6e rouge : Profond

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Asano Gakushuu avait passé toute la journée avec le regard de son rival posé sur lui. Il pouvait deviner que ce dernier essayait d'être discret, mais ses pupilles intenses passaient difficilement inaperçues pour le garçon qui s'était professionnalisé dans la lecture du langage corporel et des expressions faciales. Il faut dire que vivre avec un sociopathe manipulateur et violent nécessite le développement de ce genre de capacités, c'était une question de survie. C'était d'ailleurs cette même compétence qui lui avait permit de reconnaître la tristesse et le désespoir dans les yeux ambrés d'Akabane, c'était la raison pour laquelle il avait premièrement commencé à l'observer plus attentivement avant même qu'il ne découvre ses cicatrices.

Il se savait observé, mais il avait l'habitude de l'être, alors il fit semblant de rien. Après tout, il était le délégué de la classe, un membre du bureau des élèves, le meilleur élève de l'école -probablement du pays également- et le fils unique de l'ancien directeur. Ancien directeur qui était d'ailleurs prit dans une large polémique suite aux révélations de l'organisation pédagogique du collège Kunigaoka et l'existence du fameux Koro-sensei, ce qui avait parallèlement multiplié les nombreux regards et interrogations ciblés sur Asano Junior. Il les balayait d'un sourire charmeur et d'une réplique évasive suivit d'un changement de sujet bien calculé.

Le roux vaquait donc à sa routine : rassembler des documents, organiser des réunions, aider les élèves en difficultés, et être le chouchou des profs. Il sentait la paire d'yeux fixés sur lui à chacun de ses gestes. Le regard de Karma était différent de celui des autres. Il l'analysait en détail, il le découpait en morceau, il perçait ses secrets les plus enfouis. Ils lui rappelaient presque les yeux perçants de son géniteur. Presque. La différence était qu'Akabane n'était pas menaçant, il ne cherchait pas à imposer sa domination. Il était simplement . . . là.

C'était probablement pour cette raison que le délégué ne fut qu'à moitié surpris lorsque le rouge l'approcha à la fin de la journée. Gakushuu était en train de discuter avec d'autres élèves, les cours venaient de se terminer et il restait encore une quarantaine de minutes avant que les activités de club commence. Dans un lycée d'élite comme Kunigaoka, où l'excellence était attendue, les clubs était une manière de redorer encore plus l'image des élèves. Jusqu'à la démission du Proviseur Asano il y a de ça quelques mois, la participation aux clubs était obligatoire pour tous. Ce règlement a été abandonné sous la pression des parents d'élèves qui désiraient permettre à leurs enfants de respirer un peu plus, mais malgré tout, la quasi totalité d'entre eux restaient pour ces activités périscolaires.

Pour cette raison, il restait encore de nombreux élèves dans l'établissement, mais Karma eut peu de mal à repérer la chevelure rousse au milieu de ses admirateurs camarades. L'hésitation le paralysa quelques secondes, mais cela ne dura pas. Il s'avança d'un pas nonchalant vers le garçon, les yeux fixés sur lui, et s'arrêta juste devant son bureau.

Avant qu'il ne puisse réfléchir à comment interpeller le garçon, ce dernier, ayant senti sa présence, abandonna la conversation qu'il avait avec 3 autres adolescents pour lever la tête vers Akabane. Karma avait les mains dans les poches, le regard blasé, et les épaules relâchées dans une posture qui se voulait décontractée. Gakushuu, assis sur sa chaise, avait presque l'impression de se faire prendre de haut, si ce n'était pour le tic du rouge. Son menton pointé vers le bas et la mâchoire serrée à en faire éclater ses dents démontraient plutôt d'une certaine retenue voire même d'un léger malaise.

- Oui ?

Asano dut se retenir de sourire en voyant son vis-à-vis se tendre immédiatement comme s'il était surpris qu'on lui adresse la parole. N'était-il pourtant pas celui qui était venu le voir en premier lieu ?

- La prof de science m'a demandé de venir te chercher.

- Oh, laquelle ?

- Comme si j'avais retenu leurs noms. Ramène-toi, j'ai pas que ça à faire, jouer les pigeons voyageurs.

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