Chapitre 5 - Confiance brisée

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Le lendemain soir, je revis Kim et nous parlâmes de nouveau jusqu'à une heure tardive. Ces moments-là étaient les meilleurs, mais ceux qui venaient juste après m'angoissaient ; les bruits sourds dans mon oreille. Ils m'auraient empêché de dormir si mon sauveur n'était pas là. 

Et puis... La semaine suivante, tout bascula, à mon grand inconvénient. 

Les chuchotements avaient repris de plus belle tandis que moi et Kim comptions pour la 7e fois avant que je n'aille me tapir sur le thorax de mon protecteur. 

Je fermais les yeux, rassurée dans les bras de mon sauveur, avant d'entendre un bruit sourd, qui me glaça le sang. Mes yeux s'ouvrirent instantanément, et j'aperçus mon frère... A deux doigts de tuer Kim ! Ses yeux étaient éclatés, rouges comme le sang, et il portait un poignard à la gorge de mon protecteur. 

- Pourquoi l'aides-tu ?! Tu n'as aucun droit sur elle ! gronda mon frère, au bord de la folie. 

Kim poussa le poignard vers Isao, ce qui me soulagea. Je ne désirais pas le perdre, jamais. 

- Elle n'est rien ! continua mon frère. Rien, tu entends ?! Je vais l'écraser comme une poussière. Et toi aussi, d'ailleurs. Tu finiras bien par la trahir au moment venu.

Malgré la chaleur des bras de mon sauveur, ses mots me blessèrent. J'avais beau avoir l'habitude de ses paroles vulgaires, je finissais par en avoir assez. 

- Tu as raison, objecta Kim. 

Je levai la tête, surprise, vers ce dernier. Ses mots me transpercèrent tels une épée dans le cœur. 

Comment pouvait-il dire ça ?! Je lui avais pourtant fait confiance ! 

Il me lâcha brusquement, et je tombai dans un boucan assourdissant. Une de mes côtes commença à me faire mal, et je n'osais même plus regarder Kim. 

Pendant ce temps, la tête coléreuse de mon frère s'était changée en un visage fou, et il souriait presque. 

- Je suis content que tu ai enfin un peu de logique. Regarde-la, comme elle est triste parce que tu l'as repoussé ! 

Il partit dans un fou rire incontrôlable. Le rire de Kim se joigna au sien, mais je sentis qu'il y avait quelque chose de bizarre. 

Son rire n'était pas ce qu'il était d'habitude. Il était sec, et faux. D'ailleurs, sa tête l'était aussi. Sa bouche souriait, mais pas ses yeux. J'essayai d'y voir clair. Et si c'était un piège tendu contre mon frère ? J'en doutais. Mais les preuves que j'avais devant moi me disaient exactement la même chose. En guise de réponse, Kim me fixa, comme à son habitude, mais son regard n'était plus le même. Il me dévisagea comme si j'étais un déchet. J'eus finalement la certitude que j'étais bien victime d'une trahison. 

En dépit de mes yeux embués de larmes, il se retira, suivi d'Isao, me laissant seule dans mon chagrin. 

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- Je vais le buter celui-là, fulmina Chanya, hors d'elle, alors que des passants la regardaient d'un air effaré. 

Nous étions en pleine balade nocturne, deux mois après la fuite de mon cher sauveur. 

- Heu... Chanya, calme-toi s'il te plaît... 

- Comment je pourrais me calmer ? Il t'a trahi ! Il t'a trahi, Yoko !!!

Je soupirai. Oui, il m'avait trahi. Pourtant, je ne voulais pas que ma meilleure amie aille le blâmer. 

- Chanya, si tu veux, allons manger dans le restaurant que tu aimes tant... Tu pourras y voir Yuta, et... Bon, de toute façon, ce n'est pas un choix ! J'annonçai en la tirant vers le lieu en voyant qu'elle n'était pas prête à bouger. 

