n'a pas choisi ce cursus par défaut.

Il émit un petit rire en prononçant ces derniers mots.

- Montez, c'est de ma faute si vous êtes resté aussi tard à l'université, il avait arrêté de sourire et Lila s'était remise à rougir. C'est non négociable mademoiselle Rosay, je ne laisserai pas une femme rentrée seule de nuit dans une ruelle mal éclairée.

Il avait alors ouvert la portière côté passager. Alors que Lila prenait conscience de la situation et se rapprocha de lui, Marcus Roka prononça quelques mots qui la fit frissonner.

- Et cette fois-ci je ne serais pas là pour vous rattraper...

Lila obéit, rassurée de ne pas avoir à faire tout ce chemin à pied, alors que le temps s'était nettement rafraîchi.

Contrairement aux heures précédentes, le trajet -court - s'effectua dans le silence. On entendait tout juste la voix du présentateur à la radio.

Lila resserra sa prise sur son sac.

Après tout, elle ne le connaissait pas. Il pourrait très bien l'enlever, elle ne pourrait pas se défendre.

Finalement, la voiture arriva à hauteur de la résidence et Lila pria pour qu'aucun étudiant ne les voit. Elle avait déjà toutes les peines du monde à s'intégrer et ne voulait pas se faire une réputation dès le début de l'année.

- Merci de m'avoir ramené monsieur Roka, dit Lila en se dépêchant de retirer sa ceinture de sécurité.

- Bonne nuit mademoiselle Rosay, il avait prononcé ces mots en tournant à peine le regard vers elle.

De sa place, Lila ne voyait que son œil droit, invalide, et ne parvenait pas à déceler son humeur.

Elle esquissa un rapide sourire et le gratifia d'un « merci » à peine audible avant de claquer la portière et de se précipiter chez elle.

Dès qu'elle entra, elle jeta son sac par terre avant de regarder à sa fenêtre s'il était encore là.

Il regardait en sa direction. Leurs regards se croisèrent une dernière fois avant que la voiture ne se mette à avancer.

Ce regard n'était pas comme les précédents, il exprimait bien d'autres choses.

Indicibles

Invisibles.

Le cœur de Lila rata un battement...