- Hmm... 

Pendant le reste du trajet, elle ne pipa mot. Je supposai que c'était pour l'histoire que je lui avais raconté le matin même. Elle avait l'air si choquée ! Et moi aussi, d'ailleurs. Je ne me suis toujours pas remise de cette trahison surprise, et je suis partie vivre chez Chanya dès lors. Ses parents m'ont accueilli adorablement, comme le ferait des proches. Ils m'ont dit de faire comme si j'étais chez moi, etc. Mais chez moi, je ne serai jamais comme ça... 

- Mange, Yoko. 

- Hein ? Qu-Quoi ? je bafouillai avant de me rendant compte qu'une fourchette pleine de viande était juste là, devant mes yeux, prête à être mangée. 

Elle rigola, -pour la première fois en deux jours- , de ma naïveté. 

- Ahah ! 

Je pointai un doigt triomphant devant elle, tout en mangeant la fourchette qui m'était destinée. Lorsque la nourriture arriva dans ma gorge, elle me procura une énergie et un plaisir que je n'aurais jamais eu sans cet ustensile culinaire. 

Nous rigolâmes ensemble, abandonnant l'atmosphère tendue qui s'était installée depuis tout à l'heure. 

- Voulez-vous plus d'eau ? nous demanda le serveur préféré de Chanya, Yuta. 

- Non merc-

- Oui, s'il vous plaît ! me coupa la thaïlandaise en remuant la tête à maintes reprises pour accaparer son attention. 

Il lui offrit un chaleureux sourire, et elle sourit à son tour, mais bêtement. 

Depuis la trahison, Yuta s'était chargé de notre table. Je n'avais plus revu l'autre serveur qui m'avait fait tourné la tête... Enfin, non, mais qu'est-ce que je raconte ?! Le serveur aux beaux yeux- Raaah!!! Bref, peu importe. 

En fait, je trouvais ça un peu bizarre. Le serveur aux beaux yeux et Kim avaient disparu le même jour. 

Était-ce une coïncidence ? Je ne pense pas. Mais mon côté logique me contredisait. 

Ah mais... Kim aussi avait des beaux yeux. 

Sur la dernière phrase de mes pensées, je m'arrêtai. La fourchette remplie de nouilles commença à dégouliner de sauce, sans même que je m'en aperçoive. Non, ce n'est pas la même personne... Si ? De toute façon, n'importe qui peut avoir des beaux yeux comme ça. C'est ce que j'essayais de faire rentrer dans ma petite tête. 

- Yoko ?

- Hmm ? 

- A quoi est-ce que tu pensais ? Ta fourchette était en sueur... 

J'éclatai de rire. Son humour avait fini par revenir. 

- Tu te rappelles quand je t'ai révélé le visage de mon sauveur ? 

Son visage se ferma. 

- Ton "traître", tu veux dire ? me corrigea-t-elle, un sourcil levé. 

- Allez, Chanya... S'il te plaît, ne reviens pas sur ce sujet-là. Je voulais juste te parler d'une de mes hypothèses !

Elle souffla, mais renonça à faire des reproches sur Kim. Je continuai, soulagée. 

- Oui, donc, Kim avait des yeux magnifiques, et... 

- Je t'arrête ! Il s'appelle Kim ?!

- Heu... Oui. 

Qu'est-ce qu'elle manigançais ? J'espérais juste qu'elle n'allait pas interroger toutes les personnes proches de mon frère. 

- On dirait un pseudo... De Kim Taehyung, chuchota-t-elle très bas, pensant que mon ouïe était ailleurs. 

Mes yeux s'écarquillèrent de stupeur. Je retins cette hypothèse, avant de feindre l'ignorance. 

- Qu'est-ce que tu as dit ? 

- Rien du tout. Tu peux continuer ta petite histoire. 

C'est sur cette dernière parole que je continuai mon récit. 

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant